La République démocratique du Congo (RDC) pourrait supprimer l’interdiction aux décideurs politiques et hauts gradés de l’armée d’exploiter le secteur minier. Une mesure qui relèverait d’un dangereux conflit d’intérêt, selon l’ONG Global Witness.
C’est un très mauvais signal que pourrait envoyer les autorités congolaises dans le très riche et très stratégique secteur minier. Plusieurs modifications du code minier de 2002, présentées au Parlement en mars, inquiètent Global Witness. Selon l’ONG, le gouvernement congolais cherche à autoriser militaires et politiques à détenir des droits miniers en supprimant certaines modalités du code minier.
« Conjuguée à des dispositions extrêmement laxistes sur la transparence, (la suppression de cette interdiction) pourrait rendre le secteur minier congolais plus vulnérable à la conclusion de contrats corrompus et coûter des milliards de dollars au pays », alerte Global Witness. Pour Nathaniel Dyer, chef de l’équipe en charge du Congo, « cela fait trop longtemps que le secteur minier de la RDC est à la merci des politiciens et hommes d’affaires qui cherchent à l’exploiter. (…) Le Congo ne peut se permettre de passer à côté d’une opportunité de renforcer ses réglementations pour que sa population bénéficie de la richesse minérale du pays ».
Manque de transparence
Depuis maintenant 3 ans, le « nettoyage » du code minier inquiète de nombreux observateurs de l’économie congolaise. Global Witness, qui suit le dossier de près, reste préoccupé des « retards et des faiblesses » de la nouvelle proposition de législation.
L’ONG s’étonne de certaines dispositions : aucune obligation de publication des contrats, processus d’appel d’offres « pas assez transparents », « trop grand pouvoir discrétionnaire du ministre des Mines », entreprises publiques « largement non réglementées », « divulgation de l’identité des propriétaires réels requise » et enfin « aucun article ne traite spécifiquement de la prévention du financement du conflit et de l’implication de l’armée dans le commerce des minerais ».
La possible suppression des garanties relatives au conflit d’intérêt intervient donc dans un cadre déjà largement dérégulé. Cette suppression « facilitera la conclusion de contrats douteux qui privent le Trésor congolais de milliards de dollars » selon Nathaniel Dyer de Global Witness.
Manque à gagner de 1,36 milliard de dollars
Si le fait que politiciens et militaires se partagent déjà en toute illégalité le « gâteau minier » constitue un secret de polichinelle en RDC, le principal perdant de cette prédation endémique reste bien sûr la population congolaise. Selon Global Witness, les accords miniers secrets représenteraient un manque à gagner d’1,36 milliard de dollar ces dernières années.
Une somme qui représente « le double des dépenses annuelles de santé et d’éducation du pays ». Si la prédation et la corruption ne gangrénaient pas le secteur minier, les richesses du sous-sol permettraient « de sortir le pays de la pauvreté ». Ce qui est encore loin d’être le cas : selon le FMI, 82% des Congolais vivent encore sous le seuil de « pauvreté absolue », avec 1,25$ par jour.
Kinshasa silencieux
Pour Global Witness, la relance du secteur minier passe par « une nouvelle législation pour permette de disposer d’informations supplémentaires sur le secteur minier industriel ; d’empêcher les personnes politiquement exposées de profiter de l’activité minière ; de divulguer l’identité des propriétaires réels des droits miniers et de mette un terme au transport, au trafic et à la vente de minerais par des hommes armés, des militaires et des fonctionnaires provinciaux ». Des recommandations copieusement ignorées pour le moment par Kinshasa.