Le 31è sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Union Africaine (UA) qui s’est tenu dans la capitale mauritanienne a offert l’occasion à l’équipe du président rwandais et en exercice de l’UA, Paul Kagame, en charge des réformes institutionnelles, de faire le plaidoyer de projets visant à améliorer l’intégration, de rencontrer les présidents les plus réticents pour adhérer à la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). À ce propos, estiment des observateurs à la clôture du sommet le 2 juillet, c’est du positif. Lors de ce sommet, il est ainsi parvenu à convaincre 5 États supplémentaires à signer le protocole instaurant une zone de libre-échange. Portant ainsi à 49, le nombre des États qui ont signé le protocole instaurant ce marché commun. La ZLECA vise principalement à créer un marché commun de 1,2 milliard de personnes, représentant un produit intérieur brut (PIB) de 2 500 milliards de dollars dans l’ensemble des États membres de l’UA. Elle aura pour but de « renforcer l’intégration africaine, éliminer progressivement les droits de douane sur le commerce intra-africain pour permettre aux pays africains de mieux se spécialiser et de développer des chaînes régionales de valeur en vue de renforcer la compétitivité et la diversification ». Son objectif est d’accroître le commerce intra-africain de 52,3 % d’ici 2022. Selon des dirigeants africains, la création de la ZLECA est clairement « une volonté de coopérer » des pays africains.
Cependant, plusieurs grands défis restent à relever, notamment l’entrée en vigueur de l’accord encore sujette à sa ratification aux échelles nationales, la non complémentarité des économies africaines … Il faudra également améliorer la qualité des infrastructures de transport sur le continent, résoudre le problème de déficience des réseaux de distribution, ou encore accroître la lutte contre la corruption. Il faudrait aussi éviter le dumping, du fait de la différence de compétitivité des pays africains. « Il faut que les pays africains aient des marchandises, des services à échanger entre eux. Cela suppose qu’on mette un terme au statut actuel d’une Afrique, réservoir de matières premières et consommatrice de produits finis fabriqués ailleurs que sur le continent. Cela suppose le développement industriel des pays africains, que l’Afrique soit capable de produire son alimentation, que soit réalisées les infrastructures énergétiques, routières, ferroviaires, portuaires, aéroportuaires et des télécommunications, indispensables au développement des échanges », explique le président nigérien Issoufou.
En outre, il faudra encore revoir le fonctionnement de blocs économiques régionaux déjà existants et interroger leur bilan. En effet, malgré le fait qu’existe plus d’organisations régionales en Afrique que sur tout autre continent, le commerce intra-africain reste atrophié : 27 pays africains sont membres de deux groupements régionaux, 18 participent à trois organisations et la République démocratique du Congo appartient même à 4 groupements.
Que de déclarations !
Concernant la lutte contre la corruption, thème de ce sommet de Nouakchott, le bilan est plutôt mitigé. « On attendait des engagements fermes de la part des chefs d’État, mais la réunion n’a abouti qu’à des déclarations politiques », a déploré un participant cité par RFI. La 30è session ordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’UA à Addis-Abeba en janvier était placée sous le thème : « vaincre la corruption : une option durable de transformation de l’Afrique ». D’après le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, « gagner la lutte contre la corruption est un chemin durable vers la transformation de l’Afrique ». Il a invité les États membres de l’UA à jouer un rôle primordial dans la lutte contre la corruption : « La pertinence de ce choix est évidente en raison de l’ampleur du fléau de la corruption sur le continent avec ses effets dévastateurs sur le développement économique, la corrosion de notre cohésion sociale et la déstabilisation de notre ordre politique. » Pour lui, « la première responsabilité est sur les épaules des États membres » qui doivent lutter plus résolument contre les flux financiers illégaux et illicites.
Le président de la Commission de l’UA met l’accent sur l’importance de la réforme institutionnelle de l’organisation panafricaine. « Sa conclusion est la garantie d’une efficacité accrue de notre Union pour en faire un outil susceptible de porter nos ambitions et de les traduire en actes », a-t-il déclaré. C’est la condition même de l’indépendance financière qui garantit elle-même notre destin entre nos mains et notre souveraineté de décision. Sans cette indépendance, l’Afrique n’est rien ».
L’autonomie financière était également au centre des débats de ce 31è sommet de l’Union africaine à Nouakchott. Le 2 juillet, le président de l’UA a justement présenté un rapport sur une réforme institutionnelle de l’UA qui vise à garantir l’indépendance financière de l’organisation. Parmi les propositions, on compte le prélèvement d’une taxe sur les importations de chaque pays, afin de financer le budget de l’organisation.
Le sommet a été marqué par la « touche » du Rwandais, Paul Kagame, président en exercice de l’UA, qui a la charge d’un vaste programme de réformes de l’institution. L’allure ferme et déterminée, Paul Kagame a été un peu le chef d’orchestre de l’ensemble de ce sommet. Le président rwandais a imposé sa cadence : il veut aller à l’essentiel et rationaliser les activités de l’Union africaine. « Il part du principe qu’il n’est pas utile de faire 1 000 projets qui n’aboutissent pas. Mieux vaut réduire cela aux projets réalisables », a rapporté un officiel, séduit par ce pragmatisme. « Le président Paul Kagame tente de mobiliser tout le monde, il veut créer une dynamique pour que les projets aboutissent », a estimé un cadre de l’UA. Mais dans les couloirs du centre Al-Mourabitoune, plusieurs diplomates n’ont pas caché leur frilosité face à cet élan un peu trop rapide à leur goût. Des responsables du Nigeria et d’Afrique du Sud, qui n’apprécient pas « cette méthode autoritaire qui suscite peu de consensus ».