Kimia I et II, Rudia I et II, Amani Leo, Pomme orange, Sukola I et II… Que d’opérations militaires depuis 2005 ! Les FARDC sont sur plusieurs fronts, non sans succès, contre les forces négatives (Mayi-Mayi, M23, LRA, FDLR, ADF…) dans le Nord-Est de la RDC ou la région de Kivu-Ituri. Toutes ces opérations et bien d’autres ont un coup. Le gouvernement a consacré 480 millions de dollars à l’armée en 2015, et 520 millions en 2016, alors que dans les pays voisins, les crédits budgétaires inhérents à la sécurité et la défense nationale varient entre 850 millions et 7 milliards de dollars. Au Sénat, le ministre sortant de la Défense nationale, Crispin Atama Tabe, avait relevé ce fait, et il a été entendu par les sénateurs. Les sénateurs ont recommandé que le ministre de la Défense nationale prenne désormais part aux réunions de la commission sénatoriale de la Défense et de la Sécurité nationale ainsi qu’à celles de la commission économique et financière en vue d’y défendre le budget de la Défense nationale pour l’exercice 2017.
De la dizaine de pays de l’Afrique centrale, la RDC est la plus étendue, faisant frontière avec 9 pays. Ce qui, de l’avis des sénateurs, contraint la RDC à disposer d’un budget militaire adéquat à sa taille et à sa configuration. En 2014, le chef de l’État, Joseph Kabila, avait personnellement décrié la modicité des crédits alloués à la Défense nationale par le cabinet Matata. Le commandant suprême de l’armée, avait dû renvoyer le budget aux chambres parlementaires, exigeant des fonds plus conséquents à la Défense nationale avant de promulguer la loi budgétaire.
Pas d’achat d’équipements en 2016
Si en 2015, le gouvernement avait engagé plus de 1.5 milliard de FC pour les équipements militaires, cette année, face à la régression des recettes de l’État due notamment à la dégringolade des cours des matières premières dont la RDC est exportatrice, l’État s’est résigné à procéder à la moindre dépense pour les équipements militaires. Ce qui ne veut nullement dire que les FARDC n’ont pas la capacité de défendre le territoire national. Bien au contraire, la professionnalisation des FARDC serait en gestation selon des sources crédibles. Il y a encore quelques mois, cette question a été abordée entre les officiels civils et militaires congolais et le général d’armée David Rodriguez, commandant de l’AFRICOM (commandement américain pour l’Afrique).
Pour l’exercice 2016, le gouvernement de la RDC a, en effet, levé l’option d’inscrire sur la fiche de paie quelque 10 000 agents du ministère de la Défense nationale, portant ainsi les effectifs rémunérés à 172 622. Mieux vaut tard que jamais, dit un adage. L’on devrait plutôt se frotter les mains à la Défense nationale quand on sait qu’au ministère de la Décentralisation et des Affaires coutumières, par exemple, aucun nouvel agent n’a été repris sur les listings de paie en dépit du rôle prépondérant de ce portefeuille dans la mutation politique et administrative dans laquelle la RDC s’est engagée. Il sied cependant d’indiquer 8 000 personnes commenceront aussi à toucher leurs salaires au ministère de l’Intérieur et de la Sécurité dont dépend la Police nationale.
Les Forces armées constituent, selon l’expert militaire et ex-ambassadeur français, François de la Rose, une politique qui ne vise pas tant à mener une guerre mais à s’organiser en vue de posséder et de montrer des capacités de défense qui rendraient un conflit clairement et profondément moins attrayant pour l’ennemi et ôterait tout intérêt à toute tentative d’intimidation ou de pression politique de sa part. Et De la Rose de poursuivre : « L’armée est une politique qui consiste à dissuader l’adversaire d’une manière crédible et à rassurer les populations ».
Rapporteur à la Commission militaire au Dialogue intercongolais à Pretoria, en 2002, (feu) le colonel à la retraite, Jacques Ebenga, avait fait comprendre que « l’armée ou les forces armées, c’est d’abord le centre du dispositif de la défense nationale et internationale de l’État. Elle sert de bouclier à des menaces et à des actions d’atteinte corporelle massive à la population, à ses biens et services vitaux, à ses valeurs culturelles… à ses institutions publiques ». Pour Alexis de Tocqueville, l’armée doit refléter la nation armée. Résolument neutre et apolitique, l’armée est le catalyseur de la conscience de l’intérêt public, de la volonté populaire, des idéaux du progrès et de la flamme de l’unité nationale. « Parmi les paramètres à mettre à contribution pour faire des forces armées, notait Ebenga, le creuset du patriotisme, de la conscience et de la fierté nationales, bref une armée républicaine, il y a lieu de considérer les mouvements planifiés des hommes à travers le pays, la composition des unités, les rapports avec les populations civiles locales, les connaissances des atouts économiques, culturels, sociaux, environnementaux, technologiques et l’usage des langues du pays ». Ce qui se résume dans la pensée de Charles de Gaulle, «un État doit concevoir la politique et non l’armée de sa politique ». La situation géopolitique de notre pays, disait le Maréchal du Zaïre, Mobutu Sese Seko, au cœur de l’Afrique, dans une région fragile, à l’équilibre instable, nous contraint à disposer d’une armée qui soit à la mesure du destin de notre pays. (…) Combats Inachevés. C’est le titre d’un ouvrage en deux tomes que le ministre belge des Affaires étrangères, dans les années 1960, Paul-Henry Spaak a consacré à la RDC.
Les FARDC parmi les 100 meilleures armées du monde
Pourtant, l’armée a fait des avancées considérables en quelques années au point que les FARDC figurent dans le Top 100 des meilleures armées du monde, selon le récent classement, mi-2016, de l’agence américaine spécialisée dans les armes, Global Fire Power. L’agence dit avoir réalisé son classement grâce notamment aux informations fournies par la CIA (Central Intelligent Agency), le service secret américain. Sur le continent, la RDC a gagné une place, passant de 10ème, en mai 2016, au 9ème rang sur le continent. Global Fire Power établit son classement notamment sur la base des effectifs de l’armée, de l’équipement pour l’armée de l’air, de terre, la force navale et du carburant pour des opérations militaires. Ce classement qui se limite juste 126 États, ne tient exclusivement compte que des armes conventionnelles, et naturellement des opérations militaires réalisées. Voilà pourquoi la Corée du Nord, par exemple, n’est que 36ème mondiale. Global Fire Power a défini un critérium « power index » sur base duquel les armées nationales sont cotées.
Les États-Unis demeurent, depuis 1945, la première puissance du monde, suivis du quintet, Russie, Chine, Inde, Grande-Bretagne et France. La Belgique, ancienne puissance coloniale de la RDC est au 55ème rang mondial. Sur le continent, la première armée est celle du pays des Pharaons, l’Egypte, classée 17e mondial, suivie de l’Algérie 27e au monde. L’Afrique du Sud est 32ème mondial, le Nigeria 41ème et l’Ethiopie, 46ème au monde. Dans la région de l’Afrique centrale, la première puissance reste l’Angola, 76ème rang mondial, vient ensuite l’Ouganda classée 91ème au monde, le Tchad 93ème, la RCA 105ème, se succèdent quasiment au coude à coude à l’échelle mondiale, le Congo 116ème, le Gabon 118ème, le Cameroun 119ème, la Tanzanie 120ème, le Soudan du Sud 121ème et la Zambie123ème. Longtemps impliqués dans les crises à répétition dans la région des Grands lacs, le Kenya est la 68ème armée du monde, alors que le Zimbabwe est 95ème, le Soudan (Khartoum) 102e, la Namibie 113ème.
L’agence américaine fait curieusement la « grande muette » sur le Rwanda. Les RDF (Rwanda Defence Forces), ex-APR (Armée patriotique rwandaise) ne figurent ni dans le hit de 126 puissantes armées de Global Fire Power ni sur le classement de l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm sur le budget des 30 grandes armées du continent africain. Voilà qui laisse sceptique plus d’un observateur. Ce n’est un secret pour personne que le Rwanda s’est foncièrement militarisé ces 20 dernières années. Et la participation des RDF dans des opérations de paix donnent à penser à une certaine capacité militaire considérable à l’échelle continentale.