Les automobilistes s’attendaient à tout moment à une hausse du prix du carburant à la pompe. Elle est intervenue le week-end dernier. Les prix sont passés de 1 450 francs pour l’essence (sans plomb) à 1 615 francs, et de 1 500 francs à 1 600 francs pour le gasoil. Pendant plusieurs jours, les automobilistes ont assisté, impuissants, à une distribution du carburant rationnée. Cela n’avait rien d’étonnant pour le citoyen lambda car, des années durant, les sociétés distributrices du carburant procèdent ainsi pour mettre la pression sur le gouvernement afin de le contraindre à autoriser la hausse des prix du carburant. Une délégation de la profession pétrolière (les congolais Cohydro et Cobil, le sud-africain Engen, le français Total) a été récemment reçue par le 1ER Ministre, Samy Badibanga Ntita. La rencontre a été sanctionnée par un communiqué, on ne peut plus diplomatique. Selon les déclarations qui ont été faites à l’issue de cet entretien, il a été question d’« un tour d’horizon » de la situation.
Mais, pour des observateurs, les pétroliers distributeurs n’ont pas obtenu ce qu’ils recherchent, à savoir le réajustement des prix à la pompe. Le ministre d’État en charge de l’Économie, Modeste Bahati Lukwebo, qui a conduit cette délégation auprès du 1ER Ministre, a déclaré à la télévision publique (RTNC) qu’« une nouvelle structure de la tarification du prix à la pompe » allait être décidée incessamment. La marge de manœuvre du gouvernement paraît encore très limitée étant donné que la RDC est l’un des pays d’Afrique où le prix de l’essence est le plus élevé, selon des données de la Banque mondiale. Le litre coûterait 2 dollars. À Kinshasa, la dépréciation du franc par rapport au dollar n’est jamais une bonne chose. Les prix (essence et gasoil) du carburant ont tendance à s’aligner automatiquement et les conséquences sur le marché sont très redoutées. En effet, ils entraînent avec eux les prix des denrées alimentaires et les tarifs dans le transport en commun. Ce sont ces effets que le gouvernement a tenté d’éviter en subventionnant le carburant, à une certaine période, mais les pétroliers distributeurs réclament, eux, la vérité des prix.
Paix sociale à préserver
Dans le contexte actuel, le gouvernement ne veut pas en rajouter à la crise politique et sociale du moment. Jusqu’où va aller le bras de fer ? Les distributeurs officiels, c’est-à-dire ceux qui respectent les prix fixés par l’État et s’acquittent de leurs impôts, ont décidé d’« un commun accord » de réduire les horaires d’ouverture de leurs pompes à essence, « le temps que les chosent bougent », comme pour « faire pression sur le gouvernement ». Les prix n’avaient pas encore changé depuis plusieurs mois alors que le franc « se délite » sous l’action du dollar. Pour la profession pétrolière, c’est un manque à gagner aujourd’hui sur « chaque litre vendu, dans un environnement catastrophique ». Lors du dernier ajustement décidé par le gouvernement, le prix du litre d’essence est passé en août 2016 de 1 440 à 1 450 francs. Depuis, le franc ne cesse de chuter par rapport au dollar. Et du fait de la crise économique que traverse le pays, depuis plus d’un an, il a perdu plus de 30% de sa valeur et s’échange actuellement autour de 1 350 francs pour un dollar.
Selon une source du cabinet du ministre d’État à l’Économie, des « discussions se poursuivent entre les représentants des distributeurs et le gouvernement ». Entre une hausse légère et un assèchement à la pompe, le choix est clair, a laissé entendre Modeste Bahati. La hausse est significative. Dans la mesure où chaque augmentation du prix du carburant a des effets collatéraux, sur les tarifs de transport en commun, par exemple, et ne ferait qu’empirer la situation déjà précaire, du fait d’une période d’incertitude en plein crise politique. Si, jusque-là, la pénurie du carburant du fait du service minimum à la pompe ne se fait pas sentir, c’est parce que la vente au noir du carburant venant d’Angola via Lufu se porte bien dans la capitale et est meilleur marché (entre 6 000 et 7 000 francs/5 litres contre 7 250 francs à la pompe). Pourtant, l’essence de… Lufu est avec plomb. Et c’est chaque jour un peu plus tendu. Selon le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, il n’y a pas de chantage ni même de pénurie. Les pétroliers réservent leurs stocks de carburants pour les vendre plus cher après la hausse.