Recherche Raïssa Malu : « Il y a moyen de mener des expériences scientifiques sans matériel extraordinaire »

Organisée par l’association Investing  In People et le ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’Initiation à la nouvelle citoyenneté, la deuxième édition de la Semaine de la science et des technologies s’est tenue à Kinshasa les 16 et 17 avril. Cette année la manifestation avait pour thème « L’explosion des savoirs, l’énergie et la lumière ».  Business et Finances a rencontré la directrice d’Investing In People. Diplômée en physique de l’Université catholique de Louvain, en Belgique, elle a de qui tenir : son père Félix Malu wa Kalenga, disparu en 2011, a enseigné à l’université de Kinshasa et dirigé le premier Centre d’études nucléaires du pays. Professeur de physique et de mathématiques au secondaire et au supérieur, elle est également consultante en éducation. Entretien. 

BUSINESS ET FINANCES : Après la première édition de la semaine de la science et des technologies, vous voici dans la deuxième. Qu’est-ce qui vous motive ?  

RAÏSSA MALU : Comme la première, il s’agit pour nous de promouvoir les sciences et les technologies auprès des jeunes et du grand public, promouvoir le savoir et le savoir-faire congolais dans le domaine technique et scientifique.

Pourtant la RDC n’est pas réputée dans le domaine des sciences et technologies…

Par manque de communication, justement. En RDC, il y a des compétences techniques et scientifiques. Nous sommes quand même le premier pays africain à avoir installé un réacteur nucléaire. Nous avons, donc, des compétences. À l’époque  nous étions au premier plan dans le domaine technologique. Malheureusement, les choses se sont effondrées. Mais nous  continuons à avoir des compétences. Ce que nous voulons, c’est justement de les promouvoir, voir ce qui se fait, pour que nous puissions reprendre, in fine, la place que nous occupions  jadis.

Pour quels objectifs ? 

Pour le développement du pays. Jamais la RDC ne pourra se développer sans sciences et technologies. C’est une illusion que de penser qu’en délaissant ce domaine nous pourrons y arriver. Et nous serons obligés d’importer des techniciens et des scientifiques du reste du monde, alors que nous avons ici des gens qui peuvent faire le même travail. Ce que nous nous voulons,  en fait, c’est atteindre une masse critique, un nombre minimum de chercheurs et de techniciens qui, parce qu’ils sont là, vont permettre à la science et à la technologie de contribuer au développement de la nation.

Quel sens donnez-vous au partenariat entre votre association et le ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’Initiation à la nouvelle citoyenneté ? 

Comme je vous l’ai dit, il s’agit de promouvoir les sciences et les technologies auprès des jeunes et du grand public. Il y a donc un aspect qui touche à l’amélioration de la qualité de l’enseignement de ces matières à l’école. C’est pour cela que nous sommes très heureux d’avoir comme partenaire le ministère  de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’Initiation à la nouvelle citoyenneté parce que la semaine s’adresse aux personnes que le ministère gère.

Pourquoi travaillez-vous avec des écoles qui ne sont pas bien équipées en termes de laboratoires ? 

C’est justement ce que nous voulons démontrer : il y a moyen de mener des expériences scientifiques  sans matériel extraordinaire.  Ce qu’on veut montrer dans la semaine de la science, c’est qu’en utilisant les petits moyens de la vie de tous les jours, en reprenant  des ustensiles qui sont à la maison, que maman utilise à la cuisine, on peut entreprendre des expériences scientifiques pour illustrer des phénomènes. C’est pour cela que, vous l’avez vu, on a rarement utilisé un dispositif extraordinaire pour illustrer un phénomène en particulier. Vous avez vu que nous avons toujours utilisé du matériel disponible à la maison, que l’enseignant et l’élève peuvent utiliser.

En RDC, le domaine des technologies reste l’apanage des hommes. Pour quelle raison les femmes se tiennent-elles à l’écart ?

On y trouve des femmes, mais pas assez à mon goût. C’est pour cela que nous mettons en avant un maximum de femmes en priorité parce que, finalement, trop peu y vont. Pourquoi ? Parce que c’est un secteur dominé par les hommes.  J’ai eu une étudiante qui me disait qu’elle voulait arrêter ses études d’ingénieur, pas parce que c’est difficile, mais parce qu’il n’y a que des hommes. J’ai trouvé cela vraiment dommage. C’est pourquoi, durant ces deux jours, nous avons voulu cherché à promouvoir au maximum les sciences auprès des jeunes filles. J’étais très contente de voir les jeunes filles aller et venir. Nous voulons cette promotion pour que davantage de filles embrassent les filières  techniques et scientifiques. La difficulté vient aussi du fait qu’on ne tient pas du tout compte du temps des femmes.  À un certain moment, elles sont enceintes, elles doivent accoucher, etc. Quelque part, on les pénalise parce que leur  avancement dans la carrière est freiné car elles doivent  s’arrêter quelques années. Ce que nous voulons c’est que, en promouvant ceci, on en arrive à tenir compte de ce que j’appelle le temps des femmes.

Avez-vous réussi à susciter auprès des uns et des autres un intérêt pour les sciences et les technologies durant cette deuxième édition ? 

Énormément. Pour la première édition,  l’année dernière, on a eu plus de deux mille personnes, alors que tout le monde disait que les sciences n’intéressent personne.   Si vous interrogez les enfants, il y en a qui sont pétillants, très intéressés, qui ont appris des choses qu’ils ne savaient pas et on voit qu’il y a un intérêt. Contrairement à ce que l’on pense, les sciences et les technologies intéressent pour peu qu’on les présente de manière intéressante. Et c’est là qu’il y a le défi : pouvoir les présenter pour susciter le goût.

Qu’en est-il alors de l’énergie et de la lumière, sous-thème de cette deuxième édition?

Comme vous l’avez vu, au niveau du stand consacré à l’énergie, il y a eu des efforts. On est supposé, ici au Congo, exploiter jusqu’à 10 % de notre potentiel énergétique. On n’en est pas encore là, mais les efforts se font dans ce sens. En invitant le ministre de l’Énergie, nous avons souhaité qu’il communique avec le grand public sur les efforts qui sont fournis dans ce domaine.

À quand le prochain rendez-vous ?    

L’année prochaine. Il y aura encore plus de monde. C’est vraiment une fête. On a voulu rendre cela attractif, en développant des activités pour que chacun trouver son compte lors des conférences, sur les stands des expositions, pendant les diverses expériences.