Steven Spielberg, le roi du suspense

En près de cinquante ans de carrière, Steven Spielberg a su s’imposer comme l’un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma. Nous avons sélectionné ses dix meilleurs films, rien que pour vous

 

Dennis Weaver est poursuivi par un camionneur psychotique. Voilà un scénario pour le moins simpliste, mais comme on peut l’imaginer, le don de Spielberg pour le suspense et ses talents de monteur servent au mieux cette histoire glaçante. La névrose macho animant le film en fait tout l’intérêt : le père de famille se sent piégé par cette force implacable. Duel était l’un des nombreux téléfilms que le réalisateur avait réalisé au début des années 1970 – y compris le fascinant et bizarre L.A. 2017. Il est considéré comme l’une des plus belles réalisations de Spielberg.

Que se passerait-il si l’humanité entrait en contact avec des extraterrestres ? En ce qui concerne Spielberg, les scientifiques, les militaires, les responsables gouvernementaux et les citoyens ordinaires ont du mal à accepter ce qu’il se passe. Doté d’un premier acte soutenu et brillant, et entrecoupé de récits individuels, Rencontre du troisième type est considéré par beaucoup comme un chef d’œuvre. Pourquoi n’est-il pas mieux classé dans ce cas ? Alors que sa structure peu conventionnelle est certainement un atout, son apogée lumineuse laisse un goût d’inachevé. Il y a quelque chose de déconcertant à voir tous ces gens émerveillés par ce ciel étonnamment étoilé.

Ce portrait du 16è président des États-Unis tentant de faire adopter le 13è amendement au terme de la Guerre de Sécession est probablement le film le moins spielbergien de la filmographie du réalisateur. Il est vrai que sa focalisation sur le processus d’adoption de cet amendement fondamental et ses kilomètres de dialogue sont loin du caractère épique de ses autres films historiques. Mais il n’en est pas moins impressionnant. Prenez l’utilisation que Spielberg fait de l’espace, comment il dépeint la Maison Blanche comme un manoir fantomatique hanté par la guerre qui s’illumine à mesure que Lincoln se rapproche de son but. Prenez la personnalité complexe d’un président brillamment interprété par Day-Lewis, tantôt agréable et bavard, tantôt impitoyable et calculateur. Prenez la façon dont Honest Abe, en passe de devenir un mythe, doit utiliser la majesté de sa fonction et de sa position pour parvenir à une série de compromis mondains et atteindre des objectifs historiques. C’est à n’en pas douter l’un des films les plus complexes de Spielberg.

Cette adaptation épique des mémoires de J.G. Ballard n’a pas été très bien reçue lorsqu’elle est sortie, mais sa réputation n’a cessé de grandir au fil des années. Interprète de Jim Graham, un jeune garçon dont la vie opulente en plein cœur de Shanghai est bouleversée par une invasion japonaise, un très jeune Christian Bale s’impose déjà comme un protagoniste de poids. Voilà une illustration brutale d’illusions brisées, montrant comment l’innocence juvénile se transforme en terreur et en paralysie. Dans le rôle d’un mercenaire opportuniste se liant d’amitié avec Jim, John Malkovich livre l’une de ses plus belles performances.

Cette nouvelle adaptation des écrits de Philip K. Dick met en scène Tom Cruise dans le rôle d’un flic futuriste spécialisé dans les « pré-crimes ». Mais lorsqu’il est lui-même accusé d’un crime qu’il n’a pas encore commis, notre héros s’enfuit et le film se métamorphose en portrait poignant d’une société à la dérive. Et bien que Minority Report ait été produit avant le 11 septembre 2001, la capacité du cinéaste à mettre en scène la paranoïa et une culture de surveillance en plein essor est parfaitement inquiétante.

Malgré de nombreux décors inoubliables, des images iconiques, une bande-originale instantanément reconnaissable signée John Williams et une foule de merveilleuses performances, ce qui fait vraiment résonner le film des décennies après sa sortie, c’est sa description bouleversante d’honnêteté de l’attachement de deux âmes solitaires. Échoués sur Terre, cette créature au long cou et ce jeune garçon fragile se sont trouvés, au sens propre comme au figuré. Beaucoup d’entre nous en sommes tombés amoureux quand nous étions enfants… et si vous osez dire que vous ne pleurez pas quand vous regardez ces adieux déchirants, c’est que vous êtes un menteur.

Faites connaissance avec le légendaire escroc Frank Abegnale (Leonardo DiCaprio) et l’agent du FBI (Tom Hanks) qui a fini par l’amener devant la justice. Oui, c’est une autre histoire d’innocence perdue et de familles brisées, mettant en vedette deux des plus grands acteurs de la planète – mais c’est également une œuvre artistique sophistiquée tout aussi sous-estimée que hautement subversive. Les multiples personnalités de Frank se vivent comme un voyage à travers la culture américaine du milieu du siècle dernier. Qu’il soit pilote, médecin ou avocat, le cinéaste s’adapte avec verve et vigueur. Et quand tout devient trop pétillant à son goût, Spielberg y insuffle une poésie grinçante grâce à Tom Hanks. C’est un dialogue fascinant entre deux personnages, deux modes de vie et deux Spielberg – le spécialiste de la pop et l’artiste sérieux. 

Œuvre obsédante

Que peut-on encore dire au sujet d’un des meilleurs films de Spielberg et l’une des rares tentatives de Hollywood de traiter de l’Holocauste ? Œuvre tout aussi obsédante que hantée, cette quête de survie relate l’histoire d’un millier de Juifs sauvés par les efforts de l’industriel allemand Oskar Schindler (Liam Neeson). Mais il ne peut pas faire taire les fantômes de ceux qui n’ont pas survécu, et nous montre aussi leurs destins. Le bref aperçu d’Auschwitz, sans parler du ghetto de Cracovie, sont quelques-unes des séquences les plus insupportables que Spielberg ait jamais mises en scène. Mis à part quelques concessions stylistiques (ce manteau rouge), le réalisateur a tempéré son penchant pour le sensationnalisme en tournant en noir et blanc et en renonçant consciemment à certaines de ses techniques cinématographiques chéries.

Malgré sa réputation de réalisateur de films pour enfants, la première superproduction de Spielberg était cette adaptation tout aussi terrifiante que sanglante du thriller de Peter Benchley. Imité et parodié à l’infini, Les Dents de la mer a été accusé de tous les maux. Film B bourré de trucages, catalyseur d’une industrie bas de gamme… il n’a pourtant rien perdu de sa puissance en partie à cause de son antagoniste : entre les mains de Spielberg, le requin devient non seulement un monstre terrifiant, mais un cataclysme inéluctable – dévorant ses victimes sans se préoccuper de leur identité. C’est un véritable tour de force comme il en existe peu dans l’histoire du cinéma. Le chef-d’œuvre de Spielberg est à la fois un hommage aux films classiques et un petit bout des années 80. C’est un film d’action magnifiquement conçu et exécuté avec précision – chaque scène est plus surprenante et plus éclatante que la précédente – mais l’archéologue et aventurier Indiana Jones (Harrison Ford) n’est pas qu’un héros d’action. Prenez cette séquence d’ouverture à couper le souffle, ou les interactions d’Indy avec Marion (Karen Allen) dans le Puits des âmes… Ses effets spéciaux sont éblouissants : c’est un mélange parfait entre spectacle à couper le souffle et passes d’armes rappelant les classiques de l’âge d’or d’Hollywood. Peu de divertissements peuvent se mesurer à ses aventuriers !