Depuis une dizaine d’années, la question foncière est l’un des problèmes avérés au centre du débat socio-économique en raison de ses répercussions négatives sur la situation générale du pays. Le caractère obsolète de la loi foncière du 20 juin 1973 et son inadaptation aux nouvelles dynamiques socio-économiques qu’impose le développement, les défis liés à la transparence et à l’accès à l’information, les conflits entre la loi et la coutume en milieu rural, l’émergence des conflits fonciers qui constituent une menace à la paix et à la cohésion sociale, surtout dans les zones postconflits, le blocage des investissement sont autant de facteurs qui témoignent du malaise dans le secteur foncier.
En juillet 2012, suite à un atelier national sur le foncier avec l’adoption d’une feuille de route consensuelle, le Congo s’est lancé dans une option irréversible de réforme foncière basée sur les principes de participation, de décentralisation, de respect de l’environnement, de droits de l’homme, de droits des femmes et des minorités. La réforme foncière se fonde sur la vision d’un Congo pacifié, socialement intégré et économiquement dynamique en raison de l’amélioration de la gouvernance foncière. Les trois objectifs spécifiques de la réforme sont : limiter, voire éradiquer les conflits fonciers et les violences d’origine foncière ; mieux protéger les droits fonciers des personnes physiques et morales publiques et privées avec une attention particulière aux personnes vulnérables (communautés locales, populations autochtones, femmes et enfants) ; stimuler l’investissement productif dans le respect de la durabilité environnementale et sociale.
Au Kongo-Central, la redistribution des concessions coloniales est à l’ordre du jour
La réforme foncière est menée en adéquation avec celle de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’agriculture, de la forêt, de l’environnement et des mines, et elle tient compte des exigences de planification dans les processus d’occupation et d’utilisations des espaces du territoire national à différents niveaux (national, provincial, local)…
Dans le Kongo-Central, des activistes de la société civile et des élus sont à peu près d’accord qu’il faut une table ronde provinciale sur la problématique foncière, rapporte Pierre Ngimbi Nzau, propriétaire foncier à Tshela. Cette exigence s’inscrit dans le cadre de la réforme du code foncier qui doit être parachevée en 2016. D’après la même source, ces acteurs de la société civile et ces élus provinciaux souhaitent que le principe d’arbitrage soit introduit dans le code foncier comme préalable à toute action devant la justice en cas de conflit. C’est de cette manière, estiment-ils, que le nombre des plaintes devant les cours et tribunaux pourra diminuer.
Rétrocession
Pierre Ngimbi rappelle que cette revendication n’est pas nouvelle. Il y a trois ans, les députés originaires du Bas-Congo avaient fait fort dans la revendication en demandant la restitution de tout ou partie des concessions non exploitées par les colons et les acquéreurs dans les forêts du Bas-Congo, notamment au Mayombe. Ils exigeaient également que les terres soient confisquées à ceux qui ne s’acquittaient pas de la redevance foncière pour être redistribuées. De même, ils réclamaient la définition d’une cartographie foncière dans leur province pour « éviter les incursions des opérateurs économiques d’autres provinces, notamment de Kinshasa à partir des limites de Mitende et Maluku ».
Le foncier est un support des investissements porteurs de croissance et un facteur de cohésion sociale et politique, souligne le député Jean-Claude Vuemba. Le régime foncier, tel qu’il découle de la loi du 20 juillet 1973, s’érige en facteur limitant les progrès en matière d’occupation et d’utilisation des terres. L’absence d’une politique foncière adaptée aux stratégies de développement et aux évolutions est l’une des causes majeures des déficits que l’on déplore aujourd’hui. Elle a donné lieu à l’émergence d’un système et de pratiques qui ne favorisent pas la productivité des terres. Dans un tel contexte, plutôt que d’être un instrument de pacification sociale et de développement économique.