Thierry Bolloré défenestré sans surprise de Renault, la fin d’une histoire

Après Nissan, le constructeur automobile français s’est séparé de son directeur général. Une réunion de son conseil d’administration convoquée le vendredi 11 octobre a décidé de le débarquer pour « performances négatives ». Un « coup de force », a dénoncé ce dernier. Reste que cette éviction risque de replonger la marque au losange dans l’incertitude.

LES ÉVÉNEMENTS se sont vite accélérés chez Renault. Vendredi 11 octobre, tôt dans la matinée, le conseil d’administration du constructeur a été convoqué en urgence pour décider du départ de Thierry Bolloré, le directeur général. Jean-Dominique Senard, le président de Renault, souhaitait organiser au plus vite la succession du patron opérationnel de Renault, nommé à ce poste en janvier dernier. Les relations entre les deux hommes étaient devenues tendues depuis le mois de juin. Thierry Bolloré, 56 ans, qui a rejoint Renault en 2012, se voyait reprocher les performances du Losange, dont le cash-flow disponible est passé en territoire négatif au premier semestre, et ses relations notoirement délicates avec Nissan, qui pourraient faire obstacle à la pacification et à la renégociation de l’Alliance entre les deux constructeurs. 

Thierry Bolloré a été donc défenestré sans ménagement. Un trio provisoire dirigera les opérations du constructeur, ainsi en a décidé le conseil d’administration, qui a pris la décision « avec effet immédiat ». Clotilde Delbos, la directrice financière depuis 2016,  52 ans, a été nommée directrice générale « pour une période intérimaire ». Cette pure financière a débuté sa carrière en Californie puis à Paris, chez Price Waterhouse, avant de rejoindre le groupe Pechiney en 1992. Elle est entrée chez Renault en 2012 en tant que directeur performance et contrôle du groupe. En mai 2014, Clotilde Delbos a été nommée en plus directeur pour l’Alliance de la performance et du contrôle. 

La nouvelle patronne opérationnelle sera assistée d’Olivier Murguet, ex-directeur de la zone Amérique latine et actuel directeur du commerce et des régions, âgé de 53 ans, ainsi que de l’Espagnol José-Vicente de los Mozos, 57 ans, directeur industriel. Les deux hommes seront directeurs généraux adjoints. Le nom du nouveau patron opérationnel ne sera pas connu avant plusieurs semaines, dit-on en interne.

Avant même la décision du conseil d’administration, Thierry Bolloré a vite fait de dénoncer « un coup de force stupéfiant » dans un entretien aux Échos. En effet, le ministère de l’Économie français a brusqué les choses en début de la semaine dernière, en laissant volontairement filtrer des informations sur le départ de Thierry Bolloré. 

Situation en chiffres

Au grand dam de Jean-Dominique Senard, qui rentré à Paris après avoir assisté à une réunion du conseil d’administration de Nissan à Tokyo mardi 8 octobre, au cours de laquelle Makoto Uchida a été désigné nouveau directeur général du constructeur japonais.

La situation opérationnelle de Renault n’est pas bonne, avec un flux de trésorerie négatif  de 716 millions d’euros au 30 juin 2019 pour les opérations automobiles. Renault est donc à court de cash. Et les résultats du troisième trimestre, dont le chiffre d’affaires sera publié le 25 octobre, risquent de ne pas être à la hauteur des espérances. D’ailleurs, Renault s’apprête à annoncer des mesures de chômage partiel dans les usines pour pallier les méventes. Ce qui inquiète le président de Renault. Jean-Dominique Senard se demandait depuis juin si Thierry Bolloré était encore « l’homme de la situation ». 

Selon toute vraisemblance, il y a un réel problème de performance de l’entreprise. Mardi 8 octobre, Jean-Dominique Senard et Thierry Bolloré étaient tous ensemble à Tokyo, à la table du conseil d’administration de Nissan. Mais ils n’ont pas pris le même avion de retour, et Thierry Bolloré dit avoir appris « par voie de presse en atterrissant à 4 heures du matin à Paris » les intentions du président de Renault alors, dit-il, qu’il lui a « toujours été loyal ».  Thierry Bolloré en appelle « au plus haut niveau de l’État actionnaire ». Un appel qui semble devoir rester sans réponse. « Nous faisons confiance à Jean-Dominique Senard et au conseil d’administration pour trouver les personnes pour mettre en œuvre la stratégie définie », laissait entendre Bruno, le ministre français de l’Économie.