Le groupe dirigé par Patrick Pouyanné va prendre, pour 237,5 millions d’euros, une participation de 23 % dans la société française Eren Re, spécialisée dans le solaire, l’éolien et l’hydraulique, avec dans cinq ans la perspective d’une prise de contrôle de l’entreprise. Total a aussi annoncé l’acquisition, plus modeste, de la société GreenFlex, active dans l’efficacité énergétique et avec un chiffre d’affaires attendu autour de 350 millions d’euros cette année. L’opération avec Eren Re va « accélérer notre croissance » dans les énergies renouvelables pour atteindre « au moins » l’objectif de 5 gigawatts de capacités de production d’ici cinq ans, a défendu Patrick Pouyanné, le PDG de Total dans un entretien à l’AFP.
Eren Re dispose d’un parc en exploitation ou en construction de 650 mégawatts et d’un portefeuille de projets de 1,5 gigawatt. Eren Re, créée en 2012 par David Corchia et Pâris Moratoglou, fondateur de la filiale d’EDF, EDF Energies nouvelles, va permettre à Total de « se repositionner plus fortement dans l’aval », c’est-à-dire la production d’électricité, alors que le groupe contrôle depuis 2011 le fabricant de panneaux photovoltaïques américain Sunpower, a détaillé le PDG. Total s’offre surtout une position dans l’éolien, une énergie qui manquait à son portefeuille. Enfin, avec Eren Re, Total se rapproche d’une entreprise dont les dirigeants « ont l’habitude de travailler avec un grand groupe », a-t-il ajouté. Au total, cette opération « nous permet d’avoir un portefeuille d’énergies renouvelables plus équilibré et plus complet », avec Sunpower, Total Solar, filiale créée cette année dans le solaire, et maintenant Eren Re, a-t-il résumé. La cohabitation avec Total Solar sera notamment géographique, l’entité du groupe restant tournée vers le Japon ou le Moyen-Orient, où Total est déjà présent dans le pétrole et le gaz.
Portefeuille plus complet
Eren Re, qui conservera son indépendance managériale, restera elle concentrée sur les marchés émergents (Argentine, Brésil, Inde, etc.), notamment l’Afrique. « Nous sommes dans une activité extrêmement capitalistique » et l’arrivée de Total permettra de financer le développement d’Eren Re, a souligné à l’AFP David Corchia, son directeur général. Enfin, avec Eren Re, Total se rapproche d’une entreprise dont les dirigeants « ont l’habitude de travailler avec un grand groupe », a-t-il ajouté. Eren Re prévoit d’installer 500 à 600 nouveaux mégawatts par an d’ici 2020, censés générer 50 à 70 millions d’euros d’excédent brut d’exploitation (ebitda) supplémentaires par an, contre plus de 40 millions d’euros engrangés l’an dernier.
« Total Eren »
Cette opération prendra la forme d’une augmentation de capital, par laquelle le géant pétrolier va acquérir une participation d’environ un tiers dans la holding détentrice d’Eren Re, détenue à 70 % par ses fondateurs, ce qui lui permettra de posséder 23 % d’Eren Re. La finalisation de l’opération est prévue d’ici la fin de l’année, une fois obtenu le feu vert des autorités de la concurrence.
Eren Re sera rebaptisé Total Eren et l’accord prévoit que Total puisse prendre le contrôle d’Eren Re après cinq ans, ce qui pourrait représenter un investissement d’« entre 1 et 2 milliards d’euros », a indiqué M. Pouyanné. Cela pourrait se faire via une introduction en Bourse, même si rien n’est figé actuellement, selon M. Corchia.
Depuis la prise de contrôle de SunPower en 2011, Total s’est progressivement renforcé dans les énergies renouvelables, par exemple dans les biocarburants ou avec l’acquisition du spécialiste français du stockage d’électricité Saft l’an dernier. En parallèle, le groupe n’en délaisse pas pour autant son activité historique, avec ces dernières semaines, un accord majeur dans le gaz avec l’Iran, le rachat de la société d’exploration-production pétrolière danoise Maersk Oil, ou encore sa participation à un nouveau projet géant de gaz naturel liquéfié dans l’Arctique russe.
S’il est un des plus avancés, Total n’est pas la seule major pétrolière à avoir entamé une diversification de ses activités, plus en ligne avec la transition énergétique. Le norvégien Statoil avance ses pions dans l’éolien en mer, l’italien Eni a dit vouloir investir 1 milliard d’euros dans les projets solaires, et Shell a créé une division dédiée aux énergies renouvelables et prévoit d’y investir 1 milliard de dollars par an d’ici 2020.