La hausse de prix de tabac sur le marché place les consommateurs kinois devant une équation économique difficile à résoudre.
Fumeur de tabac depuis 20 ans, Papy décide, à la surprise générale, d’abandonner. Et pour cause ? Sa difficulté à tenir le coût financier imposé par une brusque et spectaculaire augmentation des prix de son produit prisé. Dépenser 100 à 150 francs pour une tige d’Ambassade, 50 à 100 francs pour celle de Stella, deux des marques de cigarettes les plus demandées sur le marché congolais, est au-delà de ses moyens. « Moi qui prends une moyenne de 10 tiges d’Ambassade par jour pour un coût de 1 000 francs, je dois désormais débourser 1 500 francs. Ceux qui prennent la Stella doivent dépenser le double. L’écart est trop grand » se plaint-il. Face à cette réalité, l’homme trouve quand même un substitut. « J’essaie désormais d’aspirer la poudre du tabac par voie nasale. La sensation est la même qu’une taffe de cigarette », a-t-il avoué à ses amis. Pour un paquet de cigarette dont la consommation polluante est la première cause du cancer des poumons aussi bien pour le fumeur que pour son environnement immédiat, selon l’Oms, Papy arbore dans la même poche, un tout minuscule récipient contenant la poudre de tabac. « Ceci ne coûte que 100 francs pour une consommation journalière », dit-il. En optant pour la poudre, il espère réaliser des économies. Faisant ses calculs, en vingt ans de vie de fumeur, il dit avoir dilapidé une moyenne de 1,3 dollars par jour, soit 455 dollars de dépense annuelle. En vingt ans, et de manière ininterrompue, il a l’amer sentiment d’avoir jeté par la fenêtre de quoi « se construire une belle villa ». Avec la poudre du tabac, à 100 francs par jour, il pense se faire des économies tout en continuant à assouvir sa soif.
Les raisons de la hausse du prix de la cigarette ?
Au marché central, la valse des étiques est visible sur la grille des prix affichés devant les grands dépôts de cigarettes sur l’avenue Rwakadingi d’où viennent s’approvisionner la plupart des détaillants de la capitale. « Les prix ont bougé depuis deux semaines », reconnait le gérant. Une farde contenant 10 paquets d’Ambassade est passée de 13 000 à 19 000 francs (soit de 15 à 20 dollars), tandis que celle de Stella est passée de 7 500 à 16 000 francs (soit de 8 à 18 dollars). Pour lui, l’augmentation des prix est causée par la récente fermeture de l’usine British American Tabacco (Bat), la dernière fabrique de cigarettes en RDC. « Les coûts de la douane congolaise étant parmi le plus cher, ils doivent avoir des incidences négatives sur le prix de la cigarette désormais importée du Kenya », pense-t-il.
A la direction commerciale de la Bat (le seul service qui a survécu dans la fermeture de la bat /Kinshasa en début 2014), le ton est plutôt à l’apaisement. Il s’agit d’une simple rupture de stock qui a provoqué une spéculation dans le chef de grossistes qui ont fait de la rétention qui a créé cette pénurie. C’est ce qui serait à l’origine de la hausse des prix auprès de consommateurs. « La situation sera vite régularisée, car la société est en phase de dédouanement d’une importante quantité des marchandises qui va rétablir automatiquement les équilibres d’antan sur le marché congolais. La fermeture de l’usine Bat de Kinshasa n’était pas une déclaration de faillite », a-t-il expliqué. Il s’agissait, selon ce responsable, d’une restructuration de sa politique de production qui, aux regards des enjeux, imposait de créer des pôles de production par région. Ainsi le pole Afrique centrale et orientale, auquel fait partie la RDC n’a gardé qu’une seule usine de production. Celle du Kenya dont le pays présente beaucoup d’avantages sur la République démocratique du Congo. En effet, le Kenya a été préféré à la RDC à cause d’un code d’investissement attractif, d’une fiscalité allégée et d’un climat des affaires plus favorable. Néanmoins, le Congo avec ses 7 millions de fumeurs, la RDC reste un grand marché que Bat suit avec intérêt. La société a gardé le service commercial qui continue à occuper le marché de la cigarette-Bat importée du Kenya. C’est justement le retard et les difficultés de dédouanement qui sont à la base de la poussée de prix observée ces derniers temps sur le marché.