POUR la 8è session de l’ARTAC, les représentants des États membres se sont réunis, du 22 au 23 juin 2023, à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo. L’occasion, à n’en point douter, de dresser le bilan des activités, de définir les chantiers à venir et d’évoquer, en coulisse, les enjeux, les défis et les perspectives. Le ministre des Postes, des Télécommunications et des Nouvelles technologies de l’information et de la communication/PT&NTIC, Augustin Kibassa Maliba, a ouvert les travaux en souhaitant que cette session ordinaire, mieux spéciale, de la Conférence des régulateurs des télécoms de l’Afrique centrale « contribue plus activement au renforcement des conditions d’une intégration du marché commun des télécommunications et des TIC, en vue de la croissance économique des États de la sous-région ».
Mais au nom de la realpolitik et au regard des enjeux de l’intégration, le chemin à parcourir est encore long pour les agences de régulation nationales/ARN en vue d’un pacte de convergence. Selon toute vraisemblance, l’Assemblée des régulateurs des télécommunications de l’Afrique centrale est à la croisée des chemins, écartelée entre dossiers chauds et ambitions affichées. En tout cas, le ton de la réflexion lors de deux jours des discussions était déjà dans les différents discours à l’ouverture des travaux.
Le président du collège de l’Autorité de régulation de la Poste et des télécommunications du Congo/ARPTC, Christian Katende, a d’ailleurs exposé les préoccupations immédiates en déclarant qu’« il est toujours fructueux d’échanger avec des pairs ayant des objectifs et expériences communs afin d’avoir des cadres réglementaires harmonisés et aussi de mutualiser les efforts pour la réalisation des objectifs de développement socio-économique ». Vu sous cet angle, la 8è session ordinaire de l’ARTAC a été, à ses yeux, une « session spéciale » car axée sur le thème de « l’autonomisation des agences de régulation des télécommunications pour faire face aux mutations de l’écosystème ».
Deux tables rondes étaient nécessaires pour se pencher sur les questions pertinentes de l’avenir de la régulation. « Ces mutations qui s’opèrent dans le secteur, ne laissent pas le régulateur en marge mais au contraire le place au centre de la réussite de cette transformation numérique », a déclaré Christian Katende. Et de souligner que « le régulateur est appelé à repenser son mode d’intervention à travers les leviers régulatoires pour assurer la concurrence sur le marché du numérique ».
Pour rappel, suite au changement de l’écosystème du marché des télécoms, l’Union internationale des télécommunications/UIT, en collaboration avec la Banque mondiale, avait publié en 2020 un nouveau Manuel sur la réglementation à l’ère du Numérique. C’est clair que le changement doit se faire au niveau de la gouvernance et de l’indépendance règlementaire, de la concurrence et de l’économie, en passant par l’accès pour tous et la protection des consommateurs, la protection des données et la confiance, la gestion du spectre, l’intervention règlementaire face à l’évolution des technologies, la réglementation technique et la communication d’urgence, qui sont des grands axes autour desquels gravite une régulation saine du secteur. « Nous ne saurons pas relever tous ces défis sans une réelle autonomisation des agences de régulation », a insisté Christian Katende.
Approche collaborative
Avant d’inviter tous les participants à contribuer efficacement aux échanges afin d’aboutir à des recommandations et résolutions pertinentes pour le développement harmonieux du secteur des télécoms dans la sous-région. Dans une approche collaborative, les participants ont réfléchi à l’harmonisation des cadres réglementaires, à rendre effectif le free roaming et à la collaboration avec d’autres associations des ARN et d’autres partenaires en vue d’atteindre les objectifs d’inclusion numérique en Afrique centrale, tout en assurant l’autonomie des ARN.
Le président du collège de l’ARPTC a donc appelé les participants à une analyse sans complaisance des défis à relever liés aux mutations de l’écosystème des télécoms en vue d’un partage des meilleures pratiques pour s’adapter justement au nouveau contexte. Pour Christian Katende, à travers le partage des meilleures pratiques, l’objectif visé est sans conteste l’atteinte de l’intégration économique africaine.
Pour sa part, Louis Marc Sakala, le président exécutif de l’ARTAC, a fait savoir que les assises de Kinshasa arrivaient à point nommé car la priorité en 2022 et 2023 pour cette organisation inter-étatique est « l’harmonisation des outils ainsi que la collaboration fructueuse et mutuelle, bénéfiques aux ARN afin de contribuer à la réalisation du marché commun africain de la sous-région ». Dans cette perspective, les participants se devaient de définir « de nouveaux paradigmes de collaboration et d’adaptation de meilleures pratiques au profit des télécommunications ». Autrement dit, « réunir les ingrédients essentiels de l’autonomisation des ARN face aux mutations de l’écosystème des télécommunications ».
Puisque les technologies numériques, a-t-il fait remarquer, sont devenues le socle sur lequel se fonde le développement de tous les secteurs de la vie, il s’agissait pour les participants de cibler « des actions pragmatiques en faveur d’une régulation responsable et adaptée aux mutations de l’écosystème ». Au cours de ces deux jours de travaux, les participants ont ainsi réévalué les principes d’indépendance, de transparence, de crédibilité et de flexibilité afin de garantir l’efficacité et le dynamisme du marché soumis à une concurrence objective. Concrètement, il a été question de clarifier les objectifs et les moyens d’action, ainsi que leur lien avec les autres sphères de l’État. Il s’est agi de répondre à la question suivante : comment être indépendant tout en respectant sa tutelle ?
Réflexion et échanges
Les assises de la 8è session de l’ARTAC ont été organisées sur le format de table ronde, deux au total, et de conférence. S’agissant des tables rondes, la première a planché sur l’autonomisation des agences de régulation des télécoms : enjeux, défis et perspectives. Dans ce panel, les présentations ont été axées sur la manière dont les ARN doivent se doter des instruments juridiques et des moyens matériels, humains et financiers pour mener à bien leurs missions. L’accent a été mis sur les défis auxquels elles pourraient être confrontées. Dans ce sens que la personnalité morale ou juridique, l’autonomie financière et de gestion, ainsi que l’absence de tutelle sont les ingrédients essentiels de garantie de leur indépendance.
Concrètement, cette indépendance passe par « une autonomie décisionnelle », c’est-à-dire « disposer de ses propres organes de décision ne recevant d’instruction d’aucune autre autorité » ; « une autonomie de gestion », c’est-à-dire « disposer et gérer son budget de façon autonome » ; « le strict respect » de la séparation des fonctions de règlementation, de régulation et d’exploitation ; « la formation du personnel » pour assurer sa mission ; « la rémunération des dirigeants et du personnel » pour lui garantir les meilleures conditions de travail et éviter tout risque de corruption.
La seconde table ronde a porté sur la régulation des télécoms face aux mutations de l’écosystème. Ce panel a permis de réfléchir sur les stratégies de résilience et d’adaptation des ARN à ces mutations. Constitué de réseaux et services traditionnels, notamment la voix classique et le SMS, l’écosystème des télécoms a largement évolué avec l’avènement de la Data, de la Blockchain, de l’intelligence artificielle, etc. À l’issue des travaux et au titre des meilleures pratiques, il a été recommandé aux ARN d’assurer la veille technologique et réglementaire et d’adopter une régulation collaborative.