DANS le budget de l’État, un poste des dépenses prend en charge les cas d’invalidités, de personnes de troisième âge, d’anciens combattants, mais aussi la pension et la rente, les enfants et les familles, l’exclusion sociale et le chômage. Mais les crédits y alloués ne sont guère à la mesure des ambitions. Pour l’exercice 2019, l’État n’a prévu qu’un budget de 163 394 882 236 FC, soit 93 486 030 dollars. Et la grosse part de ce budget est consacrée à la sous-rubrique « Autres affaires concernant la protection sociale » avec 48 454 358 807 FC, soit 27 723 060 dollars, alors que le chômage, principale préoccupation des 25-55 ans du pays, n’a que 668 727 959 FC, soit 382 615 dollars.
De l’avis de propres experts de l’État, le gouvernement navigue à vue dans sa politique de protection sociale. Pourtant, elle aurait dû, cette année, compter parmi les postes des dépenses bénéficiaires d’un budget pluriannuel pour atteindre ses objectifs avec efficience. Hélas, les 14 institutions (ministères, services publics, provinces et entités territoriales décentralisées) qui ont été choisies comme institutions-pilotes pour la gestion des budgets de résultats, auront servi de cobaye pour rien. Cinq ans après, en 2019 donc, la RDC n’a pas su migrer de budget des moyens vers le budget-programme en 2019.
Objectifs, indicateurs, cibles…
La démarche consiste, en pratique, à instaurer la gestion axée sur les résultats par la mise en place des cadres de performance dans les ministères et institutions, à travers les projets annuels de performance (PAP). Ceux-ci ont été conçus pour mieux rendre compte de l’efficacité et de l’efficience de l’action publique. Le projet annuel de performance décline par programmes, la stratégie sectorielle, les objectifs poursuivis, les actions, les coûts associés, les indicateurs, les cibles et les résultats attendus. Il est annexé au projet de loi de finances publiques (LOFIP) de l’année pour une meilleure analyse des crédits budgétaires.
Cette démarche de performance aurait dû s’étendre à l’ensemble des ministères et institutions, afin de présenter in fine le budget programme à partir l’exercice 2019 comme l’exige la LOFIP. Hélas, à fin 2018, même les institutions qui devraient servir de tests piétinaient encore pour déclencher le processus. Les institutions ci-après ont, en effet, été sélectionnées : la Santé publique, l’Enseignement primaire et secondaire, l’Enseignement technique et professionnel, l’Agriculture, le Développement rural, les Mines, les Hydrocarbures, les Transports et Voies de communication, la Fonction publique, le Genre, Famille et Enfants, la Chancellerie des Ordres nationaux, la Cour des Comptes ainsi que les Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction.
Actions sociales sans impact
Bien que reprise dans les annexes de la loi de Finances publiques comme grande fonction de l’État, la protection sociale a un budget écartelé dans différentes institutions dont des ministères. Elle aurait dû être d’un impact social visible si l’État disposait d’un budget-programme, selon des experts. Pour rappel, un budget-programme désigne un mode de présentation des crédits budgétaires consistant à regrouper les actions d’un même ministère, d’un même titre ou fonction par programme en rapprochant pour chacun d’eux les crédits de toutes natures et les résultats physiques ou financiers attendus, le tout étant complété par une projection indicative portant sur plusieurs années, à l’image de la protection sociale.
Il a été établi qu’après l’administration centrale, un mécanisme d’accompagnement et d’assistance technique aux provinces et entités territoriales décentralisées (ETD) sera actionné pour les appuyer à la mise en place des outils de budgétisation par programme à chaque niveau de pouvoir. L’État aurait dû disposer des PAP, tant au niveau central, provincial que des ETD sur la protection sociale courant 2018. Cependant, il n’existe pas des statistiques fiables sur le taux de chômage, même à Kinshasa. Par exemple, la prise en charge des homes des vieillards repose largement sur des actes de charité des hommes de bonne volonté ou encore des ONG.
L’évaluation des PAP ne se fera donc pas en 2019. Elle devait donner lieu à l’élaboration des rapports annuels de performance (RAP) par programme, annexés au projet de loi portant reddition des comptes. Pour l’exercice 2018, les PAP de 13 secteurs pilotes, présentés dans le document « Projets annuels de performance des secteurs pilotes pour l’exercice 2018 » du ministère du Budget, s’inscrivent dans le cadre d’un budget à blanc en mode programme afin d’accompagner, à titre informatif, le projet de loi de finances 2018 et de familiariser les députés et les sénateurs ainsi que l’ensemble des acteurs impliqués dans la gestion des finances publiques à la nouvelle démarche de gestion axée sur les résultats.
Hélas, même les chambres parlementaires ont été en déphasage avec la nouvelle (future) procédure d’élaboration du budget. Pourtant, lors du séminaire d’orientation budgétaire 2019 – qui constitue en pratique la première étape de l’élaboration du budget -, une experte du ministère du Budget s’est appesantie sur la gestion axée sur les résultats (GAR) qu’elle a vantée comme étant un système de gestion qui s’appuie sur le cycle de vie d’un programme ou d’un projet. Elle intègre les stratégies, les personnes, les ressources, les processus et les outils de mesure pour améliorer la prise de décisions, la transparence et la reddition de comptes.
Elle a fait comprendre que la gestion axée sur les résultats est, en pratique, un outil employé pour améliorer l’efficacité et les pratiques relatives à l’obligation de rendre compte en matière de projets et d’organisations, en mettant l’accent sur l’atteinte de résultats concrets et réalistes. Elle repose sur une comptabilité clairement définie des résultats, et prévoit un suivi systématique, une autoévaluation et l’établissement de rapports sur les progrès accomplis.
Classification programmatique
Pour concrétiser cette exigence, le gouvernement organise depuis 2014, avec le concours des partenaires techniques et financiers, des séminaires de formation, effectue des travaux de structuration des programmes et diverses actions dans différents secteurs en vue d’assurer la migration du budget des moyens vers les budgets-programmes avec une gestion axée sur les résultats, pour la mise en œuvre des politiques publiques.
À cet effet, la nouvelle nomenclature budgétaire, édition 2015, a réservé quatre positions numériques pour la classification programmatique, en vue de codifier les programmes et les actions y afférentes. Les rapports annuels de performance devraient, en effet, rendre compte pour chaque programme, de l’exécution des engagements pris dans les PAP. Ils présentent et expliquent les réalisations effectives de l’ensemble des moyens alloués à un programme et permettent d’apprécier la qualité de la gestion des politiques publiques.
Mais selon le ministère du Budget, la République démocratique du Congo ne saurait migrer du budget des moyens vers le budget-programme qu’après 2023. En témoigne l’exécution du budget de la protection sociale ou encore des Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction.
Toutefois, dans le cadre bu Budget à moyen terme 2019-2021, le gouvernement envisage la mise en œuvre de la politique nationale de protection sociale devant conduire à la mise en œuvre des actions suivantes, la prise en charge des personnes vulnérables, le renforcement des infrastructures sociales de prise en charge des personnes vulnérables, l’instauration d’une politique nationale des filets sociaux, la mobilisation des ressources nécessaires au bon fonctionnement des infrastructures sociales de prise en charge, la construction ou l’acquisition des infrastructures devant abriter les services des actions humanitaires et solidarité nationale, et enfin, l’étude de vulnérabilité et des capacités en RDC (EVC). Mais après le premier quadrimestre 2019, aucune des actions programmées dans le cadre de la protection sociale n’a connu un début d’exécution.