VENDREDI 1er mai, les acteurs du marché digéraient les publications trimestrielles de plusieurs grands noms de la cote dont Amazon (-7,60 %), qui a prévenu qu’il dépenserait les 4 milliards de dollars de bénéfice opérationnel prévus ce trimestre pour investir dans la gestion de la crise, et Apple (-1,61 %) qui n’a pas voulu donner de prévisions pour le trimestre en cours. Donald Trump, le président américain, a par ailleurs rallumé la flamme de la guerre commerciale avec la Chine en disant envisager des taxes punitives contre Pékin après avoir vu des éléments lui faisant penser que le nouveau coronavirus proviendrait d’un laboratoire chinois à Wuhan.
« Il semble incroyable qu’il choisisse de repartir maintenant au front vu l’état de l’économie mais Donald Trump semble vouloir mettre les attaques contre la Chine au centre de sa nouvelle campagne électorale », remarque Karl Haeling de LBBW. « Le repli du marché n’est pas tant lié aux déceptions (générées par les diverses annonces des entreprises) qu’au constat que leurs actions, ainsi que beaucoup d’autres, ont grimpé trop vite trop fort », estime pour sa part Patrick O’Hare de Briefing.
Elles sont dans le rouge
Le S&P 500 s’est apprécié de 35 % entre son plus bas le 23 mars et son plus haut la semaine dernière, alors même que les indicateurs reflètent les uns après les autres la sévérité du choc économique provoqué par la pandémie de Covid-19 et les restrictions imposées pour enrayer sa propagation, souligne le spécialiste. Avec la levée progressive des mesures de confinement, « on va maintenant entrer dans le vif de la reprise, et les espoirs de redémarrage vont se confronter avec la dure réalité du terrain », remarque-t-il. « Les investisseurs vont réajuster leurs prises de risques en fonction et on va probablement voir plus de résistance. » Parmi les autres résultats du jour, le géant pétrolier ExxonMobil (-7,17 %) est passé dans le rouge au premier trimestre, en raison d’une lourde charge de 2,9 milliards de dollars liée à des dépréciations d’actifs du fait de la chute des cours du pétrole. Son concurrent Chevron (-2,78 %) a dégagé un gros bénéfice net de 3,6 milliards de dollars, grâce notamment à un gain de cession de 240 millions, un crédit d’impôt de 440 millions et des effets de change favorables estimés à 514 millions, mais son chiffre d’affaires a baissé de 10,5 %.
Clorox (+3,36 %), qui fabrique des produits d’hygiène pour la maison comme des désinfectants, a vu ses ventes bondir et a relevé ses prévisions annuelles.
Le constructeur aéronautique Boeing a reculé de 5,42 % après avoir annoncé le lancement d’un emprunt obligataire de 25 milliards de dollars et indiqué qu’il renonçait pour l’heure à l’aide fédérale. De son côté, Tesla a chuté de 10,30 % après une série de tweets déconcertants de son patron Elon Musk, dont un jugeant le cours de l’action « trop élevé ».
Les indices se déconfinent plus vite que les entreprises. Les marchés sont entrés dans une nouvelle ère, celle des paradoxes. La semaine dernière haute en couleur a confirmé les nouvelles règles qui domptent les choix des investisseurs. Les marchés semblent bien avoir abandonné toute forme de rationalité. Le choc pétrolier, les indicateurs économiques mondiaux en berne, l’absence de visibilit des sociétés : rien ne semble pouvoir entacher le moral des investisseurs. Bad news is good news, telle est la devise de ce nouveau temps qui prohibe toute forme de pessimisme en invitant chaque opérateur à tourner la page du Covid-19 pour mieux se consacrer à la reprise économique qui se profile en fin d’année.
Plus concrètement, les indices américains ont retracté de 60 % de leur baisse du mois de mars, bien en avance sur les 50 % de retracement du Stoxx Europe 600. Les marchés prédisent ainsi leurs pertes de 2020 et veulent croire que le Covid-19 ne sera qu’une (modeste) parenthèse de l’histoire.
Réagissant au fort rebond du pétrole, aux anticipations de redémarrage de l’activité économique, la poursuite des politiques monétaires ultra-accommodantes, les places financières ont effectué une très bonne semaine, avec un enchaînement de plusieurs séances de forte hausse. Malgré une macroéconomie morose, les opérateurs ont retrouvé l’appétit pour les actifs risques.
Sur la semaine dernière, l’optimisme est resté de mise et les grands indices ont tous repris de la hauteur. En Asie, le Nikkei a engrangé 2.8 %, le Hang Seng 3 %. En Europe, le CAC40 a réalisé un gain hebdomadaire de 4.2 %, tiré par les valeurs cycliques.
Le Dax s’est adjugé 5.4 % et le Footsie 3 %. Les pays périphériques de la zone euro n’ont pas été en reste, l’image des 4.9 % répartie par l’Espagne. Le Portugal s’est adjugé 4.2 % et l’Italie 5.3 %.
Marché actions
Nous reconnaissons qu’il est parfois agaçant de constater la place occupée par les stars américaines de l’Internet dans les commentaires boursiers.
Mais il faut bien reconnaître que quand l’économie et les marchés vacillent, elles sont devenues des branches auxquelles se raccrochent les investisseurs. La crise du Covid-19 ne fait que confirmer ce statut, alors que certaines de ces entreprises sont à peine sorties de l’adolescence : songez que Facebook a été fondé en 2004 et n’a été ouvert au public qu’en 2006.
Les résultats trimestriels de Microsoft, Amazon, Alphabet et Facebook ne sont évidemment pas immunisés contre le coronavirus, mais ils ont tous surpris par leur vigueur. Surtout, les investisseurs font presque un chiffre en blanc des entreprises pour leur capacité à s’adapter à n’importe quel environnement.
Marché obligataire. L’arrivée à grands pas du déconfinement semble avoir rassuré le marché obligataire en Europe, où les taux s’affichent en libre baisse. En France, l’OAT qui avait fini la semaine du 20 au 26 avril à 0.027 %, a oscillé autour de -0.060 %. En Allemagne, le Bund a, lui, perdu 4.7 points de base (-0.521%) par rapport à la clôture de vendredi précédent. Le BTP italien a également profité de ce mouvement pour abandonner 9.2 points de base à 0.798 %.