Rien n’arrête l’envolée du métal jaune

En hausse de 25 % sur un an, le cours de l’once s’est hissé à près de 1 800 dollars, une première depuis novembre 2011. Une évolution permise entre autres, selon Mirabaud Securities, par la baisse des rendements des obligations d’État et la propagation du coronavirus.

L’OR a le vent en poupe. Banques centrales, inflation, risque de rechute des Bourses… De nombreux arguments plaident en faveur du métal jaune. Actif sans rémunération intrinsèque (pas de dividende ou de coupon), l’or évolue en effet traditionnellement à l’inverse des taux d’intérêt réels (les taux moins l’inflation), du fait de phénomènes d’arbitrages (si les taux réels sont faibles, l’absence de rendement de l’or est moins problématique).

Par ailleurs, l’or est considéré comme une valeur refuge. Il profite donc des incertitudes liées à la trajectoire de l’épidémie de coronavirus, qui menace l’économie et les marchés d’actions de la planète. « Avec des cas de coronavirus qui dépassent les 10 millions et qui continuent à augmenter, les investisseurs courent vers l’or pour s’assurer contre un nouveau confinement », explique Mirabaud Securities. L’établissement financier juge en outre que les craintes liées à la montée des tensions entre la Chine et les États-Unis et à la probabilité croissante d’une victoire de Joe Biden face à Donald Trump en novembre prochain poussent aussi le prix de l’or à la hausse. 

Feu aux poudres

L’or pourrait profiter d’une rechute prolongée de la Bourse. Les marchés d’actions ont grimpé très (trop) vite ces derniers mois et une rechute est de plus en plus probable. Or, le métal jaune connaît souvent un parcours enviable en phase de chute des Bourses. 

« En observant la réaction de l’or durant les périodes de marché d’actions baissier, on constate qu’il réagit toujours mieux que les Bourses, que cela soit en 1987, en 1998, 2000, 2007 ou encore aujourd’hui », note ainsi Mirabaud Securities. Même si les conditions économiques peuvent varier d’une récession à l’autre, « historiquement le métal jaune a plus tendance à bien se comporter durant un revers économique que le contraire », ajoute la société.

La Fed pourrait mettre le feu aux poudres. Les annonces massives d’injections de liquidité des Banques centrales un peu partout dans le monde sont positives pour le prix de l’or. 

Son cours « a historiquement été corrélé avec l’expansion du bilan de la Réserve fédérale », relève ainsi Mirabaud Securities. Or, son bilan a gonflé de plus de 3 000 milliards de dollars en réponse à la pandémie de coronavirus et il s’élève actuellement à plus de 7 200 milliards de dollars. Si on s’accorde pour dire que l’économie ne connaîtra pas un rebond en V, « la Banque centrale américaine pourrait sans doute gonfler son bilan à 10 000 milliards de dollars avant que tout ne soit dit et fait. Compte tenu des tendances historiques, c’est extrêmement optimiste pour l’or. Enfin, si on se fie à l’expansion du bilan de la Fed durant les années 2009, 2010 et 2011, qui a vu l’or passer d’une fourchette de 750 à 800 dollars jusqu’à 1 900 dollars, les prochains mois pourraient être assez positifs », juge l’établissement financier.

Belle alternative

L’inflation en soutien, à moyen terme ? Le risque inflationniste pourrait pousser les investisseurs vers l’or. En effet, le métal jaune permet de préserver son pouvoir d’achat sur longue période et constitue ainsi un rempart face à l’inflation. 

Or, on pourrait voir certaines poches inflationnistes apparaître. Surtout « si la production devenait de plus en plus locale. En effet, les entreprises, prenant conscience de leur vulnérabilité en faisant fabriquer au bout du monde, en Chine notamment, vont de plus en plus songer à rapatrier une partie de leur production ce qui coûte bien évidemment plus cher – et sera répercuté sur le client final », explique Mirabaud Securities.Les obligations d’État ne rapportent plus rien, l’or va en profiter. Historiquement rémunératrices, les obligations ont souvent offert une belle alternative à l’or, par le passé, quand les taux réels étaient consistants. Le récent effondrement des rendements des titres d’emprunts d’État (le taux à 10 ans des obligations souveraines américaines a fondu à 0,65 % dernièrement) a cependant « changé la donne et la réflexion des investisseurs », note Mirabaud Securities.

Les achats massifs des Banques centrales des pays émergents en soutien. Russie, Chine, Pologne… Ces dernières années, les grandes Banques centrales du monde émergent ont massivement acheté de l’or, apportant ainsi un soutien de poids au métal jaune. « De nombreuses Banques centrales cherchent à dédollariser [leurs réserves de change, NDLR] ou tout simplement à se diversifier », explique Mirabaud Securities. La Banque centrale russe, quant à elle, a été la plus grosse acheteuse d’or au cours des dernières années, Vladimir Poutine, le président de la Fédération de Russie, cherchant à briser la dépendance à l’égard du dollar américain alors que les relations avec les États-Unis restent tendues. « Au cours de la dernière décennie, le pays a quadruplé ses réserves d’or en s’éloignant des actifs américains », rapporte la société.

Que dit l’analyse technique ? Porté par sa moyenne mobile à 50 semaines, l’or suit une tendance haussière de fond. Dernièrement, le franchissement successif des résistances de 1 745-1 750 dollars et 1 765-1 775 dollars l’once est de bon augure pour les perspectives du cours. On pourra viser 1 790-1 800 dollars, 1 820-1 828 dollars, et enfin 1 911-1 921 dollars (record historique), voire 2 000 dollars si l’Histoire devait se répéter.