LES NOUVELLES mesures de soutien annoncées par la Banque centrale européenne (BCE) ont entretenu l’appétit pour le risque des opérateurs, reléguant au second plan les tensions persistantes entre la Chine et les États-Unis. La récente intervention de la BCE d’augmenter son plan de soutien à coups de centaines de milliards vient se rajouter au plan de relance germanique de 130 milliards d’euros. La course aux aides illimitées est ouverte et dope les initiatives acheteuses. Les marchés actions baignent dans l’euphorie.
Soutien financier aux entreprises en difficulté, relance de la demande, resserrement des spreads de taux, dislocation évitée de la zone euro, réduction de la pandémie, les craintes se dissipent petit à petit dans le comportement tactique des investisseurs. Tout va très vite dans la reprise des indices et les allocations sectorielles aident à la progression.
Indices
Les achats se portent sur un pan de cote délaissé comme les valeurs industrielles sensibles aux cycles, les foncières ou encore les bancaires, secteurs très en retard. Ce mouvement ascendant d’une rare violence succède donc à une chute vertigineuse des prix, pour former un grand V. Tiens, cela ne ressemblerait-t-il pas à une configuration de la reprise économique espérée par le marché ?
Sur la semaine du 1er au 7 juin, tous les grands indices ont progressé.
En Asie, le Nikkei s’est adjugé 4.5 %, le Hang Seng a récupéré 7.88 % et le Shanghai composite 2.7 %. En Europe, le CAC40 a réalisé une belle avancée de 10 %, le Dax performe de 8.5 % et le Footsie de 10.3 %. Pour les pays périphériques de la zone euro, le Portugal a gagné 6.2 %, l’Espagne 10.4 % et l’Italie 10.2 %. Outre-Atlantique, le Dow Jones a grimpé de 4.7 %, le S&P500 a progressé de 2.8 % et le Nasdaq100 a gagné seulement 1.3 % mais inscrit un nouveau record historique à 9 785 points.
Matières premières. La production pétrolière du cartel a atteint son plus bas niveau en 20 ans. Celle-ci est tombée à 24.77 mbj (millions de barils par jour) sur le mois de mai, soit une baisse de 5.91 mbj par rapport au mois d’avril. Initialement prévu les 9 et 10 juin, le sommet de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole élargie (OPEP+) a été avancé. Les membres devaient se concentrer sur l’amélioration du taux de conformité des quotas, visant particulièrement l’Irak qui a promis de compenser ses écarts d’ici le mois de juillet. Le marché salue ces résultats, le Brent s’est installé ainsi au-delà des 40 dollars le baril, tandis que le WTI s’est négocié à 38 dollars.
Le rallye haussier des marchés actions commence à peser sur les cours de la relique barbare. Les gains XXL enregistrés depuis trois semaines sur la plupart des places financières incitent les opérateurs à se détourner de l’or. Il convient néanmoins de nuancer ce mouvement de consolidation puisque l’or fait preuve d’une relative résilience en ne cédant « que » 3 % depuis ses sommets et en progressant de 12.80 % depuis le 1er janvier de cette année. L’argent a emprunté le même chemin en cédant du terrain sur la semaine à 17.68 dollars.
Le ciel s’est éclairci sur le compartiment des hard commodities. Bénéficiant de l’amélioration des données économiques provenant de Chine, du retour de l’appétit pour le risque et de la faiblesse du billet vert, les prix des métaux de base se redressent. Le cuivre a gagné 2.2 % à 5 452 dollars la tonne métrique.
Marché actions
Parmi les gagnants de la crise sanitaire, TeamViewer s’est positionné en bonne place. La société allemande a profité de la demande supplémentaire de solutions d’accès à distance et de l’explosion du télétravail. La compagnie s’est transformée en compagnon de fortune pour traverser cette période de confinement et il paraît légitime d’imaginer que ses solutions technologiques bénéficieront de cet engouement dans le futur. À fin mars, cela s’est traduit dans les chiffres avec une augmentation de 75 % des ventes à 120 millions d’euros, contre 68.6 millions un an auparavant. En parallèle, la marge d’exploitation a suivi la même tendance, progressant jusqu’à 62 %. La société anticipe une facturation globale sur l’exercice en cours de 450 millions d’euros et 56 % de marge. De son côté, la direction affiche clairement ses intentions : rechercher des opportunités d’acquisition de technologies intéressantes, tout en investissant de manière significative en R&D. Ces qualités fondamentales ont permis un parcours boursier époustouflant depuis son IPO de septembre 2019.
Après un retour rapide sur son prix d’introduction, suite à la première vague baissière des indices, le titre est vite revenu dans les radars des investisseurs pour bondir de 90 %, passant de 25 à 45 euros. Un tel parcours place l’action sur le podium de l’indice TecDAX, devancée seulement par Sartorius AG.
Marché des changes
Marché obligataire. La réunion du conseil des gouverneurs de la BCE a été un véritable événement. En effet, les dépositaires monétaires de la zone euro ont décidé d’augmenter le volume du Programme d’achat d’urgence en cas de pandémie (PEPP) d’un total de 600 milliards d’euros. Dans cet environnement cyclique toujours complexe, une nouvelle dose d’accommodement de la politique monétaire parait justifiée. De manière instantanée, l’annonce a permis la réduction des écarts de taux sur les titres de créance émis par les pays périphériques.
Le rendement du Bund remonte à -0.29 (+20pb en une semaine) et l’OAT française repasse symboliquement dans le positif (0.03 %). A contrario, l’Italie bénéficie de ce plan de soutien massif et voit la rémunération de son emprunt principal reculer à 1.41 % tout comme l’Espagne à 0.56 % et surtout la Grèce à 1.31 %. De son côté, le 10 ans suisse connaît une légère pression avec un taux de rendement qui progresse à -0.37 %, soit le niveau de mi-mars. La trajectoire haussière se vérifie également outre-Atlantique avec un Tbond à 0.83 % (+18 points de base) ainsi qu’au Japon dont la référence obligataire dégage un rendement positif, ce qui est loin d’être la norme depuis deux ans.En prenant la décision d’intervenir massivement et plus longtemps, la BCE a donné un coup de fouet à l’euro (1 1350 face au billet vert). Cette avancée se duplique contre toutes les devises. Elle se matérialise, en effet, de manière violente contre le yen à 123.7 JPY (+ 300 points) et face au franc suisse à 1.08 CHF, marquant ainsi un plus haut de 2020. Le Japon a enregistré une chute record de la consommation des ménages en avril (-11 %) inscrivant ainsi un septième mois consécutif sous le zéro.
Il n’en fallait pas plus pour que, dans cet environnement euphorique des marchés, les cambistes vendent la devise nippone perdant momentanément son statut de valeur refuge. Elle se négocie actuellement à 109.2 JPY (-150 points de base). Au Royaume-Uni, la livre sterling a repris des couleurs contre le billet et s’est échangé à 1.26 dollars (+300 pb). Le mouvement de la semaine dernière s’est situé dans l’hémisphère sud où le dollar australien a gagné du terrain sur toutes ses contreparties, à l’image de la parité AUD/USD 0.69 et de l’AUD /JPY à 76 yens.
Statistiques économiques. Concernant la macroéconomie, les indices PMI Caixin manufacturier et services ont dépassé les attentes en Chine, à respectivement 50.7 et 55 (consensus 49.7 et 47.4). Les indices PMI « officiels » étaient quant à eux dans le consensus, au-delà de la barre des 50 qui traduit une légère hausse de l’activité. En zone euro, les indices PMI manufacturier et services étaient également meilleurs que prévu (39.4 et 30.5), tout comme le taux de chômage à 7.3 % et les ventes au détail en baisse de 11.7 % (consensus -15 %). L’indice PPI a, en revanche, reculé de 2 % et les commandes industrielles allemandes ont chuté de 25.8 %.
Aux États-Unis, l’ISM manufacturier a raté de peu le consensus (43.1 contre 43.5 anticipé), tandis que l’ISM services a dépassé les anticipations à 45.4 (44.2 attendu et 41.8 le mois dernier). Les commandes industrielles ont chuté de 13 % et le déficit commercial s’est creusé à -49.4B. Concernant l’emploi, l’enquête ADP dans le secteur privé était nettement meilleur que prévu, avec « seulement » 2.76 millions de destructions de postes (consensus -9 millions). Le taux de chômage a reculé de manière surprenante à 13.3 % avec la création de 2.5 millions d’emplois non agricoles (consensus -7750K).