Le problème dans les entreprises publiques réside dans les pratiques de gestion qui demeurent peu orthodoxes. Les dirigeants de TRANSCO veulent s’en démarquer pour donner une bonne image de leur société. Tenez : pour l’exercice 2015, ils viennent de publier les chiffres de la société. Recettes globales : 24 milliards de FC, soit 25,9 millions de dollars. Ce qui frappe dans le rapport annuel, c’est la hauteur des obligations fiscales : 191 200 FC, soit 205 dollars au taux de 930 FC le dollar. Ce montant couvre les diverses taxes et impôts payés par TRANSCO pour le compte du Trésor public (commune, ville et gouvernement central).
Dans ses prévisions de l’année, TRANSCO avait, pourtant, prévu 9 693 575 FC, 10,5 mille dollars pour ses obligations fiscales. TRANSCO dispose de près de 500 bus, exploitant le trafic en commun sur plus de 25 lignes dans la capitale. La société a transporté 53 401.238 passagers en 2015. L’argent généré par la publicité de divers produits collés sur ses bus est évalué à plus de 101 500 dollars. Aucune redevance n’a été payée. Par ailleurs, TRANSCO a payé 1 306 653 634,3 FC à la Direction générale des impôts (DGI) au titre de l’impôt professionnel sur les revenus (IPR). Et les cotisations sociales que le rapport qualifie d’impôts et taxes, sont de 16,9 millions de FC pour l’Office national de l’emploi (ONEM), 703,6 millions de FC pour l’Institut national de sécurité sociale (INSS) et 254 millions de FC pour l’Institut national de préparation professionnelle (INPP). À fin décembre 2015, TRANSCO employait 2 714 agents.
Train de vie coûteux
Les salaires du personnel ont coûté 17 550 427 380, 23 FC, soit près de 19 millions de dollars ou un peu plus de 50 % des recettes réalisées. Ventilées, les dépenses inhérentes à la prise en charge du personnel donnent, en effet, à penser à une complaisance dans la gestion de TRANSCO. Les dépenses autres (collations, jetons de présence et autres libéralités analogues) sont de 251 604 729,40 FC, soit plus de 270 000 dollars, alors que les prévisions étaient de 144 527 115 FC, soit moins de 150 000 dollars. Il y a un dépassement de près de 70 %. Par ailleurs, les frais de loyer et autres services comme le gardiennage et la sécurité au bénéfice des cadres ont représenté plus de 720 millions de FC. Les indemnités de congé sont évaluées à environ 320 millions de FC.
TRANSCO qui dispose d’un service d’entretien avec des mécaniciens et d’électriciens-auto de qualité appréciable, a fait, cependant, recours à des tiers. Ainsi les frais d’entretien et de réparation assurés par des tiers ont coûté près de 800 millions de FC. Les dépenses liées à l’achat du carburant et des lubrifiants auprès de Cobil sont prises en charge par l’État sur décision de l’ancien Premier ministre, Matata Ponyo. Seulement, ces dépenses sont pratiquement passées du simple au double entre 2014 et 2015 : de 6,9 milliards à 12 milliards de FC, soit environ 13 millions de dollars. Le carburant et les lubrifiants représentent 34,35 % des charges totales, soit le second poste des dépenses après la prise en charge du personnel.
Décision contre-productive
Si l’on soustrait les dépenses du personnel et le coût des produits pétroliers et lubrifiants aux recettes réalisées (25,9 millions de dollars), TRANSCO devrait avoir un solde négatif de plus de 11,6 millions de dollars.
Le fait que les dépenses liées au carburant et aux lubrifiants ne soient pas reprises dans la comptabilité de la société, donne l’illusion que TRANSCO se réalise toujours des chiffres d’affaires record et des recettes sans cesse en hausse. Voilà qui donne libre cours à des abus, selon des analystes. Selon un rapport technique interne, 350 bus ont été mis en exploitation, chaque mois, sur le réseau de Kinshasa durant l’exercice 2015. Le plus grand nombre de bus a été observé en août, avec 397 bus, et le nombre le plus bas au mois de février, avec 321 bus. Cette situation est la conséquence des journées troubles du 19-21 janvier 2015, au cours desquelles TRANSCO a perdu 63 bus (endommagés par les manifestants). Pourtant, cette réduction des bus en circulation ne se répercute pas sur la consommation de carburant. Cobil a noté avoir livré entre le 26 janvier et le 28 février, plus de 710 mille litres de gasoil, alors qu’en août, environ 732 mille litres ont été fournis, période où le transporteur public a aligné un grand nombre de bus. Cobil ne donne pas le volume des lubrifiants fournis à TRANSCO, seulement les montants.
Dans les entreprises publiques, on se demande à quand la fin de ce régime de subvention de faveur à TRANSCO. La Société commerciale des transports et des ports (SCTP), ex-ONATRA a aussi sollicité ce régime de faveur pour l’ITB Kokolo. Assurant le trafic fluvial entre Kinshasa et Kisangani, ce bateau réhabilité accuse 20 000 dollars de perte, rien que pour le carburant.