L’exposition « Beauté Congo » consacrée à la vitalité de la scène kinoise à la Fondation Cartier, à Paris, connaît un tel succès qu’elle a été prolongée jusqu’au 10 janvier. Cet engouement a toutefois un revers : la recrudescence des contrefaçons sur le marché de l’art. Certaines sont repérées à temps. En épluchant les annonces de ventes aux enchères de cet automne, le marchand André Magnin, commissaire de « Beauté Congo », a récemment découvert quantité de faux.
L’étude Conan, à Lyon, devait mettre en vente le 15 octobre une trentaine de pièces douteuses de Lubaki, Thango, Bela, Pili-Pili, Moke et Chéri Samba. L’expert de la vacation, Olivier Houg, les a toutefois promptement retirées à la suite de l’avis défavorable d’André Magnin. « J’avais été intrigué par la quantité d’œuvres et certains défauts que je trouvais troublants, confie-t-il. Je savais que les œuvres de Lubaki étaient rares et en voir une douzaine d’un coup me paraissait surprenant. Je ne les aurais jamais passées sans la confirmation d’André. » D’après nos informations, ces pièces avaient été mises en vente par la Galerie des Mineurs, à Liège. Contacté, son directeur, Louis Crespin argue de sa bonne foi, l’ensemble lui ayant été confié par un intermédiaire kinois. « Il se peut qu’il y ait des faux, j’ai pu me tromper, admet-il. Mais que tout soit faux, je suis étonné. L’expert a décrété que c’était faux uniquement sur photo. Dans le lot, il y a trois ou quatre pièces qui valent entre 300 et 400 euros. Qui passerait son temps à faire des faux pour gagner aussi peu ? » Le marchand a toutefois repris les œuvres sans broncher.
Toujours le 15 octobre, la maison de vente britannique Bonhams organise à Londres sa vente rituelle d’art africain sous le libellé « Africa Now ». Trois pièces sont problématiques : une toile sans titre de Moké, un tableau intitulé Une peinture à défendre, de Chéri Samba, et une œuvre de Chéri Chérin, Le Partage du pouvoir. Certificat de non authenticité d’un tableau de Chéri Samba
L’œuvre de Moke jouit certes d’un certificat de l’artiste disparu en 2001. Sauf que, selon André Magnin, le peintre n’aurait jamais fait de certificat d’authenticité de son vivant. « C’est bien la première fois que j’en vois un, s’étonne-t-il. Je n’ai par ailleurs jamais vu une telle signature pour Moké. » Le fils de l’artiste, Jean-Marie Mosengwo dit « Moké Fils », conteste d’ailleurs son authenticité. Chéri Chérin et Chéri Samba ont également rédigé des certificats de « non-authenticité » pour les lots litigieux présentés chez Bonhams. Le 29 septembre, la maison de vente s’est résolue à les retirer. « Nous n’avons pas reçu de la part du vendeur de documents suffisamment probants pour écarter l’avis d’André Magnin », confie Giles Peppiatt, responsable du département art africain chez Bonhams.
Et d’ajouter : « C’est la première fois en sept ans que nous sommes conduits à retirer des pièces d’une vente. La question des faux n’épargne aucun marché. Celui de l’art africain contemporain est touché autant que n’importe quel autre domaine, ni plus ni moins. »
André Magnin est, lui, beaucoup plus inquiet. « J’ai vu de mes propres yeux au moins une centaine de faux Moke et au moins autant de Chéri Samba, et je pense qu’il y en a beaucoup plus qui circulent, affirme-t-il. Il faut assainir tout ça, arrêter cette pollution qui pourrait être fatale à un marché émergent. »