Tout s’achète en République démocratique du Congo, à n’importe quel niveau. Ces comportements privent l’Etat de sommes d’argent dont il a pourtant besoin pour développer le pays.
Le 9 décembre, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre la corruption, Maître Dominique Kamuandu, membre de l’ONG Avocats sans frontières, n’a pas caché son amertume face à ce phénomène qui, tel un cancer, ronge la République démocratique du Congo. Dans la vie quotidienne, soudoyer quelqu’un pour obtenir une faveur ou un avantage est devenu un fait tout à fait banal, un exercice national. Corrompre et être corrompu font désormais partie intégrante du mode de vie des Congolais. Pourtant, le code pénal prévoit que les corrupteurs et les corrompus sont passibles de six mois à deux ans de servitude pénale et les amendes vont de 20 000 à 100.000 francs, voire plus lorsque les faits sont aggravés par des actes irréguliers comme la falsification de données ou encore le refus d’exécuter des actions qui relèvent du devoir professionnel et administratif.
Une étudiante à l’université de Kinshasa raconte comment un de ses professeurs a exigé de tous les étudiants de sa promotion les « frais de connexion », condition sine qua non pour qu’il corrige leurs copies d’examen. Ceux qui ne s’acquittent pas de ces frais illégaux ne verront jamais leurs copies corrigées, se retrouveront sans note à la délibération et seront systématiquement assimilés aux ajournés jusqu’au payement desdits frais. Dans les hôpitaux et autres services publics, même quand le portail est réglementairement fermé, il suffit de glisser 200 francs dans la main du portier pour se voir autoriser l’accès.
Au ministère des Affaires étrangères, des fonctionnaires, sans gêne, imposent aux visiteurs 30 dollars pour le suivi d’un dossier et écourter le délai réglementaire de deux semaines pour l’obtention d’un passeport qui coûte normalement 170 dollars, témoigne une victime. Les policiers qui régulent la circulation routière multiplient infractions et altercations avec les conducteurs dans le but de leur soutirer quelques sous qui ne profiteront jamais au Trésor public. Dans l’administration, il est très rare que les services ne soient pas monnayés parce que les fonctionnaires doivent « arrondir leurs difficiles fins de mois ». Même les hauts fonctionnaires et les ministres, qui sont perçus comme les privilégiés de la société (au regard de leurs émoluments et autres avantages) ne se passent jamais des commissions de 10 % exigés de tous les payements ou achats de l’Etat qu’ils doivent agréer, affirme Maître Dominique Kamuandu, pour qui la corruption est un véritable fléau social.
Maître Luc Ntemo, 30 ans de carrière à la cour d’appel de la Gombe, n’a même plus souvenance d’un procès pour corruption dans cette juridiction. « Depuis plusieurs années, on n’a plus entendu parler de procès pour corruption, car, le phénomène est en train d’être évacué du mental congolais comme un mal. Même quand on la vit tous les jours sous diverses formes, la corruption n’est plus portée à la connaissance d’officiers du ministère public parce que la société vit une certaine inversion des valeurs. Les gens trouvent normal d’exiger de l’argent pour poser des actes qui sont de leur simple devoir par la loi, et d’autres trouvent normal de donner de l’argent là où la loi ne l’exige pas». Selon Luc Ntemo, pour lutter contre la corruption, l’Etat doit recommencer à valoriser le travail par un salaire décent et sensibiliser l’opinion sur les procédures à suivre pour éradiquer ce mal qui coûte cher à l’Etat.
En RDC, la corruption est une infraction qui relève du droit pénal. Sa dénonciation commence au parquet, qui se saisit du dossier devant un tribunal qui va statuer en vue de sanctionner ou d’innocenter les présumés coupables. Les tribunaux compétents qui traitent des cas de corruption sont les tribunaux de paix. Néanmoins, les hauts fonctionnaires et les ministres, qui bénéficient du privilège de juridiction, sont jugés à la cour d’appel et à la cour suprême de justice.