IL Y AVAIT du beau monde à l’Hôtel Béatrice. Des entrepreneurs, des acteurs de la société civile, des fonctionnaires, mais aussi des officiels : ministres, conseillers au cabinet du chef de l’État, directeurs généraux… En raison du Conseil des ministres convoqué le même jour, les membres du gouvernement se sont fait représenter au Forum économique USA-RDC. Gilbert Kankonde, le vice-1ER Ministre, ministre de l’Intérieur, de la Sécurité et des Affaires coutumières, a dépêché son directeur de cabinet, tandis que Lucien Bussa, le ministre du Commerce extérieur, a délégué la secrétaire générale à ce ministère, enfin, Yves Bonkulu, le ministre du Tourisme; et Jean Joseph Kasonga, le ministre de l’Agriculture, ont été représentés par des membres de leurs cabinets respectifs.
L’absence de Mike Hammer, l’ambassadeur des États-Unis en République démocratique du Congo, n’a pas été remarquable, car la représentation diplomatique américaine a été présente à travers le consul de l’ambassade et le conseiller économique.
Au menu, les organisateurs avaient prévu plusieurs présentations et interventions autour de plusieurs thématiques, notamment la présentation du Trade Show USA-RDC, les critères d’éligibilité pour s’établir aux États-Unis comme investisseurs, le visa d’établissement en RDC, la transformation des produits agricoles, les produits exportables et à valeur ajoutée, pourquoi les Congolais doivent-ils coopérer avec les entreprises américaines ?, la création d’une économie attractive des provinces de la RDC, les atouts touristiques des provinces de la RDC, la promotion de l’industrie locale, les facilités de la normalisation des produits, des biens et services, de quelle manière la culture peut impacter l’économie pour une image positive de la RDC ?
Dans son mot de bienvenue aux participants à ce forum économique USA-RDC, Gérard Tumba, le project manager d’Easy Commerce USA-RDC, a fait remarquer que « cet événement constitue l’aboutissement d’un travail collectif et participatif considérable entrepris dès le début de l’année 2018 ». C’est aussi l’expression d’un « partenariat stratégique » entre Easy Commerce, que dirige le dynamique et pragmatique Ted Luvangadio Mvutu, et la Nouvelle Chambre de Commerce National (NCCN-RDC), dont Caroline Poncelet Lokemba est la présidente. « C’est une preuve éloquente que des Congolais, devant l’intérêt supérieur de leur chère patrie, sont capables de transcender leurs problèmes d’ego et de mutualiser les efforts afin d’atteindre un objectif collectif », a dit Gérard Tumba.
Cependant, tempère-t-il son propos, il reste tout un long chemin à parcourir : « Et ce n’est qu’en agissant de concert que nous atteindrons nos objectifs fondamentaux. Sous cet aspect, je considère que cette quatrième session est appelée à jouer un rôle primordial pour l’avenir du Trade Show USA-RDC, en ce sens que c’est pour la première fois que les autorités politiques de notre pays montrent un réel intérêt pour une appropriation de l’initiative. »
Réchauffement des relations
En effet, a laissé entendre le project manager d’Easy Commerce USA-RDC, dès sa prise de pouvoir, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, a multiplié les signes indicateurs d’une « réelle volonté de promouvoir les investissements américains ». À chacun de ses déplacements aux États-Unis, a souligné Gérard Tumba, le chef de l’État a accordé des audiences aux entrepreneurs américains pour les inciter à investir en RDC.
Et dans cette dynamique, Mike Hammer se positionne comme l’artisan du réchauffement des relations politiques mais aussi économiques entre les États-Unis et la RDC. L’ambassadeur américain en poste à Kinshasa apporte une caution morale et un soutien inconditionnel à Easy Commerce USA-RDC qui est une initiative de l’Association des entrepreneurs de la RDC (AE-RDC). Voilà pourquoi, Mike Hammer a pris part à la conférence de sensibilisation organisée par Easy Commerce à l’Hôtel Memling de Kinshasa en mars dernier. Et il a fait le déplacement de Lubumbashi avec les dirigeants d’Easy Commerce au mois d’avril dernier pour la même cause.
Les pesanteurs
L’initiative Easy Commerce USA-RDC consiste fondamentalement à dire aux entrepreneurs et aux hommes d’affaires congolais qu’« il est désormais possible de faire le commerce avec les États-Unis ». Pour rappel, le projet Easy Commerce avait été présenté au public pour la première fois à Sultani Hôtel de Kinshasa en avril 2018. Des entrepreneurs, des hommes d’affaires, des banquiers, des fonctionnaires y étaient venus en nombre.
Actuellement, le volume des échanges commerciaux entre la RDC et les États-Unis est quasiment nul.
Ils avoisinent seulement les 100 millions de dollars. Les dernières statistiques datent de 2011 : la RDC a exporté vers les États-Unis pour 150 millions de dollars de marchandises, notamment des matières minérales et du pétrole, tandis que les États-Unis ont expédié vers la RDC des marchandises d’une valeur de 137 millions de dollars, essentiellement des produits pharmaceutiques, de la volaille, des machines industrielles et du blé. Côté américain, on estime que ces chiffres sont « si faibles », c’est-à-dire inférieurs à la moyenne internationale.
Il y a des raisons à cette situation déplorable, comme l’explique Patrick Tambwe Onoya. Il pilote un cabinet d’affaires (Les patrons) qui fait le lobbying à Dallas au Texas depuis 2015. Membre de la Chambre africaine de commerce de Dallas, ce cabinet travaille notamment au développement des affaires entre les USA et la RDC. Si le monde politique américain connaît bien la RDC, ce n’est pourtant pas le cas pour les milieux d’affaires.
Pour cela, estime Patrick Tambwe Onoya, il est important de mettre en place « une bonne communication » pour apprendre aux d’affaires américains à connaître en profondeur la RDC qu’on présente souvent à travers le prisme de la guerre, de la fièvre Ebola, de la pauvreté… Autre difficulté, explique le lobbyiste Onoya, c’est notre économique qui est encore à l’état informel à plus de 60 % (même les entreprises formalisées fonctionnent à l’informel), à l’opposé de l’économie américaine de type modulaire, assise sur une chaîne d’intermédiaires économiques. Ce qui a l’avantage de réduire les risques dans les affaires et de fiabiliser les opportunités d’affaires. Il y a donc chez nous un vrai problème d’accès à l’information pour les entrepreneurs américains, faute d’intermédiaires qui jouent le rôle de facilitateurs d’affaires, alors que chez nous, on doit tout faire soi-même.
Néanmoins, il y a des aspects qui encouragent les hommes d’affaires américains à se tourner vers la RDC. Patrick Onoya souligne que les Américains sont attirés par les ressources naturelles, surtout minières, de la RDC. Autre centre d’intérêt : la démographie (plus de 60 millions d’habitants qui représentent un vaste marché de consommation) et la position géographique (neuf pays entourent la RDC, une position qui permet de rayonner partout en Afrique à partir de notre pays), même si les Américains pensent d’abord à leur marché intérieur (plus de 250 millions d’habitants).
À cela s’ajoute le fait que l’Afrique est considérée par les institutions financières internationales comme le continent de la croissance mondiale (3 %), basée essentiellement sur l’électricité et l’agriculture. Dans ces deux secteurs, la RDC a un potentiel impressionnant. Mais aussi le fait que la situation politique en RDC est en train de s’améliorer depuis l’avènement de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. Patrick Onoya observe en effet un réel engouement chez les entrepreneurs américains à travers les chambres de commerce.
Pour capitaliser toutes ces bonnes intentions, ce consultant du gouvernement congolais et point focal de quelques ministères aux USA insiste sur la lutte contre la corruption, l’amélioration du système financier national encore rudimentaire par rapport à certains instruments financiers d’usage international et le renforcement des accords bilatéraux, notamment le retour de la RDC à l’AGOA. Enfin, il propose la création d’un cadre permanent de suivi et d’évaluation des échanges économiques et commerciaux entre les USA et la RDC, en tant qu’interface et observatoire des opérations, ainsi que la mise en place des réformes vers une économie modulaire et d’un système d’accès à l’information sur les projets publics et privés. « L’information est la vitrine des affaires, le manque d’information empêche d’avancer. Il faut la chercher, il faut la créer pour évoluer dans les négociations », souligne Patrick Onoya.