Vivre et travailler avec le virus sera inévitablement plus coûteux

Les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 frappent de plein fouet les pays dépendants des ressources naturelles. Un panel d’experts a récemment discuté des effets du Covid-19 et des contributions que la transparence pourrait leur apporter face aux effets de la crise sanitaire.

LE VIRUS n’est pas prêt à disparaître. La pandémie de coronavirus doit être prise très au sérieux. « Sans services de santé publique de qualité pour assurer la sécurité des personnes, il n’y a pas de réelle perspective de réouverture de l’économie », fait remarquer Dr David Nabarro, l’envoyé spécial du directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour le Covid-19. Dans les pays en développement riches en ressources, la forte baisse des revenus extractifs coïncide avec les fortes dépenses prioritaires d’une grande urgence qu’ils doivent effectuer pour des motifs sanitaires. 

Un panel d’experts animé par Helen Clark, la présidente de l’ITIE, a discuté des implications de la pandémie de Covid-19 et de la façon dont la transparence peut aider les pays à relever leurs défis. Les ondes de choc économiques de la pandémie de Covid-19 sont ressenties, de manière aiguë, par les pays qui sont tributaires de leurs ressources. De nombreux gouvernements se démènent pour éviter l’effondrement de leur économie. 

Évaluer les coûts

Vivre et travailler avec le virus sera inévitablement plus coûteux. Il pourrait faire augmenter les coûts de production, et les entreprises devront tenir compte de ces coûts dans leurs projections. Les employés des entreprises se livrant à l’exploitation minière, pétrolière et gazière travaillent souvent directement sur les sites et vivent à proximité physique de ceux-ci. Les opérations extractives se déroulent fréquemment dans les pays où les systèmes de santé publics sont sous pression et où l’obtention de revenus est impérative.

David Nabarro a souligné l’importance du maintien en bonne santé des communautés concernées. Au fur et à mesure que l’activité économique reprend, la nécessité de rester en bonne santé et les impératifs de relance de l’activité économique sont souvent mis en balance. Ce compromis est intenable, et il est important que les employeurs – y compris ceux qui évoluent dans le secteur extractif – pratiquent une approche plus durable, fait valoir David Nabarro. « Sans santé publique de qualité assurant la sécurité des personnes, il n’existe pas de réelle perspective de réouverture de l’économie. »

Selon Mark Robinson, le directeur exécutif de l’ITIE, la pandémie de coronavirus a mis en lumière de nombreux risques de gouvernance concernant le secteur extractif. Par exemple, les échanges de matières premières entrepris sous pression peuvent être plus enclins à la corruption et faire éroder les flux de recettes. Dans certains pays, la part des revenus allouée aux gouvernements régionaux peut représenter jusqu’à 50 % du total des revenus extractifs. 

Ces flux de revenus peuvent être réduits lorsque les gouvernements révisent leurs budgets pour répondre aux besoins du secteur public en matière de santé. Par conséquent, les communautés locales peuvent être pénalisées par les réductions de dépenses. Ainsi, une gestion transparente peut aider à tenir compte de ces variations et à maintenir un dialogue ouvert avec la société civile et les communautés concernées.

Assouplissement

Pour mieux soutenir les pays mettant en œuvre l’ITIE dans leur communication de données pertinentes en temps opportun en réponse à la crise, l’ITIE a introduit de nouvelles mesures d’assouplissement s’appliquant aux déclarations des pays. Ces dispositions sont conçues pour permettre aux ces pays de maintenir la dynamique qui anime son processus, tout en l’adaptant aux circonstances locales et aux besoins urgents en matière de renseignements.

Au Nigéria, jusqu’à 50 % des recettes publiques et 80 % des recettes provenant des exportations sont tirées des secteurs pétrolier et gazier. La récente baisse des prix du pétrole a eu un impact considérable sur les finances publiques, les revenus du gouvernement étant attendus en diminution de 45 % et la part du PIB en contraction de 3,2 %, selon la Banque mondiale. En anticipation de la crise économique la plus grave depuis 40 ans, le gouvernement a réagi avec rapidité en révisant son budget et en adoptant des mesures fiscales.

Et pourtant, selon Waziri Adio, le secrétaire exécutif de l’ITIE Nigéria (NEITI), la crise a mis en relief la question plus large et plus enracinée de la dépendance des ressources et de leur volatilité. « Il apparaît clairement que nous devons regarder au-delà de l’instant. Nous devons nous interroger quant à la raison pour laquelle le Nigéria est vulnérable et pourquoi nous sommes confrontés à cette crise », a dit Waziri Adio. Avec la volatilité des prix, l’une des caractéristiques permanentes du marché pétrolier, NEITI plaide en faveur de mesures à long terme visant à limiter la dépendance du Nigéria vis-à-vis du pétrole, par exemple, en économisant les recettes tirées du pétrole et en diversifiant les revenus de son gouvernement. 

Pour ce qui concerne la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, Roberto de Michele, un spécialiste travaillant à la Banque interaméricaine de développement, a mis en garde contre les conséquences néfastes que pourrait y exercer la corruption. Des recherches indiquent en effet qu’il existe une possibilité que jusqu’à 20 % des fonds destinés à répondre à la crise n’atteignent pas ceux à qui ils sont adressés.

Pourtant, l’expérience du Paraguay, qui ne met pas en œuvre l’ITIE, montre que la transparence peut être appliquée avec rapidité et efficacité. En moins de trois mois, son gouvernement a mis en place une plate-forme pour suivre l’affectation de fonds à la crise, y compris la divulgation de tous les contrats alloués. D’autres pays de la région ont l’intention de faire de même.