ROUND de la dernière heure: ministres américains et chinois ont repris jeudi 21 et vendredi 22 février à Washington des négociations commerciales à huis clos pour tenter de parvenir à un accord. Robert Lighthizer, le représentant américain au Commerce, Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor et Liu He, le vice-1ER Ministre chinois, se sont retrouvés autour d’une table dans l’Eisenhower Executive Office Building, immense bâtiment qui jouxte la Maison Blanche. Interrogés par des journalistes sur l’avancée des négociations, ils sont restés muets.
À Pékin, Gao Feng, un porte-parole du ministère du Commerce, a indiqué que « ces consultations intensives entre les deux équipes chargées de l’économie et du commerce ont pour objectif de travailler sans relâche pour parvenir à un accord conforme aux consensus des deux chefs d’État ». Ces négociations à haut niveau font suite à deux jours de travaux dans la capitale américaine entre les délégations des deux pays. Rien ou presque n’a transpiré de ces discussions.
Mardi, affirmant que les pourparlers « très complexes » se passaient « très bien », Donald Trump, le président américain, avait semblé donner du mou sur la date butoir du 1er mars, au-delà de laquelle la Maison Blanche veut faire grimper les droits de douanes de 10 % à 25 % sur 200 milliards d’importations chinoises. « La date n’est pas une date magique, parce que beaucoup de choses se passent », avait-il lancé. Dans deux tweets lancés au moment même de l’ouverture des négociations jeudi dernier, le milliardaire de président s’est élevé contre le blocage des technologies 5G « les plus avancées », semblant faire référence au numéro un mondial du secteur, le chinois Huawei, alors que celui-ci est soupçonné par les Occidentaux de devoir rendre des comptes aux services de renseignement chinois.
Changements structurels
« Je crois que les deux présidents », Donald Trump et Xi Jinping, « ont ordonné à leurs négociateurs de conclure un marché », estime David Dollar, expert de l’économie chinoise à la Brookings Institution, interrogé par l’AFP. « Je suis certain qu’ils vont finir avec quelque chose qui sera très cosmétique, mais qui reviendra à moins que ce que l’on demande », juge de son côté William Reinsch, du centre de réflexion CSIS à Washington.
Les Américains réclament la réduction du déficit commercial avec la Chine, mais aussi des changements « structurels » comme l’arrêt du transfert imposé de technologies, le respect des droits de propriété intellectuelle, la fin du piratage informatique et la levée de barrières non tarifaires. Pékin devrait offrir « d’acheter davantage de produits américains », comme du soja, « ce qui va certainement contenter le président Trump », explique David Dollar. Les Chinois « devraient accepter de coucher sur le papier les questions structurelles, mais ensuite il va être difficile aux États-Unis de demander davantage », notamment pour surveiller l’application de ces changements profonds, ajoute-t-il.
Cet économiste précise néanmoins qu’une nouvelle loi sur les investissements étrangers en Chine devrait être présentée à la prochaine session de l’Assemblée nationale populaire, qui s’ouvre le 5 mars. Au-delà de cela, « franchement, il va être difficile de penser à des mesures pour vérifier l’application », poursuit-il. Pour William Reinsch, Washington va vouloir se garder « la possibilité unilatérale de rétablir des surtaxes et je ne crois pas que les Chinois puissent faire tout ce qu’on leur demande ». David Dollar aussi pense que les États-Unis veulent garder sous la main « la menace des droits de douane », mais cela risque de prolonger « l’incertitude pour les milieux d’affaires ». Si accord il y a, l’administration américaine a fait miroiter une rencontre dans les prochaines semaines entre les présidents Xi et Trump. À Pékin ou Washington? « Les deux camps ont leur fierté. Si le président Trump invite le président Xi dans sa propriété de Mar-a-Lago, en Floride, avec tous les honneurs qui s’y attachent, je crois que le président chinois serait d’accord », considère l’expert de la Brookings.
D’importants progrès
Les États-Unis et la Chine ont fait état d’importants progrès. Steven Mnuchin et Robert Lighthizer se sont entretenus avec Xi Jinping, le président chinois. Ce dernier a alors annoncé que les négociations se poursuivraient et Donald Trump, son homologue américain, a déclaré que les États-Unis étaient plus proches que jamais d’obtenir un « véritable accord » commercial avec la Chine. Lors d’un discours prononcé en Floride, Donald Trump a de nouveau souligné que Washington et Pékin « font beaucoup de progrès ». « Personne n’imaginait que cela se produirait », a-t-il dit. Si aucun accord n’est conclu d’ici au 1er mars sur plusieurs de ses exigences. Donald Trump a cependant indiqué qu’il pourrait repousser cette date butoir. Entretemps, Bunge, le géant américain du négoce des céréales et matières premières agricoles, a aggravé ses pertes au quatrième trimestre 2018, conséquence indirecte de la guerre commerciale sur le soja entre les États-Unis et la Chine. Le groupe a enregistré une perte nette de 65 millions de dollars, contre 60 millions de dollars pour la période équivalente en 2017. Les ennuis de Bunge viennent notamment de la dévaluation de la valeur des stocks de soja du groupe au Brésil, liée à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, a indiqué le groupe. Pour 2019, le groupe s’attend à une baisse du résultat du secteur agribusiness en raison de la baisse des marges dans le soja due à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Dans le sucre, le groupe s’attend à pratiquement équilibrer ses résultats, et prévoit un recul de son résultat dans les engrais.