Tel un opérateur économique en mal d’espoir, Pierre-Martin Mutombo Ngeleka, Directeur général de M. ENTREPRISE, une PME spécialisée dans la transformation du bois, est de ceux qui pensent que le gouvernement congolais ne fait pas autant pour encourager les Petites et moyennes entreprises (PME) et les Petites et moyennes industries (PMI) congolaises à s’adapter à l’environnement économique actuel. Après avoir fait l’état des lieux des PME et PMI, Mutombo situe le calvaire de leurs entités après la crise politique des années 90. Année où les PME et PMI étaient largement pillées par des inciviques. « Beaucoup de nos unités de production étaient pillées ou vandalisées. Pas une seule PME n’était épargnée par ce mouvement de colère », reconnaît-il, amèrement. Aujourd’hui, soutient Pierre-Martin Mutombo, « après cette période douloureuse, on a donné plus de place à l’importation, oubliant de financer les mêmes PME pillées jadis ». Avec beaucoup d’exemples à l’appui, Martin parle surtout des bâtiments administratifs en réhabilitation et dont les mobiliers sont toujours importés à l’étranger pour leur équipement. « Nous, opérateurs congolais, nous n’avons pas peur de la concurrence étrangère. Elle nous permet plutôt de présenter un travail de qualité par rapport aux mêmes articles importés. La même concurrence devient réellement problème lorsqu’on ne sait pas protéger la production locale », fait remarquer le Directeur général de M. ENTREPRISE. Face à cette situation, Pierre-Martin Mutombo déplore, à la fois, la qualité de meubles importés dont les Congolais ne savent pas distinguer la vraie valeur. Il parle des agglomérés (de cartons pressés), de produits stratifiés (formica) et des mélaminés (feuilles plastiques avec textures de bois imprimés). «Le temps n’est pas l’allié de taille pour tout celui qui achète ce genre de produits. C’est à moindre coût, bien sûr. Il suffit d’une inondation ou un déménagement pour voir ces meubles s’abimer pour ne pas être réemployés », assure Mutombo, qui pense que « quand il y a des travaux publics, les premiers sollicités devraient être des industriels congolais même si quelques entreprises appartiennent à des étrangers venus s’installer dans notre pays ». « Au nom de quelle politique, le gouvernement congolais, censé encourager ses propres PME, est toujours tourné vers l’étranger dans le but de privilégier la main d’œuvre étrangère ? », s’interroge-t-il.
Quel rôle pour l’IPMEA ?
Du ministère de l’Industrie, petites et moyennes entreprises et artisanat, Pierre-Martin Mutombo croit que ce dernier devrait au préalable détenir un répertoire crédible des PME et des PMI par secteur et par commune, si pas par province. De sorte qu’il puisse s’assurer que les PME et PMI sont intéressées dans le travail de reconstruction du pays. A titre illustratif, le Directeur général de M. ENTREPRISE rappelle qu’à la nomination de nouveaux magistrats, il y a peu, personne n’avait pensé à l’équipement de leurs nouveaux bureaux. A la surprise générale, les opérateurs économiques nationaux n’ont eu que leurs yeux pour contempler le nombre de containers venant de la Chine avec les mobiliers de bureau. Conséquences : que des usines qui ferment les unes après les autres. « Il n’y a qu’à aller à Delvaux, la grande partie de machines à bois ont été fermées. Aller au quartier artisanal à Kasavubu (entre Gambela et Assosa) il n’y a plus rien qui puisse ressembler à ce qu’on avait connu à l’époque », s’insurge Pierre-Martin Mutombo. Beaucoup de ces machines ont été cédées ou vendues à des promoteurs venus du Bas-Congo. « Les anciens opérateurs préfèrent se délester de leurs machines par manque de marchés à Kinshasa », regrette encore Pierre-Martin Mutombo. Des regrets en regrets, il cite également le nombre non moins important des anciennes usines de transformation de bois qui ont fait parler de Kinshasa. Uzam, Module Z, Deco-Meubles, Gramec, Interior, Simeza, Panga Meubles, Mozar, Casa Decoration, La Maison du Meuble…pour ne citer que celles-là. Et de se demander : « Qui pourra hypothéquer l’avenir de son enfant en l’envoyant dans une école professionnelle pour qu’après le voir chômer ? ». Lorsqu’il se tourne vers les menuisiers formés sur le tas, il constate que ces derniers sont insuffisants. Ils n’ont pas la maîtrise du matériel comme le feraient les élèves sortis des écoles de formation.
Autres difficultés
En bon entrepreneur avisé, le Directeur général de M. Entreprise, évoque entre autres difficultés, celles liées étroitement à la fourniture de l’électricité par la Société nationale d’électricité (SNEL). « Un des facteurs pénalisant pour nous, c’est le manque d’électricité. On est passé de délestage (quand il s’agit d’une coupure à partir de la cabine) au FEDER (quand elle se produit au niveau de la sous-station). Cela ne nous permet pas de tenir nos délais de livraison. Quel manque à gagner pour nous ? », ajoute M. Mutombo. De même qu’il n’ignore pas les tiraillements qui ont toujours fait l’objet de discussions entre les partenaires au développement et les opérateurs économiques congolais. Chaque fois, souligne-t-il, les mêmes partenaires ne tiennent pas compte du prix de revient de nos articles. Ils nous imposent le leur. « Pour fabriquer un banc d’écolier, il nous faut un plateau de 45 cm de large qui coûte environ 50 dollars au moment où ils vous imposent entre 39 et 40 Euros comme prix». Parmi les autres difficultés, les opérateurs de ce secteur soutiennent qu’il n’existe pas une véritable classe moyenne digne de ce nom en RD Congo. Ils espèrent l’émergence d’une nouvelle classe moyenne à venir et tournée vers la consommation des biens produits localement. Pour un pays émergent à l’horizon 2030, il appartient au gouvernement de revigorer les PME et les PMI, suggère Pierre-Martin Mutombo.