LA BANQUE africaine de développement (BAD) a joué un rôle majeur dans la structuration et la mobilisation des fonds nécessaires au barrage de Ruzizi III. Pour Ruzizi IV, fait remarquer Batchi Baldeh, le directeur du développement des systèmes énergétiques, elle tiendra compte des leçons tirées de Ruzizi III dans le développement et la construction du barrage Ruzizi IV. En finançant les projets Ruzizi III et Ruzizi IV, la BAD poursuit un objectif : réduire la pauvreté, le chômage, les émissions de gaz à effet de serre et la déforestation, et stabiliser la région des Grands lacs.
Pour rappel, sur la rivière Ruzizi, il existe déjà deux barrages hydroélectriques : Ruzizi I avec une capacité installée de 29,8 MW et Ruzizi II avec une capacité de production de 43,8 MW. Pour le moment, Ruzizi III est en développement avec l’appui de la BAD. Il aura une capacité installée de 147 MW. C’est le consortium SN Power (énergéticien norvégien) et Industrial Promotion Services (IPS, branche industrielle du Fonds Aga Khan pour le développement économique ou AKFED) qui a été désigné pour la réalisation de cette infrastructure, selon l’accord signé par les gouvernements congolais, rwandais et burundais.
Projets révolutionnaires
« Ruzizi III est un projet réellement révolutionnaire. Il s’agit du premier projet financé par des fonds privés en Afrique subsaharienne, et qui utilisera une ressource régionale commune pour générer une énergie qui sera partagée de manière égale entre trois pays », explique Galeb Gulam, le directeur exécutif de l’IPS. D’après ses développeurs, Ruzizi III permettra 30 millions de personnes d’avoir accès à l’électricité. Ce n’est pas rien quand on sait que la majorité de cette population vit en-dessous du seuil de pauvreté et que le taux d’électrification est en moyenne de 6 % dans cette région.
Environ 700 millions de dollars sont nécessaires pour la réalisation de cet ouvrage. L’énergie qui en sera produite, coûtera entre 11 et 13 cents le kw/h. Les développeurs espèrent obtenir des prêts concessionnels auprès de la Banque africaine de développement, de la Banque européenne d’investissement, de l’Union européenne, de la Banque allemande de développement (KfW), de l’Agence française de développement, de la Banque mondiale… La centrale hydroélectrique de Ruzizi III étant un projet transfrontalier (RDC, Rwanda et Burundi), chacun de ces trois États devra également apporter sa contrepartie au projet.
Les obstacles structurels
En ce qui concerne la RDC, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, a instruit ses conseillers au collège chargé de questions d’énergie de suivre avec la grande attention ce projet régional, qui est, en fait, celui de la Communauté économique des pays de Grands lacs (CEPGL), regroupant la RDC, le Rwanda et le Burundi, au même titre d’ailleurs que les centrales Ruzizi I et II.
Trente-sept ans après la mise en service de la centrale hydroélectrique de Mobayi-Mbongo dans la région de l’Équateur, il n’y a pas eu de nouvelles infrastructures hydroélectriques construites au pays. Cinq obstacles majeurs plombent le développement du secteur : manque d’études bancables, faible capacité du pays à mobiliser des fonds importants dont a besoin ce secteur si stratégique pour le développement du pays, retard dans l’application effective de la loi 14/011 du 17 juin 2014 à travers les mesures et les textes pourtant déjà élaborés, faibles investissements et retard dans la planification.
La Société nationale d’électricité (SNEL), opérateur majeur, se trouve également plombée par la réforme structurelle et d’énormes problèmes de gestion qui l’empêchent de jouer effectivement et pleinement son rôle de « bras armé » du gouvernement. En vérité, c’est une société qui ne devrait plus exister depuis longtemps, de l’avis de la majorité des Congolais. La décentralisation territoriale, la croissance démographique et la forte de la demande de miniers ont accentué le déficit, obligeant le gouvernement à importer de l’électricité de la Zambie et bientôt de la République du Congo voisine. Lesquelles, ironie du sort, furent pendant de nombreuses années importatrices d’électricité de la RDC. Tous ces obstacles structurels et anachroniques, mis ensemble, rendent difficile la relance du secteur afin de lui faire jouer son rôle de moteur de développement, de relance économique. Dans tous les cas, le succès dépendra de l’engagement de chaque acteur à assumer sa part de responsabilité. Il y a donc nécessité d’une politique énergétique « conséquente et volontariste » par rapport à l’objectif 2030.
Cela, en vue d’identifier les solutions concrètes pour la relance du secteur et les opportunités d’investissement ; mettre en relation des partenaires potentiels et élaborer une feuille de route avec des actions précises pour assurer la croissance du taux de desserte en électricité et satisfaire les besoins de tous les acteurs sociaux et économiques. Et enfin, pour jeter les bases solides pour un nouveau départ. Il ne faudra pas que le gouvernement s’arrête à Ruzizi III et Ruzizi IV.
Par exemple, les travaux de construction de la centrale hydroélectrique de Katende dans le Kasaï-Central sont à l’arrêt. Des ONG de la province s’en inquiètent, faute de contrepartie du gouvernement qui se fait attendre. Ce barrage doit électrifier les provinces issues du démembrement de deux Kasaï. Katende est un projet du gouvernement en partenariat avec la coopération indienne. Pareil pour le projet Kakobola dans la région de Bandundu.
Volonté politique
Ce qui repose la problématique de l’amélioration de l’accès de la population à l’électricité et à l’eau potable en milieux urbain et rural. La vision est là : développer les unités de production d’énergie électrique, les réseaux de transport et de distribution, favoriser la construction et/ou la modernisation des micros et mini-barrages hydro-électriques et développer les programmes spécifiques aux énergies renouvelables en vue de l’intensification de la desserte en énergie électrique.
Cependant, il manque de volonté politique réelle, au regard des moyens budgétaires mis à la disposition de ce secteur. La société civile, toujours elle, continue de faire pression pour que l’Agence nationale de service d’électrification rurale (ANSER), une structure censée suppléer la SNEL dans l’arrière-pays, et l’Autorité de régulation de l’électricité (ARE) soient opérationnelles. Pour rappel, l’ARE a été créée en 2016, deux ans après l’ANSER en 2014.
« Sans Inga, toutes les solutions intermédiaires ne résoudront pas le problème », déclare Bruno Kapandji, le chargé de mission à l’Agence pour le développement et la promotion du projet Grand Inga (ADPI). D’après lui, le souhait était de lancer les travaux en 2018. La construction va durer entre 5 et 11 ans. Les deux consortiums espagnol et chinois se sont mis d’accord pour créer un consortium unique pour ériger un barrage de 11 000 MW. Un contrat de collaboration exclusive était en préparation pour attirer les financements. Il est prévu également la mise en place de la société du projet constituée de capitaux privés et publics. Un minier du Katanga ironise : « Le Grand Inga risque d’arriver au moment où les mines ne seront plus là (parce qu’épuisables, ndlr). »