« Ce mercredi 7 mars 2018, le Président de la République, Son Excellence Joseph Kabila Kabange, a reçu en audience des représentants de l’industrie minière à leur demande. Le but de la réunion était de clarifier certains aspects du Code minier récemment adopté par les deux Chambres du Parlement qui devra être promulgué incessamment. Les représentants du secteur minier ont soulevé quelques inquiétudes susceptibles d’affecter leurs opérations sur le terrain. Le Président de la République a rassuré les opérateurs miniers qu’ils sont des partenaires de la RDC et que leurs préoccupations seront prises en compte à travers un dialogue constructif avec le Gouvernement après la promulgation de la nouvelle Loi minière en vue de trouver un terrain d’entente sur les problèmes spécifiques soulevés à la suite de l’abrogation de l’ancienne Loi. Ainsi fait à Kinshasa, le 7 mars 2008. Martin Kabwelulu, Ministre des Mines. »
Telle est la teneur du communiqué (officiel) qui a sanctionné les cinq heures d’« échanges » entre le président Kabila et les patrons du secteur minier en République démocratique du Congo. Que faut-il alors en retenir ? En langage diplomatique, cela veut tout simplement dire qu’il n’y a pas eu d’accord, encore moins de compromis à l’issue des discussions entre les deux parties ou protagonistes. « C’est clair que chacune d’entre elles a campé sur sa position, explique le politologue Jean Marie Kidinda. Il faut comprendre par-là que le nouveau code minier sera promulgué, s’il ne l’est pas encore. Tel quel, et les opérateurs miniers doivent s’y conformer, pour ne pas dire s’y soumettre ».
Pour cet aviseur sur la vie politique en RDC, c’est de la souveraineté de l’État congolais qui est le propriétaire des ressources de son sol et de son sous-sol. « Les patrons des mines ne se doutaient plus de cette approche souverainiste affichée par Kinshasa depuis un certain temps. En Afrique du Sud, à la conférence minière internationale d’Indaba, la virulence du ton et des propos à la limite de l’arrogance du ministre des Mines, Martin Kabwelulu, le même, inamovible depuis 2007 ainsi que de ceux du président du conseil d’administration de la plus grande société minière publique, la Gécamines, Albert Yuma Mulimbi, ne faisait plus mystère sur les intentions réelles (?) de Kinshasa », souligne Jean Marie Kidinda.
D’après lui, Martin Kabwelulu a même joué au matamore, allant jusqu’à déclarer à la presse internationale que la RDC n’a pas besoin de ces firmes multinationales (FMN). Si elles ne se conforment pas à la nouvelle loi, elles peuvent s’en aller, aurait laissé entendre le ministre des Mines. Des propos « durs » et, somme toute, graves d’incidence, du reste, jugés « irresponsables » par les opérateurs miniers. En sollicitant et en obtenant un rendez-vous avec Joseph Kabila Kabange, croit savoir une source proche du dossier, les FMN savent pertinemment très bien que derrière la provoc de Kabwelulu et Yuma en Afrique du Sud, il y a l’ombre d’une puissance. En l’occurrence, la Chine qui est capable, en cas de levée du pied des FMN, d’acheter toute la production de cuivre et de cobalt de la RDC.
Les cartes du jeu en mains
Néanmoins, l’audience auprès du chef de l’État, après le vote de la nouvelle loi minière au Parlement, avait l’avantage de mettre la pression afin d’en extirper les aspects qui fâchent, à défaut d’obtenir son annulation. Dans certains milieux d’affaires de la capitale, au vu du communiqué sanctionnant l’audience de mercredi 7 mars, on pense que ni la RDC ni les FMN, aucun protagoniste n’a vraiment toutes les cartes du jeu en mains. C’est pourquoi, le but de cette réunion (de travail) était de « clarifier certains aspects » du code minier récemment adopté au Parlement qui devra être promulgué incessamment.
Les propos de Kabwelulu et Yuma au Cap en Afrique du Sud faisaient penser déjà à un effet d’annonce, croit-on savoir dans ces milieux de Kinshasa. Un discours éminemment politique qui a laissé entendre que des mesures vont être prises pour résoudre une certaine situation alors que celle-ci dépend de nombreux facteurs sur lesquels l’État congolais n’a pas toutes les possibilités d’action.
« Clarifier certains aspects du code » revient à dire que la marge de manœuvre de l’État et des opérateurs miniers est étroite. Et cette audience, si elle ne ressemblait pas fort à un effet d’annonce, elle en avait en effet tout l’air. D’après le politologue Kidinda, Kinshasa cherche à captiver l’opinion nationale en cette année électorale. Il souligne que « le régime en place cherche simplement à persuader la population, en laissant croire que le code minier de 2002 était déséquilibré, défavorable aux Congolais et donc antisocial. Par contre, le nouveau code est tout en faveur du bien-être de la population.
Les menaces à peine voilées
C’est pourquoi, les représentants du secteur minier, selon le même communiqué, ont soulevé « quelques inquiétudes susceptibles d’affecter leurs opérations sur le terrain ». En guise d’inquiétudes, on sait que les patrons des mines ont usé et continuent d’user de menaces de désinvestissement, si le nouveau code minier n’est pas retiré ou amendé dans sa substance. Selon des observateurs, les FMN ne partiront pas, en tout cas, pas de sitôt, tout simplement parce que d’importants investissements ont été réalisés dans ce secteur. Tout comme Kinshasa sait bien que le vrai pouvoir est économique. « Mieux vaut d’avoir les FMN avec soi que de se les mettre à dos. On ne sait jamais », fait remarquer un membre de la Majorité présidentielle. Quoi de plus normal, selon lui, que le président de la République rassure les opérateurs miniers qu’ils sont des « partenaires » de la RDC, et, à ce titre, leurs revendications seront prises en compte à travers un dialogue constructif avec le gouvernement après la promulgation de la nouvelle loi minière.
Comme la loi sur la sous-traitance
Selon une source proche du dossier, le président Kabila aurait dit aux opérateurs miniers que le nouveau code minier pouvait avoir des « faiblesses », certes. Mais c’est dans le cadre des mesures de son application que cela devra être corrigé. Pour Kinshasa, donc, les jérémiades de la profession trouveront certainement écho avec ces mesures d’application à définir ensemble à cet effet. Mais certains opérateurs économiques pensent déjà que « c’est de la fumée aux yeux » parce qu’il n’y aura pas de « dialogue constructif » avec le gouvernement en vue de trouver …
…un « terrain d’entente » sur les problèmes spécifiques soulevés à la suite de l’abrogation de l’ancienne loi. C’est depuis une année ou presque, rappellent-ils, que les mesures d’application de la loi sur la sous-traitance, une loi tout aussi majeure que le code minier pour le secteur, ne sont pas encore « négociées » avec la Fédération des entreprises du Congo (FEC), alors que cette loi devra entrer en application à partir du 17 mars.
En attendant, la FEC, dont Albert Yuma est justement le président national, est vent debout. Elle réclame des mesures d’application concertées (Gouvernement, présidence de la République et patronat) sur la loi relative aux activités de sous-traitance en RDC. Le principal patronat qui n’a pas été associé à son élaboration, veut cette fois-ci participer à l’élaboration des actions de sa mise en œuvre. Sauf mesure contraire, en tout cas, les sociétés étrangères titulaires des contrats de sous-traitance en RDC ont jusqu’au 17 mars pour se constituer en sociétés de droit congolais pour pouvoir œuvrer conformément à la loi du 8 février 2017.
Pour la FEC, cette loi comporte plusieurs contradictions qui la rendent complexe. Et de ce fait, elle exige que des « mesures correctives » soient rapidement prises avant l’entrée en application de cette loi. Pour rappel, la matière de sous-traitance était réglementée par un simple arrêté ministériel de 2013, portant uniquement sur le secteur minier. En promulguant cette loi, le président de la République a répondu à une attente de la FEC qui s’inquiétait de « l’afflux » de sous-traitants étrangers qui ne laissaient pas d’espace aux entrepreneurs et aux PME congolaises.
Selon Me Declerc Mavinga, vice-président de la commission juridique de la FEC, ceci évitera « l’insécurité juridique ». Le ministre des PME, Bienvenu Liyota Ndjoli, réaffirme la détermination du gouvernement d’œuvrer pour rendre les PME plus compétitives grâce à une expertise locale outillée et compétente. Le ministère des PME a décidé d’implanter, par l’entremise de l’Office de promotion des PME congolaises (OPEC), avec le concours de quelques partenaires extérieurs, des incubateurs d’entreprises pour permettre aux promoteurs des PME d’accéder aux équipements collectifs de qualité et d’acquérir le savoir-faire et l’expertise qui leur font grandement défaut.