EN DATE du 1er juin, Eustache Muhanzi Mubembe, le ministre d’État, ministre des Ressources hydrauliques et de l’Électricité, adresse une correspondance (CAB/MIN/RHE/EMM/464BB/20) à Elysée Munembwe Tamukumwe, la vice-1ER Ministre, ministre du Plan ; à Acacia Bandubola Mbongo, la ministre de l’Économie nationale ; à Eteni Longondo, le ministre de la Santé ; à Claude Nyamugabo Bazibuhe, le ministre de l’Environnement et du Développement durable ; et à Guy Mikulu Pombo, le ministre du Développement rural.
Il écrit ceci : « Consécutivement à la décision de la réunion de la Commission des Secteurs Productifs, Équipements et Reconstruction de ce lundi 1er juin 2020, j’ai l’honneur de vous demander de désigner deux (02) experts de vos Ministères respectifs aux fins d’enrichir les projets de décrets et d’arrêtés d’application de la Loi n°15/026 du 31 décembre 2015 relative à l’eau » Suite au précédent, une réunion des experts venus de ces ministères a été organisée pendant trois jours (3-5 juin) à Kinshasa.
Combler le vide
Point n’est besoin de dire que ça urgence, à l’approche de l’échéance de décembre 2020. En effet, la loi n°15/026 de décembre 2015 est venue combler le vide juridique pour une gestion intégrée de l’eau en tant que ressource tarissable, fragile ou vulnérable et hautement économique. En fait, pas une activité dans la vie ne se fait sans l’eau, pourrait-on ainsi dire.
Avant décembre 2015, la République démocratique du Congo n’avait pas de politique nationale de l’eau véritable. C’est ainsi qu’un forum national a été organisé en mai-juin 2000 pour concevoir les axes majeurs d’une politique nationale de l’eau, en tant que ressource nationale, patrimoine du pays, dont le gouvernement assure la gestion qualitative et quantitative.
Par conséquent, l’eau « étant une ressource vulnérable », sa gestion ne devrait qu’être intégrée et durable.
Il incombait donc au gouvernement de valoriser l’eau comme bien économique et éviter ainsi sa surexploitation, préserver et protéger les écosystèmes aquatiques et autres, harmoniser et réconcilier les besoins en eau des différents secteurs économiques et des activités humaines… Vu sous cet angle, il fallait doter le pays d’une loi spécifique ou code de l’eau. Et cela a été fait avec le concours financier des bailleurs de fonds dont de la coopération allemande.
Cependant, il y a un problème : d’autres lois dans le pays réglementent l’eau. Ce sont, sans être exhaustif, la loi sur l’environnement ; la loi sur le développement rural ; la loi domaniale et foncière ; le code forestier ; le code minier ; la loi sur la navigation ; la loi sur les exploitations industrielles ; la loi sur les barrages hydroélectriques ; la loi sur la pollution et la contamination des sources, lacs, cours d’eau et parties des cours d’eau ; la loi sur la conservation de la nature ; la loi sur les concessions et l’administration des cours d’eau et lacs…
Autre chose : les quelques textes réglementaires relatifs à la gestion des ressources en eau qui existent, ont été élaborés en application des lois des secteurs connexes et ne sont presque pas appliqués. Il a fallu donc mettre en place les organes de gestion du secteur de l’eau. Il faut dire qu’avant la promulgation de la loi n°15/026 de 2015, la gestion des ressources en eau en RDC était multisectorielle. Ce qui n’en facilitait la gestion.
En effet, plusieurs ministères, suivant leurs caractères techniques, administratifs, sectoriels ou selon la mission des services sous leurs tutelles respectives, s’occupaient de la gestion de l’eau. Toutefois, un décret présidentiel avait défini les attributions de chaque ministère et confié la gestion de l’eau au ministère en charge de l’énergie. Dès lors, on comprend que ça soit le ministre des Ressources hydrauliques et de l’Électricité qui ait l’initiative de conduire la réflexion sur les mesures d’application de la loi relative à l’eau.
Attributions
Aux termes du décret présidentiel précité, le ministère en charge de l’environnement, des eaux et forêts s’occupe des aspects normatifs et qualitatifs, le ministère des Transports et des Voies de communication couvre les aspects liés à la navigation, à l’hydrologie et à la météorologie, tandis que le ministère en charge du développement rural a attribution sur les matières ayant trait à l’hydraulique rurale, et le ministère de l’Agriculture s’occupe des questions d’irrigation, de pisciculture, celui de l’Élevage de l’abreuvement du bétail…
Par ailleurs, plusieurs services publics et/ou privés ont également pour mission les activités d’hydrologie, de navigation, d’exploration, de développement, d’exploitation et de distribution de l’eau. Par exemple, la REGIDESO, entreprise publique, est chargée de la production, de la distribution et de la commercialisation de l’eau potable dans les villes et les centres assimilés. C’est pourquoi, quand on parle de l’eau en RDC, les gens voient d’emblée la REGIDESO. Pourtant, celle-ci n’est qu’utilisatrice d’eaux du domaine public comme tous les autres utilisateurs.
Quant à lui, le Service national de l’hydraulique rurale (SNHR) approvisionne en eau potable les populations vivant en milieu rural et assure la maintenance des ouvrages. Pour sa part, la Société commerciale des transports et des ports (SCTP), entreprise publique, se charge du transport fluvial et de la gestion des ports maritimes et fluviaux. La Régie des voies fluviales (RVF) et la Régie des voies maritimes (RVM) se chargent respectivement de l’aménagement de toutes les voies navigables du bassin du Congo sur le territoire national et de l’entretien des voies navigables du bief maritime du fleuve Congo sur une longueur de 100 km entre Matadi et Banana dans la province du Kongo-Central.
La RDC a adhéré à plusieurs initiatives (conventions et accords) régionales et internationales relatives à la gestion de l’environnement en général et des ressources en eau en particulier. Le pays se partage avec ses voisins deux bassins fluviaux et plusieurs bassins lacustres. Ce sont les bassins du fleuve Congo, du Nil, des lacs Tanganyika, Albert, Kivu, Edouard et Moëro. De tous ces bassins, seuls ceux du Congo, du Nil et du lac Tanganyika sont gérés dans le cadre d’organisations dont la RDC est membre (Commission internationale des bassins Congo-Oubangui-Sangha, Initiative du Bassin du Nil, Commission internationale du lac Tanganyika…).
En définitive, la RDC ne sait pas capitaliser les atouts dont elle dispose pour une meilleure gestion des ressources en eau. Ce qui constitue un énorme manque à gagner en termes de recettes budgétaires pour l’État. Pour tirer profit de ses ressources en eau, il faudra faire sauter plusieurs verrous (contraintes) qui freinent le développement du secteur de l’eau. Les principaux problèmes sont liés à la situation de l’eau elle-même, à la vie et au bien-être des populations, ainsi qu’à la gestion et à la gouvernance de l’eau.
Est-ce que la loi n°15/026 de décembre 2015 a résolu tous ces problèmes ? Au vu des défis à relever, surtout en cette période où les finances publiques sont malmenées à cause de la pandémie de Covid-19, le gouvernement a intérêt de donner une valeur économique à l’eau. Cela permettra d’attirer davantage d’investissements consacrés à l’eau. Qui ne sera plus considérée comme une ressource gratuite dont on se servirait à sa guise. Le prix de vente de l’eau sera alors compatible aux charges de production ou de mobilisation, le niveau de couverture des coûts de production augmentera. Bref, l’efficacité et l’efficience dans l’utilisation des ressources en eau seront au rendez-vous. Les défis à relever consistent donc à créer les conditions requises pour une meilleure gestion intégrée. Il faudra pour cela une vision claire et partagée sur le plan stratégique fondée sur des instruments de base indispensables.