IL AVAIT été demandé au Gouv’ du Lualaba de parler du « Centre de négoce comme moyen d’assainir les conditions de l’exploitation minière artisanale » pour échanger avec les participants. Ce thème, a-t-il déclaré, lui a permis de retracer brièvement l’histoire de l’exploitation minière artisanale en République démocratique du Congo en général, et dans la province qu’il dirige. Richard Muyej Mangez Mans a articulé son exposé autour de trois axes : un bref aperçu sur l’exploitation minière artisanale ; les points saillants de la réforme de l’exploitation minière artisanale au Lualaba ; et le centre de négoce comme moyen d’assainir les conditions de cette exploitation.
D’entrée en matière, il a rappelé que la gestion des mines dans la prestigieuse province du Katanga était confiée à une société d’État progressivement appelée, selon les époques, Union Minière du Haut-Katanga (UMHK), Générale Congolaise des Mines (GECOMINES) et Générale des Carrières et des Mines (GECAMINES).
Après la crise de la Gécamines, à la fin des années 80, une thérapie forte a été appliquée, débouchant sur le démembrement du vaste espace minier de cette entreprise publique. Ce qui a permis, au fil des années, la reprise des activités et la relance de la production à travers des partenariats ou joint-ventures. Des nouvelles entreprises minières sont donc nées et se développent, tandis que la Gécamines, aux dimensions réduites, s’active à vaincre les pesanteurs et à rebondir sur l’espace restant.
Pour le Gouv’ du Lualaba, l’espoir semble aussi permis pour la Gécamines. Et de poursuivre que dix ans après ce nouvel élan, les statistiques de production ont galopé jusqu’à atteindre le triple de la grande production réalisée par la Gécamines pendant sa période de gloire (476 000 tonnes de cuivre).
Cela étant rappelé, il a fait savoir que le Lualaba est l’une des quatre provinces issues du démembrement du Katanga. Son économie est totalement tributaire du secteur minier. Dans la cartographie minière, sa province garde l’essentiel de l’espace minier de l’ancienne Katanga; autour de 75 % des gisements connus, le cuivre et le cobalt essentiellement.
L’alerte est lancée
Richard Muyej a souligné que le Lualaba est présentement « le cœur du budget de la RDC » et connaît un flux migratoire remarquable des populations venant d’autres provinces voisines à la recherche du mieux-être avec comme conséquence le renforcement des effectifs des exploitants miniers artisanaux communément appelés « creuseurs » qui avoisinent désormais le nombre de 170 000 âmes.
« Il devient donc urgent de chercher ou placer ces creuseurs afin qu’ils s’adonnent à leurs activités en toute sécurité et dignité d’autant plus que dans notre pays, l’exploitation minière artisanale est légale et qu’à ce jour la production artisanale avoisine 20 % de l’exploitation minière de la province du Lualaba », a alerté le Gouv’ Muyej. Le gouvernement a accordé à sa province une quarantaine de Zones d’exploitation artisanale (ZEA), mais ce ne sont que des « collines » comme eux-mêmes les creuseurs aiment à les appeler.
« Dans cet état, il est donc difficile d’y installer les creuseurs sans prospection ni découverture. En conséquence, l’on assiste à des incursions récurrentes et installations sur les concessions minières privées », a-t-il déclaré.
Et de poursuivre : « Pour le cas d’incursion, il s’agit carrément des vols des produits et parfois avec brutalité. Pour celui d’installation, elle est quelque fois tolérée par les partenaires propriétaires des titres miniers.
Mais nous recevons de plus en plus des réclamations des sociétés qui cherchent à recouvrer leurs droits en demandant la libération des sites. » Afin de faire face à cette situation, l’exécutif provincial mène un plaidoyer pour des soutiens à son programme de financement par la mise à disposition des ZEA aux creuseurs. « C’est ainsi que nous avons entrepris l’exécution des travaux de découverture sur certains sites afin de sortir les creuseurs des concessions privées ou de les en éloigner », a-t-il indiqué.
D’après Richard Muyej, et sur base des études préliminaires, une douzaine de ZEA seulement sont viables de par les indices. Trois ont bénéficié du financement de SICOMINES qui a versé 2 500 000 dollars pour poursuivre la viabilisation de trois ZEA dont les numéros 297, 076 et 078. « Après l’étape des travaux de découverture, nous allons sortir les creuseurs des concessions privées ou de les en éloigner », a précisé le Gouv’ du Lualaba. Dont l’ambition est de continuer sur au moins 10 autres sites. Mais cela nécessite des moyens financiers, insiste-t-il. Richard Muyej invite donc tous les autres partenaires miniers à emboiter le pas à SICOMINES afin de participer à cet effort d’apaisement entre parties pour mieux sécuriser les investissements.
En effet, comme il l’a dit, la présence des comptoirs d’achat sur différents sites semble avoir favorisé la fréquence des incursions dans les concessions privées et gêne le partenariat, causant même un climat d’insécurité. Il a cité les cas particuliers de TFM avec la cité de Kafwaya, ayant conduit à la décision de délocaliser la cité Kafwaya et relocaliser les communautés plus loin avec un programme de reconversion. Il a aussi épinglé le cas de KCC à Kov, où le scandale est criant et a nécessité une décision politique de destruction des comptoirs clandestins en usant la force aux fins de dissuasion et démobilisation.
« Ayant enregistré des cris de détresse des sociétés minières établies au Lualaba, en accord avec le Gouvernement de la République, ici le Président de la République Honoraire, Joseph Kabila Kabange, mon Gouvernement et moi-même avions décidé – voilà bientôt une année – de réformer le secteur de l’artisanat minier dans notre province », a encore dit Richard Muyej. Comment : construction d’un centre de négoce (dépôts modernes, laboratoires d’analyses, restaurants, etc.); accélération du programme de financement pour la viabilisation effective des ZEA par les travaux de prospection et de découverture. Ou encore libération des concessions privées ; destruction des comptoirs dans toute la région ; consécration du Centre de négoce comme seul cadre des transactions minières artisanales ; établissement d’un certificat d’identification du site d’origine des produits miniers (CISO).
Toutes ces mesures permettent d’assurer la traçabilité, mettre fin aux conflits liées à la suspicion de fraude sur le poids et la teneur, autonomiser l’exploitation minière artisanale, assurer un réel encadrement des creuseurs, ainsi que d’encadrer et de contrôler les exportations des minerais. Par exemple, l’exécutif provincial a fait agréer par le gouvernement le site pilote de Kasulo en partenariat avec la société Huayou/CDM, lequel répond aux normes internationales.
Le constat à ce jour : aucun accident grave grâce à la découverture esthétique, aucune personne non identifiée sur le site grâce au contrôle facilité par la seule porte d’accès au site et au port des badges, pas d’enfants ni de femmes vulnérables sur le site, des cartes d’identification distribuées aux creuseurs. « Les statistiques sont bien tenues et permettent au Gouvernement d’appliquer les taxes dans les conditions régulières. La traçabilité des produits miniers est assurée et le paiement des taxes devient aisé », a évoqué Muyej.
« Tout ceci pour ennoblir cette occupation choisie par cette frange de la population et le tableau que présentent les résultats de cette démarche aujourd’hui constitue l’effet d’une réforme dans le secteur de l’exploitation artisanale. Il ne nous reste qu’à repiquer cette expérience sur d’autres sites constitués des ZEA mises à la disposition de la province par le gouvernement », a-t-il ajouté.