Plus de quatre ans après son agrément par l’Autorité de régulation des postes et des télécommunications au Congo (ARPTC), Yosma Times Turns a procédé, le 7 octobre, aux premiers tests techniques de son signal GSM.
En attendant l’ouverture commerciale au public prévue après la fiabilisation du signal par la multiplication des tests techniques, le renforcement et l’extension du réseau en dehors de Kinshasa, de même que les procédures de maintenance du réseau, le nouvel opérateur est presque certain de ne pas atterrir sur un terrain conquis. Yosma Times Turns, présent en Afrique depuis quinze ans (notamment au Congo-Brazzaville, au Gabon, au Tchad, en Sierra Leone, en Ouganda, en Tanzanie, au Burundi) rejoint Vodacom, Airtel, Orange, Tigo, Africell et Standard. Le seul bémol à son actif est le taux de pénétration au réseau téléphonique encore insuffisant de près de 25% pour un pays d’environ 75 millions d’habitants. La société, basée à Chypre, avait obtenu sa licence en 2009 pour 45 millions de dollars. Elle a longtemps attendu pour exploiter et commercialiser ses services à cause de plusieurs litiges liés aux éternelles querelles de fréquences qui pourrissent l’environnement de la téléphonie mobile en RDC. Les fréquences disponibles étant très limitées par rapport à la demande, leur attribution fait l’objet de marchandages serrés à coup de dessous-de-table au profit de fonctionnaires et hommes politiques indélicats. Selon une source au ministère des Postes, Télécommunications et Nouvelles technologie de l’information et de la communication (PT-NTIC), cette entreprise a connu beaucoup de problèmes d’ordre juridique et technique. La même source doute que ces problèmes soient entièrement résolus même si la société dit détenir les preuves de ses engagements, dont le paiement de la première tranche de sa licence, soit 5 millions de dollars, à la Direction générale des recettes administratives et domaniales (DGRAD), conformément au calendrier convenu dans l’acte d’engagement signé entre les deux parties sur « les modalités de paiement des frais de licences ».
Des garanties qui ne rassurent personne lorsqu’on se souvient de « l’affaire StarTimes ». Un opérateur de télédistribution qui, après une année d’exercice, s’était brusquement vu interdire toute activité en République démocratique du Congo par le ministère de tutelle pour manque de documents légaux de fonctionnement et usurpation de fréquences. L’affaire qui fit grand bruit dans l’opinion, a mis au grand jour les faiblesses et le dysfonctionnement de l’administration des télécommunications. La suspension des activités par le ministère contestée par l’opérateur qui a exhibé dans la presse des documents officiels des services spécialisés, mais contestés par le ministre de tutelle. Le chef de l’État a dû sortir de sa réserve pour trancher en faveur de l’opérateur. Le signal de StarTimes sera rétabli dans la foulée sur ordre du chef de l’État, afin de permettre à cette entreprise de fonctionner comme auparavant. La RDC venait de lancer un mauvais signal au monde des affaires : l’image d’un pays où les textes de loi et les documents officiels sont tellement fragiles qu’ils sont contestés, voire violés, par leurs auteurs.
D’après un agent de la direction des télécommunications, l’affaire StarTimes, n’est pas l’unique cas qui pourrit le climat du secteur des télécommunications. Le cas d’Africell, est, selon lui, très édifiant. Cet opérateur, installé en toute légalité depuis deux ans, employant 300 personnes, payant toutes les taxes, a été privé d’interconnexion par la seule volonté de ses concurrents, au nez et à la barbe de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications au Congo. Une société dont les abonnés ne sont pas autorisés à appeler ceux d’autres réseaux du pays est, en fait, condamnée à disparaître, alors que la loi congolaise fait de l’interconnexion une obligation, selon l’article 41 de la loi-cadre sur les télécommunications. « Tout réseau de télécommunications établi ou utilisé pour les besoins du public est obligé de s’interconnecter au réseau de l’exploitant public à travers lequel tous les réseaux nationaux sont interconnectés ,» dit la loi.
À ce chapelet d’incertitudes peut aussi s’ajouter le casse-tête du coût des communications. Ici, contrairement à d’autres pays dans le monde, où l’autorité fixe le prix de la minute d’appel, le coût de l’appel est simplement plafonné. Entre 0,5 et 0,15 dollar pour un appel local, entre 0,15 et 0,30 pour un appel international. Ce flottement a eu pour effet d’attiser la concurrence entre les opérateurs. Ceux qui ont pignon sur rue (Airtel et Vodacom) et qui revendiquent la plus grosse part de marché en quantité (plus de la moitié des abonnés) et en qualité (la plupart des corporates) ont les tarifs les plus élevés (entre 0,12 et 0,13 dollar par minute), tandis que les petits poucets, les derniers venus (Orange, Tigo, Africell) jouent à fond la carte du low cost (entre 0,5 et 0,6 dollar la minute) et la politique du forfait (appel illimité intra-réseau pour 1 dollar par jour ) pour séduire les nouveaux abonnés. Et la recette marche. En deux ans, l’opérateur Orange a presque doublé son portefeuille client passant de 1,2 millions à 3 millions aujourd’hui, tandis que Tigo est en constante progression ces cinq dernières années, passant de 1 à 3,5 millions d’abonnés. Pour profiter de tous les avantages offerts par tous les opérateurs, le Congolais est prêt à s’offrir quatre numéros de téléphone. Une étude du cabinet Target (spécialisé en analyse économique et financière) montre que les grandes sociétés de télécommunications connaissent une croissance en nombre d’abonnés de 10 % par an, tandis que les petites revendiquent annuellement une croissance de 30 à 50 %.