ACCUEILLI lundi soir 23 juillet en Afrique du Sud, le président chinois, Xi Jinping, vient consolider par une nouvelle visite transafricaine le rôle de premier plan que la Chine compte jouer à l’avenir sur le continent dans tous les domaines : économique, politique mais aussi stratégique. La tournée l’a d’abord mené au Sénégal et au Rwanda, deux pays jusqu’alors peu visités par des hauts dirigeants chinois. M. Xi [a participé] du 25 au 27 juillet au sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) à Johannesburg, puis fera escale sur l’île Maurice.
La visite de M. Xi a donné lieu au Sénégal comme au Rwanda à la célébration des projets de coopération avec la Chine terminés ou à venir – une arène de lutte sénégalaise à Dakar, dont M. Xi a donné la clé à son homologue sénégalais Macky Sall, ou encore un Musée des civilisations noires et la livraison prochaine de 113 km d’autoroute de Dakar à la ville sainte de Touba. Et au Rwanda, des projets de rénovation d’hôpitaux et une autoroute entre Kigali et son nouvel aéroport international.
L’intérêt de la Chine pour ces pays, explique l’experte chinoise de l’Afrique He Wenping, de l’Académie chinoise des sciences sociales, tient au fait que leurs économies se diversifient, sans trop dépendre des ressources naturelles. Du fait du ralentissement de son économie, la Chine, elle, est moins gourmande en matières premières.
« Le temps du rattrapage »
Le Sénégal est vu par Pékin comme un pays clé en Afrique de l’Ouest pour sa « route de la soie » maritime, le grand projet d’expansion chinois à travers le monde. « Comparée aux pays d’Afrique orientale et méridionale, l’Afrique occidentale a noué moins de coopérations avec la Chine, c’est donc en quelque sorte le temps du rattrapage », explique Mme He. La visite de M. Xi à Kigali s’explique également par l’importance pour la Chine de l’Union africaine, dont Paul Kagame, le chef d’État rwandais, occupe la présidence. « Rendre visite au Rwanda, c’est comme s’adresser à toute l’Afrique », résume He Wenping.
Xi Jinping effectue sa quatrième tournée africaine en cinq ans, depuis une première visite en mars 2013 en Afrique du Sud, en Tanzanie et en République du Congo, alors fêtée comme ouvrant « une nouvelle ère des relations sino-africaines ». La Chine a en effet largement transformé son empreinte sur le continent, multipliant ses échanges commerciaux, investissant dans des milliers de kilomètres de routes et de chemins de fer, et inaugurant à Djibouti en 2017 sa première base militaire à l’étranger.
Les investissements et prêts chinois ont arrosé l’Afrique. L’équipe de recherche SAIS CARI sur la Chine et l’Afrique de l’Université Johns Hopkins aux États-Unis estime à 132 milliards de dollars (112,8 milliards d’euros) le volume cumulé de prêts chinois accordés à des emprunteurs africains du secteur public de 2000 à 2016. Si le Kenya et Djibouti ont vu leur dette envers le Chine s’envoler, la part d’endettement des pays africains envers Pékin reste très difficile à établir avec précision, expliquent les experts. Elle ne peut, calculent-ils, dépasser les 22 %. Un chiffre déjà considérable.
La Chine déroule un discours très calibré et positiviste sur sa politique en Afrique, épinglant systématiquement la supposée « jalousie » des pays occidentaux face à ses succès : « Malgré la [mauvaise] publicité de l’Occident décrivant la Chine comme néocoloniale en Afrique, les nations africaines restent imperturbables, elles sont conscientes de la sincérité chinoise et d’une coopération gagnant-gagnant, d’égal à égal », prétend un éditorial du quotidien Global Times du 19 juillet vantant la « philosophie diplomatique » démontrée par la visite de Xi Jinping.
Protéger les investi——-ssements
L’année 2018 a donné lieu à une frénésie de rencontres de part et d’autre avec, en ligne de mire, l’organisation à Pékin en septembre du troisième sommet des chefs d’État du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), créé en 2000. L’édition 2018, qui devrait regrouper la quasi-totalité des dirigeants du continent (à l’exception du Swaziland, toujours allié à Taïwan), est décrite à Pékin comme une étape éminemment symbolique. Elle doit « élever à un niveau nouveau le partenariat global sino-africain de coopération et de stratégie », déclarait en mars le ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi.
Parmi les rencontres grand format entre Chine et pays africains organisées cette année figurait début juillet à Pékin le premier Forum sino-africain de sécurité et de défense avec des responsables militaires venus de cinquante pays du continent.
Et, en juin, le Parti communiste chinois animait à Dar es-Salaam, en Tanzanie, un forum de dialogue avec les forces politiques des pays en développement. « En Afrique, on a assisté à une montée de l’influence chinoise d’abord économique, puis diplomatique, politique et enfin militaire. Le but pour Pékin est de s’assurer que les investissements chinois sont protégés » estime un observateur occidental des questions de défense en Chine.