Rétrocession ou retenue à la source, la pomme de discorde

Sur le principe, l’article 175 de la constitution n’est jamais appliqué stricto sensu. On ne sait pas par quel tour de magie le gouvernement a fait passer dans l’opinion la notion de rétrocession, ce qui n’est pas sans soulever des tensions entre le gouvernement et les exécutifs provinciaux. 

 

Avant même le découpage intégral de 2015, les onze provinces recevaient seulement à peine 6 à 10 % des recettes nationales. Il va de soi que cela les privait des moyens adéquats pour réaliser les projets de développement et d’investissement. Aujourd’hui, les nouvelles provinces issues de ce découpage prétendent ne rien recevoir ou presque du gouvernement.

Il faut noter que le niveau de mobilisation des recettes nationales par les provinces varie selon que l’on est une province dite « riche » ou une province considérée comme « pauvre ». Les provinces considérées comme riches sont Haut-Katanga, Lualaba, Kinshasa et Kongo-Central. Avant le démembrement, le Katanga mobilisait plus de 500 millions de dollars, soit 55 % des recettes nationales. Tandis que le Bandundu considéré comme une province pauvre en mobilisait seulement 133 millions.

Les exécutifs provinciaux déplorent l’absence d’« esprit de solidarité » dans la fameuse « rétrocession des 40 % des recettes nationales » dus aux provinces par le gouvernement. Ancien 1ER Ministre, Adolphe Muzito dénonce « la mauvaise répartition des ressources financières entre l’État central et les provinces ». À ses yeux, le gouvernement bute à deux difficultés majeures : primo, distinguer les actifs de l’État de ceux des provinces démembrées. Secundo, déterminer les normes de répartition du patrimoine de la province démembrée entre les nouvelles provinces.

En outre, il y a le fardeau du service de la dette, qui pose le problème de la soutenabilité budgétaire en termes de service mais aussi de qualité. En effet, la dette n’a pas été contractée auprès des institutions financières autres que bancaires conformément à la loi mais auprès des banques privées à des taux d’intérêt prohibitifs et à des échéances contraignantes.

Pour rappel, c’est en fonction des recettes réalisées que l’on calcule la part des recettes nationales due à une province. C’est ainsi, par exemple, que le Katanga se tape 41 % ; le Kongo-Central, 11 % ; Kinshasa, 10 %. Le Bandundu (ensemble) 1 % ; le (grand) Kasaï, 4 % ; le Sud-Kivu, 7 % ; le Maniema, 5 %… Avec une telle répartition, des experts estiment qu’il faudra, par exemple, un demi-siècle au Bandundu et un quart de siècle au Kasaï pour rattraper le niveau des investissements qui seront réalisés au Katanga. Il faut donc que le gouvernement mette en place des programmes viables de développement économique, industriel, des infrastructures, énergétique, etc. dans toutes les provinces afin de permettre aux ETD de prendre l’envol économique.

Les contribuables payent le prix fort 

Face aux défis de leur financement, les provinces en sont arrivées alors à créer de nouvelles taxes. Des taxes dont certaines ne manquent pas de susciter la polémique avec les administrations fiscales nationales, notamment la Direction générale des impôts (DGI) et la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et des participations (DGRAD). Par exemple, les provinces sont allées jusqu’à instaurer une nouvelle taxe aéroportuaire dans le genre Go Pass que la Régie des voies aériennes (RVA) fait payer à tout passager avant de prendre place à bord d’un avion.

La RVA a vite fait de réagir en soulevant l’exception d’une double taxation et a exigé que soit mis fin à cette taxe aéroportuaire provinciale. Cependant, certaines provinces, comme Kinshasa, ne manquant pas d’imagination, ont trouvé le moyen de contourner cette interdiction en instituant une taxe sur le fret aérien.

Par ailleurs, les provinces continuent de faire de la résistance à propos de la taxe anti-pollution. Légalement, c’est la DGRAD qui est en charge de sa perception à travers le pays. Mais les provinces font percevoir également cette taxe par leurs régies fiscales, ce qui n’est pas sans soulever la colère de la DGRAD et des opérateurs économiques. Comme on peut le constater, le contribuable paie le lourd tribut de l’inflation fiscale qui se répercute sur les prix sur le marché. Dans les provinces, les autorités s’en défendent en soulignant que la multiplicité des taxes répond à la nécessité de leur fonctionnement. Jugeons-en plutôt par l’expérience d’une province (comme le Haut-Katanga) et une ETD (ville de Mbandaka).