Si la nouvelle figure aux commandes de l’État français n’est pas pour leur déplaire – Emmanuel Macron est quand même le premier président de la République à avoir dit dans son discours d’investiture qu’il entendait libérer l’entreprise -, les patrons français savent que la partie est loin d’être gagnée. Par ailleurs, tout ne leur convient pas, dans ce qui se profile. « Que le ministre du Travail organise des consultations, demain, avec les partenaires sociaux, avant que des ordonnances soient prises pour réformer le marché du travail, c’est bien, mais si c’est pour s’engager dans une voie de négociations qui n’aboutit à rien, comme on l’a vu avec la loi Travail, cela ne sert à rien », prévient d’ores et déjà François Asselin, à la tête de la CPME.
Lors du précédent quinquennat, dieu sait que des échanges, il y en a eu. Cela ne marche pas. À un moment donné, il faut rechercher l’efficacité. », poursuit-il. Les PME ont peur d’être encore une fois oubliées. La CPME reste globalement amère en ce qui concerne la loi El Khomri. Elle a toujours estimé que les petites entreprises avaient été oubliées. Elle rappelle souvent qu’il est bien beau d’encourager la négociation d’entreprise… quand dans les TPE et PME, dépourvues de représentants du personnel, il est impossible de passer des accords, sauf à passer par le mandatement syndical. « Les petites entreprises ne sont pas des grandes entreprises en modèle réduit », a-t-elle tenu à rappeler, dans la foulée de la nomination d’Edouard Philippe, attendant dans le gouvernement en formation des profils connectés au terrain. La CPME espère une réglementation en phase avec la taille de ses entreprises. Elle milite aussi de longue date sur quelques mesures rassurantes, au-delà du plafonnement des indemnités dues par l’employeur en cas de licenciement abusif prévu au programme de Macron. Comme la réduction des délais pendant lesquels un salarié licencié peut se pourvoir aux prud’hommes, ou encore la fin des condamnations de l’employeur pour vice de procédure, quand le licenciement est, sur le fond, de bon droit.
Des règles de base simples
L’U2P n’est pas du tout certaine non plus que son cahier de doléances sera respecté en matière de droit du travail. L’organisation d’artisans et de professions libérales rappelle elle aussi que le plus important sur ce sujet est de « décomplexifier » la norme pour les toutes petites entreprises. « Il faut créer des règles de base très simples applicables par celles-ci, et ajouter, par-dessus, des spécificités pour les plus grandes entreprises, et non l’inverse », implore Alain Griset, son président. Assurance chômage: la crainte de ne plus être aux manettes. Du côté du Medef, même si les mots sont doux envers Emmanuel Macron – selon Pierre Gattaz, il aurait jusqu’ici fait « un sans-faute » – pas question de se laisser aller à un enthousiasme béat. « Nous sommes dans une bienveillance mais très vigilants et très exigeants », a indiqué le patron de Radiall le 16 mai. La méfiance est notamment de mise concernant la réforme de l’assurance-chômage. Certes, après avoir parlé de nationalisation de l’Unedic, les équipes d’Emmanuel Macron ont adouci leur discours, employant plutôt le terme de tripartisme, avec un pilotage du régime par l’État. Reste que le mot laisse place à tous les fantasmes, avec un rôle dévolu aux partenaires sociaux plus ou moins mineur.
À ce sujet de la gouvernance s’ajoute celui du financement du régime et même, de sa philosophie générale. L’universalisation évoquée, avec l’ouverture des droits aux indépendants et aux démissionnaires, ne va-t-elle pas se faire au détriment des salariés perdant leur poste? Le système est-il voué à embrasser totalement une logique universelle ou va-t-il conserver une part de logique assurantielle ? Autant de questionnements qui agitent le Medef, lequel ne trouve pas très cohérent que seules les cotisations côté salarié soient supprimées pour être remplacées par l’impôt, tandis que les cotisations patronales demeurent. Des mesures et un chiffrage qui coincent. Le Medef est par ailleurs toujours radicalement opposé au système de bonus-malus défendu par Emmanuel Macron dans le but de décourager la signature de contrats très courts. Il estime que cela pourrait pénaliser fortement des secteurs comme l’hôtellerie-restauration, où les salariés ne seraient d’ailleurs pas demandeurs de contrats plus longs comme des CDI à temps partiel, satisfaits de percevoir des allocations chômage dans les périodes creuses entre leurs contrats courts. À la CPME, c’est l’instauration d’une assurance chômage obligatoire pour les indépendants qui coince. « Nous ne sommes pas demandeurs! », s’insurge François Asselin. Les dirigeants ont déjà la faculté de se protéger s’ils le souhaitent, via la GSC. »
À l’U2P, aussi, on s’inquiète du financement de ce nouveau risque chômage. « Si on nous fournit une prestation qui ne nous coûte rien, on est preneurs », résume Alain Griset, le président de l’Union, mais je ne crois pas à l’instauration de ce droit sans hausse de cotisations. Je ne vois pas comment on pourrait financer cette protection avec seulement 1,7 point de CSG. Il manque une donnée dans l’équation. » Toutes les organisations patronales, sans exception, émettent des doutes sur le chiffrage des équipes Macron. Et réclament rapidement des éclaircissements.