L’emballement des cours mondiaux des produits alimentaires est souvent redouté en Afrique. La problématique devient cruciale pour le moment tant les États n’appliquent pas de politiques de riposte rigoureuses.
L’Afrique continue d’importer des millions de tonnes de denrées alimentaires. Le Congo y consacre chaque année quelque 1,3 milliard de dollars. Il est temps que cet argent soit destiné à la relance de l’agriculture, estime Alain Huart, expert au ministère de l’Agriculture. « Ces produits représentent plus ou moins un million de tonnes de surgelés, de sucre, de lait, d’œufs, d’huile de palme, de blé… Les importations alimentaires ne sont qu’une réponse au jour le jour sur le pouvoir d’achat faible des populations », expliquait-il lors d’une conférence. Le gouvernement invite, sans vraiment en avoir la conviction, la Fédération des entreprises du Congo (FEC) à réfléchir sur la relance de la production agricole et de l’industrie manufacturière. La part du secteur agricole dans le budget national est actuellement de 1,5% alors que la Déclaration de Maputo enjoint aux États africains d’y affecter 10% de leurs budgets.
Cependant, face à la crise sur le marché mondial des céréales, consécutive à la restriction des exportations, notamment américaines, le Congo n’a pas d’autre alternative. Les États-Unis produisant les trois quarts du maïs et du soja du marché mondial, les prix des céréales et du soja ont augmenté de près de 30%.
Prévisions battues en brèche
La Banque mondiale a mis en garde contre les «conséquences néfastes» de la flambée des cours sur les populations pauvres, même si, pour le moment, les stocks de riz restent relativement positifs. Pour rappel, c’est l’augmentation des prix du riz qui avait provoqué les émeutes de la faim en 2008 en Afrique. « Au cas où surviendraient des risques, nous devrons avoir les moyens d’y faire face », prévient l’analyste économique Gilbert Luyeye. Parmi ces moyens, il pense au renforcement des moyens d’action dans le secteur agricole.
En 2011, le Comité africain sur la sécurité alimentaire et le développement durable de l’Union africaine avait estimé les importations alimentaires à 43 millions
de tonnes, dont deux millions sous forme d’aides alimentaires. Au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba, on avait projeté, à l’époque, que les importations alimentaires allaient reculer tandis que l’aide alimentaire devait croître entre 2012-2015. De toute évidence, ces analyses sont battues en brèche parce que l’Afrique continue de ne pas produire des quantités suffisantes de denrées pour répondre à la demande céréalière sans cesse croissante de ses populations. La tendance à la baisse de la facture des importations alimentaires de l’Afrique est actuellement de quelque 550 milliards de dollars par an. Pour les experts du Comité africain sur la sécurité alimentaire et le développement durable, il y a urgence d’investir dans l’agriculture afin d’accroître considérablement la production de denrées alimentaires. Les importations des céréales couvrent actuellement 50 à 60% du riz et 80% du blé consommés en Afrique, rappellent-ils. Les fluctuations des prix sont de grande ampleur et imprévisibles, faisant redouter de graves risques d’insécurité alimentaire pour les consommateurs. Les prix des produits alimentaires ne cessent d’augmenter, suscitant des inquiétudes de voir resurgir la crise des prix des denrées de 2008 et ses conséquences pour les plus démunis.
L’emballement des cours mondiaux des produits alimentaires, tels le maïs et le blé, est souvent perçu comme un phénomène grave. Par exemple, en 2008, avec la crise financière internationale, le spectre de l’insécurité alimentaire était plus que redouté en Afrique. En 2012, des dirigeants africains étaient invités aux États-Unis au sommet du G8 dans le cadre de discussions sur l’accélération du progrès vers la sécurité alimentaire en Afrique. La question de la sécurité alimentaire est cruciale pour le moment tant l’incertitude persistante des marchés des produits alimentaires pousse les pays africains à recourir à l’aide internationale.
Politiques de riposte
D’après Gilbert Luyeye, les pays africains n’ont que peu ou pas de marge de manœuvre budgétaire pour atténuer l’impact de la crise. « Les contraintes budgétaires lourdes qui pèsent sur les bailleurs de fonds rendent la fourniture d’une aide financière supplémentaire incertaine. Dans ces conditions, les politiques de riposte devraient préserver la stabilité macroéconomique et protéger les pauvres et les plus vulnérables, sans nuire à l’efficience économique comme le préconise le Fonds monétaire international (FMI) », déclare-t-il. En effet, le FMI propose une série de politiques de riposte, notamment des subventions ciblées, croisées, un appui au revenu, la réaffectation de crédits budgétaires…
« De telles mesures pourraient ne pas suffire pour atteindre l’objectif visé, à moins que des dispositions concrètes ne soient prises », poursuit-il. Près de 70% de la population congolaise vivent dans un état d’insécurité alimentaire chronique. La FAO prévoit d’ériger des entrepôts pour la conservation des produits agricoles, de réhabiliter les marchés agricoles ainsi que d’aménager des routes pour l’évacuation de ces produits.
L’aide aux exploitants agricoles pour constituer des petites épargnes est également une priorité.
Pour y parvenir, il faudra lever les pesanteurs, notamment l’inefficacité de l’État, l’insuffisance des infrastructures et un climat des affaires et des investissements moins attractif. La mauvaise gouvernance est un frein à l’épanouissement des petites et moyennes entreprises (PME).
La Banque mondiale exhorte, par exemple, l’État à mener une politique centrée sur les bons rendements, à développer les infrastructures et à améliorer le climat des affaires en vue de concourir à l’accélération de la croissance et de l’emploi.