Western Union et MoneyGram accusées de « pratiques trompeuses »

Envoyer de l’argent à ses proches restés en Afrique ou ailleurs dans le monde, c’est une nécessité pour des milliers de migrants en France. Et c’est un juteux business estimé à 680 millions d’euros par an pour une poignée de sociétés. Mais voilà que ces deux leaders sont sur la sellette.

L’association française de consommateurs UFC-Que Choisir dénonce les pratiques tarifaires « opaques » des multinationales, spécialisées dans le transfert d’argent à l’étranger. Les deux leaders en particulier : Western Union ou MoneyGram. L’association de consommateurs a déposé, mardi 27 novembre, plainte contre les deux géants américains des transferts internationaux pour « pratiques commerciales trompeuses » auprès du procureur de la République. Elle leur reproche, entre autres, une forme d’illisibilité de leurs tarifs.

Les consommateurs payent deux types de frais lorsqu’ils envoient de l’argent dans une autre devise : les frais forfaitaires liés au transfert et une commission prise sur le taux de change pour convertir la somme dans l’autre monnaie. Sur les premiers types de frais, aucun souci de transparence, ils sont clairement affichés. En revanche, et c’est ce point qui agace l’UFC, la marge prise par ces sociétés sur le taux de change est jugée « opaque ». Difficile, du coup, pour le consommateur, de savoir ce que coûte réellement son transfert d’argent. 

Le coût caché du change

Un exemple ? Selon l’UFC-Que Choisir, pour un transfert de 200 euros en Algérie, Western Union affiche une facture de 9,90 euros de frais de transfert. Mais le client ne sait pas qu’il faut aussi payer pour changer l’argent en dinar algérien. Ce qui coûte 9,85 euros. Résultat : « Il paie ainsi 209,90 euros pour que le bénéficiaire reçoive l’équivalent de 190,15 euros en dinar algérien, dénonce l’association qui pointe de « graves dysfonctionnement qui portent préjudice aux consommateurs ». Et elle chiffre le total de ce coût caché sur le marché. « Les frais de change cachés représentent donc, d’après notre estimation, environ 110 millions d’euros », souligne-t-elle. Jackpot !

Plus généralement, ce sont toutes les juteuses commissions de ce marché (frais de transfert et de change) hors zone euro qui sont dans le collimateur de l’association de consommateur. Elles attendraient le faramineux montant de 680 millions d’euros, soit un coût total moyen de 6,7 % de frais pour les sommes envoyées sur un autre continent. « Ainsi, pour un transfert de 170 euros, le tarif payé par le consommateur atteint 11,40 euros », précise l’association.

Là encore, ce sont les leaders du secteur, Western Union et MoneyGram qui sont dans le viseur. « Ces dernières facturent des tarifs bien supérieurs au prix moyen pratiqué par leurs principaux concurrents (banques, sociétés de transferts d’argent en ligne, etc.) », souligne l’association. Pire, pour les destinations les plus prisées par les Français ou les migrants, ces sociétés spécialisées sont… encore plus chères. « Les tarifs pratiqués vers le Maroc (+ 17 %), vers l’Algérie (+ 11 %), vers le Vietnam (+ 25 %) et vers l’Inde (+ 22 %) sont bien supérieurs à la moyenne de nos voisins européens », assure l’UFC-Que Choisir.

Pourquoi l’Algérie est-elle si chère ?

Et une destination, a attiré l’œil des enquêteurs de l’UFC : l’Algérie. Ce serait le pays le plus lucratif pour ces sociétés, avec pratiquement 139 millions de revenus générés. « À titre d’exemple, le coût d’un transfert de fonds d’espèces à espèces vers l’Algérie atteint 9,4 % de la somme envoyée. À l’inverse, le coût des transferts réalisés à destination de Côte d’Ivoire (le quinzième pays en termes de volumes envoyés) atteint seulement 5,5 % », note l’association.

L’UFC s’attarde aussi sur les tarifs pratiqués par Western Union mais souscrits depuis un bureau de poste. « Il apparaît que ces derniers sont facturés, en moyenne, à un niveau plus de 50 % supérieur au prix moyen du marché », souligne l’UFC. Et de préciser : « Ainsi, un transfert vers la Chine est facturé 26,70 euros, un niveau 45 % supérieur à la moyenne du marché et même 125 % plus élevés que cette même prestation réalisée directement dans une agence de Western Union. »

L’association de défense des consommateurs attaque en justice pour « pratiques commerciales trompeuses », dénonçant l’opacité des frais de change. Elle reproche à la filiale de La Poste des « tarifs exorbitants ». « Une zone de non-droit aux tarifs d’une ‘cherté immorale’ ». Le volume des transferts d’argent en France seraient de 19 milliards d’euros, dont 9 milliards en zone euro (domaine où les frais sont plafonnés). « Pour cinq des huit principales destinations d’envoi (Maroc, Algérie, Vietnam, Sénégal, Inde), la France est même la plus chère en Europe. 

L’UFC reconnaît que les deux sociétés américaines sont « transparentes sur les frais à l’acte » en revanche, « ni Western Union, ni MoneyGram n’informent lisiblement leurs clients de la perception de frais sur le change. 

Ils représentent pourtant plus d’un quart du coût de l’ensemble des transactions (26 %) », avance l’étude. Des alternatives existent, notamment des startups de la Fintech comme WorldRemit ou TransferWise, mais elles restent méconnues de la clientèle traditionnelle des services de transfert d’argent.

Des tarifs outre-mer encadrés

L’association s’étonne des écarts tarifaires observés, qui peuvent aller du simple au quadruple selon les prestataires. « Toutes destinations confondues et pour une somme envoyée de 170 euros, un transfert d’argent par le canal bancaire coûte 6,9 % du montant transféré. Ce tarif atteint 7,3 % auprès d’une société de transferts d’argent classique, contre 2,6 % pour l’équivalent en ligne. Cette prestation facturée dans le réseau de La Banque postale est facturée 12,4 % du montant envoyé. Enfin, le tarif de La Poste est de 5 % », relève l’étude.

L’UFC dénonce un « double jeu de La Banque Postale » qui a son propre service de transfert à un tarif parmi les plus bas mais qui prend une importante marge sur celui de Western Union réalisé en bureau de poste, alors que les populations concernées ont généralement des revenus modestes et que la banque remplit une mission de service public d’inclusion bancaire pour laquelle elle perçoit une aide de l’État.