Fondée sous Louis XIV, la multinationale française poursuit son développement, en continuant de miser sur l’innovation et les marchés à forte valeur ajoutée.
Du petit village picard de Saint-Gobain (Aisne), où elle est née en 1665, la multinationale française n’a gardé que le nom. Oubliée l’époque de la « manufacture des glaces », monopole d’État, et de ses ouvriers étirant à la main le verre en fusion. Place à un géant mondial, qui fait rimer modernisation avec mondialisation.
Saint-Gobain tient une place à part dans le CAC 40. Pour ses fondamentaux, plutôt impressionnants : présent dans soixante-quatre pays, quarante-deux milliards d’euros de chiffre d’affaires, 181 000 collaborateurs, 1,1 milliard d’euros de résultat net… et surtout pour son histoire.
Saint-Gobain est tout simplement l’aînée du CAC. « C’est même l’un des plus anciens conglomérats industriels au monde », souligne l’historienne Marie de Laubier, spécialiste de l’entreprise et salariée du groupe. La firme, dont le siège social est basé à la Défense (Hauts-de-Seine), souffle en effet, cette année sa 350ème bougie.
Le secret d’une telle longévité ? « Quand on a 350 ans d’histoire, on ne limite pas le regard à un horizon de trois ou six mois », souligne Pierre-André de Chalendar, le président directeur général du groupe. En clair, cap sur l’avenir en misant sur les acquisitions, l’innovation et donc, en pariant toujours plus sur les marchés à plus forte valeur ajoutée. Une stratégie presque aussi ancienne que le groupe. « Cette société a toujours cherché l’innovation », avance Marie de Laubier.
Privatisation réussie
Mais cette dynamique s’est véritablement accentuée avec l’arrivée aux manettes d’un ingénieur X-Mines, dont le nom deviendra bientôt une marque aussi connue que celle de son entreprise : Jean-Louis Beffa. L’homme a réussi la privatisation d’un groupe ayant fait un détour de quelques années dans le giron de l’État. « Les années Beffa sont les années des grandes acquisitions comme celles de Norton (abrasifs) et du groupe Poliet », raconte Marie de Laubier. Du coup, aujourd’hui, si Saint-Gobain est identifié comme un « producteur » de verre par les Français — un pare-brise sur deux en Europe sort des usines du groupe —, peu de monde sait que ce groupe se cache derrière de nombreuses marques très connues : Point P, la Plateforme du Bâtiment, KparK, Lapeyre, Placo, Isover, Norton… Production et distribution sont les deux pieds sur lesquels avance le géant né dans l’Aisne.
Ce modèle, décliné sur tous les continents, connaît parfois des accros. En témoigne la tentative — toujours en cours — d’acquisition du suisse Sika (17 000 salariés). Depuis plusieurs mois, les propriétaires de ce leader européen de la colle et de l’étanchéité font de la résistance. À tel point que certains cadres du groupe français s’interrogent désormais : le verrier Saint-Gobain pourra-t-il se sortir du bourbier suisse sans casse ?