Pensiez-vous qu’il existe une maladie qui tue 1,5 million de personnes chaque année et que vous pouvez contracter rien qu’en respirant ? Cette maladie, la tuberculose, est une menace que nous ne pouvons ignorer, et dont le nouveau visage, la tuberculose résistante aux médicaments, se fait de plus en plus meurtrier. Les nouveaux chiffres du rapport du groupe parlementaire britannique APPG (All-Party Parliamentary Group) sont alarmants : d’ici à 2050, cette nouvelle forme de tuberculose pourrait tuer à elle seule près de 2,6 millions de personnes chaque année pour un coût total de 16,7 trillions de dollars.
Les chiffres publiés aujourd’hui mettent en lumière l’ampleur de la catastrophe qui pourrait se dérouler sous nos yeux si nous laissons la tuberculose résistante aux médicaments se répandre sans contrôle.
Cette situation est inacceptable, 22 ans après que l’Organisation mondiale de la santé a déclaré la tuberculose « urgence sanitaire mondiale ». C’est une tragédie de constater que depuis cette déclaration près de 30 millions personnes ont perdu la vie à cause d’une maladie à la fois évitable et curable.
Et nous n’éliminerons pas la tuberculose avant 200 ans si nous continuons dans la même voie. C’est donc maintenant qu’il faut agir en travaillant non seulement plus, mais aussi plus intelligemment, pour accélérer notre combat contre la tuberculose. Notre futur doit être celui de l’innovation : lever des ressources pour la tuberculose grâce à des outils novateurs, les dépenser dans des solutions innovantes et bâtir des formes nouvelles de leadership pour faire enfin de la tuberculose une priorité politique.
Eradiquer l’épidémie mondiale de tuberculose d’ici à 2035 est possible, mais nous devons innover avant qu’il ne soit trop tard.
Les financements innovants : les armes de notre combat
Davantage de pays doivent, bien sûr, accélérer leurs efforts financiers si nous voulons combler le manque de 3,2 milliards d’euros représentant les besoins mondiaux de recherche et de prise en charge de la tuberculose.
Mais certains des pays les plus touchés par cette épidémie sont en passe de devenir trop riches pour continuer à bénéficier de l’aide internationale finançant les programmes de lutte contre la tuberculose alors que, dans le même temps, les budgets qu’ils consacrent à la santé sont encore trop faibles pour combler les besoins. Au-delà du recentrage vers les pays les moins développés, les contraintes budgétaires sont telles que certains pays donateurs diminuent les montants de leur aide financière internationale.
Des solutions existent pour trouver de l’argent frais : les financements innovants ont prouvé leur efficacité à générer des ressources additionnelles. Taxer les transactions financières permet, par exemple, de lever d’importantes sommes d’argent pour améliorer la santé et diminuer la pauvreté dans le monde, tout en étant stables et prévisibles.
Ce genre de financement est en outre indolore pour les citoyens et permet d’ores et déjà de lever des fonds considérables. La taxe sur les billets d’avions par exemple, qui finance Unitaid (une organisation permettant de façonner les marchés pour rendre les médicaments abordables dans les pays en développement), ne s’élève qu’à 1,13 euro par billet en classe économique.
Grâce à ces ressources, Unitaid a pu lancer un vaste plan de déploiement du GeneXpert, un outil de diagnostic rapide de la tuberculose, dans vingt et un pays. Cette machine peut détecter la tuberculose résistante aux médicaments en deux heures, permettant de diagnostiquer plus de patients et de les soigner d’une maladie pourtant mortelle. Unitaid a également contribué à réduire le prix des cartouches utilisées dans ces machines permettant ainsi à des pays qui ne sont pourtant pas soutenus directement par Unitaid, comme l’Afrique du Sud, de déployer le GeneXpert plus largement.
Les dépenses innovantes : répondre efficacement à la tuberculose
Mais il convient également d’orienter intelligemment les dépenses vers les besoins les plus urgents, à savoir le développement de nouveaux diagnostics, de nouveaux vaccins et de traitements plus efficaces, abordables et accessibles pour tous ceux qui en ont besoin.
Alors qu’il faut deux ans pour soigner un patient souffrant de tuberculose résistante aux médicaments et qu’à peine 50 % des patients sous traitement en sortent guéris, seulement deux nouveaux médicaments ont été approuvés pour soigner cette maladie durant les quarante dernières années. Tous les efforts restent donc à faire.
Pendant ce temps, les investissements pharmaceutiques dans la recherche sur la tuberculose ne cessent de baisser. Nous devons donc inciter les producteurs de médicaments à investir dans la recherche sur la tuberculose, et des modèles incitatifs et innovants existent.
Le Medecine Patent Pool, une initiative soutenue par les Nations unies, facilite la mise à disposition de sous-licences de médicaments contre le VIH à des producteurs de génériques. Ces regroupements de licences ont permis aux personnes vivant avec le VIH dans les pays en développement de bénéficier de médicaments et de technologies abordables, en réalisant plus de 40 millions de dollars d’économies. Pourquoi ne pas décliner ce modèle pour la tuberculose ?
La volonté politique : la pièce manquante du puzzle
Aucune des innovations citées plus haut ne peuvent être mises en pratique sans volonté politique. La maladie se propageant dans l’air et donc n’ayant pas de frontière, tous les pays doivent s’impliquer pour financer la lutte contre la tuberculose et pour que les politiques mises en œuvre soient efficaces.
Certains pays des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), Afrique du Sud en tête, sont en pointe de la réponse à la tuberculose. Ce pays comprenant un des plus forts taux de tuberculose au monde a, par exemple, lancé la plus vaste campagne de diagnostic et de traitement.
Des parlementaires de tous pays (Brésil, Canada, France, Inde, Kenya, Afrique du Sud, Tanzanie, Royaume-Uni et Etats-Unis) se sont par ailleurs fortement mobilisés dans la lutte contre la tuberculose en créant un groupe parlementaire international sur la tuberculose en novembre 2014 et en cosignant la Déclaration de Barcelone, montrant qu’une mobilisation politique forte est possible. Ce groupe s’est engagé à travailler avec les ONG et les institutions comme l’Organisation mondiale de la santé et le partenariat Halte à la tuberculose pour rassembler des soutiens dans leurs propres pays et pour lutter contre cette pandémie.
Ces dirigeants politiques ont prouvé qu’il était possible de regarder au-delà des intérêts nationaux immédiats et de s’engager pour un monde plus sain en luttant contre une des maladies les plus anciennes et les plus mortelles de la planète.
Les nouveaux chiffres de la tuberculose résistante aux médicaments publiés aujourd’hui montrent à quel point la tuberculose est dommageable à la santé mondiale et à l’économie mondiale. Nous devons donc travailler tous ensemble en priorisant l’innovation et l’engagement politique pour mettre un terme à la menace sanitaire mondiale que représente la tuberculose.