ÇA Y EST. Et cette fois semble être vraiment la bonne. Les échanges commerciaux à l’échelle continentale vont être effectifs dès le 1er janvier 2021. Dans cette perspective, les chefs d’État et de gouvernement des 54 pays membres de l’Union africaine se sont réunis en sommet extraordinaire par visioconférence le samedi 5 décembre. Le 13è sommet extraordinaire de l’Union africaine (UA) présidé à partir de Johannesburg par Cyril Ramafosa, le président de l’Afrique du Sud et président en exercice de l’Union africaine (UA), est apparemment la dernière ligne droite avant l’entrée en vigueur officielle de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF).
Au cours de cette session extraordinaire dédiée, les chefs d’État et de gouvernement africains ont approuvé le rapport de lancement officiel des échanges commerciaux continentaux dès le 1er janvier prochain. Ils ont également adopté le rapport du « leader désigné pour la promotion de la ZLECAF », Mahamadou Issoufou, le président du Niger. Ils ont aussi adopté la politique et la base juridique de la mise en œuvre opérationnelle de la ZLECAF dès le 1er juin 2021, conformément aux listes des concessions tarifaires aux règles d’origine et au programme intégré convenus sur le commerce des services.
Fatshi à l’épreuve
À ce jour, 54 pays sur les 55 États qui forment l’UA ont signé l’accord instituant la ZLECAF. Seulement 34 pays l’ont ratifié. Le 13è sommet extraordinaire de l’UA consacré à la ZLECAF préfigure en quelque sorte le premier et grand chantier de la présidence africaine de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la RDC, un mois après l’entrée en vigueur de la ZLECAF. La RDC qui a adhéré à la ZLECAF en signant l’accord de sa création, œuvre depuis à sa concrétisation pour la promotion du « Made in Africa ».
L’engagement africain de la RDC dans le cadre de la vision du président Félix Antoine Tshisekedi est clair : l’émergence d’une nouvelle Afrique, une Afrique forte, une Afrique intégrée et prospère qui prend en charge la défense de ses intérêts… À charge donc du président congolais de matérialiser la feuille de route de la mise en route de la ZLECAF. Qui, loin d’être une fin en soi, est un vaste programme de développement économique. La ZLECAF, expliquent des observateurs, est « l’expression d’un nouveau modèle de co-développement en Afrique, d’un modèle inclusif, solidaire et efficient, au service du citoyen africain ».
Dès lors, comment la RDC qui est à la croisée des chemins par rapport à tous les échanges que va générer la ZLECAF, va-t-elle tirer profit de l’initiative, en termes de développement, d’infrastructures et d’industrialisation pour ne pas être qu’un marché de consommation ? C’est donc sur les épaules de Félix Antoine Tshisekedi que repose le destin de la ZLECAF, pourvu qu’il la mette sur des bons rails, estiment les mêmes observateurs. Qui soulignent par ailleurs que la ZLECAF ne peut réussir sans s’appuyer, avec assurance, sur le socle des communautés économiques régionales, auxquelles elle apportera de nouveaux débouchés et de nouvelles dynamiques d’interaction.
Prévu initialement en juillet dernier, le lancement officiel de la Zone de libre-échange continentale africaine a été retardé pour cause de pandémie de Covid-19. Tous les chefs d’État et de gouvernement africains sont à peu près d’accord que c’est une étape importante dans le processus d’intégration économique africaine. En effet, la ZLECAF représente, selon la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA-ONU), un marché potentiel de 1,2 milliard de consommateurs actuellement et de 2,5 milliards à l’horizon 2050.
Fondée sur le principe de la libre circulation des activités et des investissements, la ZLECAF créera un marché de 3 000 milliards de dollars, sans aucun droit de douane ni restriction à la frontière entre les États membres de l’UA. Le commerce intra-africain représente actuellement environ 16 % du commerce total de l’Afrique, soit 2 % du commerce mondial, alors que les flux commerciaux intra-européens, par exemple, sont à hauteur de 67 %. La ZLECAF vise donc à stimuler le commerce intra-africain en offrant un accord commercial global et mutuellement bénéfique entre les États membres, couvrant le commerce des biens et des services, les investissements, les droits de propriété intellectuelle et la politique en matière de concurrence.
Elle supprimera progressivement les droits de douane et fera baisser les barrières non tarifaires en Afrique. Elle aidera à améliorer les infrastructures actuellement dans un état piteux et les postes frontaliers inefficaces et facilitera aussi la circulation des marchandises, des personnes ainsi que des fonds au sein du continent. Bref, la ZLECAF permettra à l’Afrique d’accélérer son développement en multipliant des échanges intra-régionaux jusque-là jugés « très faibles ». Pour rappel, l’idée de la création de cette zone avait été déclinée dans le Traité d’Abuja en 1991, qui dispose que les États africains doivent renforcer leurs communautés économiques régionales (CER) en intégrant et en coordonnant leurs politiques commerciales.
Le poids de l’accord
Vu sous cet angle, la ZLECAF constitue un espace commercial des plus importants dans le monde. Dans le concret, les entreprises, les commerçants et les consommateurs africains ne paieront plus des droits de douane sur une grande variété de biens échangés entre pays africains. Les commerçants disposeront d’un mécanisme visant à éliminer les barrières et les procédures administratives longues et excessives. La coopération entre les douanes en matière de normes et de réglementations sur les produits, en matière de transit et la facilitation du commerce vont favoriser la circulation des marchandises entre les frontières africaines…
La reconnaissance mutuelle des normes, l’octroi de licences et la certification des fournisseurs de services permettront également aux entreprises et aux particuliers de satisfaire plus facilement aux exigences réglementaires des différents marchés. L’assouplissement du commerce entre les pays africains facilitera l’établissement de chaînes de valeur régionales dans lesquelles les intrants proviendront des différents pays africains en vue de la création de valeur ajoutée avant l’exportation hors du continent.
Pour se protéger contre les poussées commerciales imprévues, les États parties pourront user des recours commerciaux pour assurer la sauvegarde des industries nationales, si nécessaire. Un mécanisme de règlement des différends offre une solution fondée sur des règles pour le règlement de tout différend qui pourrait surgir dans l’application de l’accord global.
La réalisation de la ZLECAF dépend donc à la fois d’une posture politique assumée, qui est destinée à respecter l’agenda de l’intégration africaine tel qu’il est prévu par le Traité d’Abuja, et d’une posture économique et stratégique découlant de la conviction selon laquelle l’approfondissement du processus d’intégration économique serait l’un des meilleurs atouts pour réaliser les Objectifs de développement durable (ODD) sur le continent africain.
Si la ZLECAF est donc, incontestablement, un véritable atout pour le continent, sa mise en œuvre ne se fera pas sans difficultés. Félix Antoine Tshisekedi est prévenu. Les avantages attendus ne seront pas automatiques et inconditionnels, font remarquer des obervateurs. Il faudra œuvrer à lever et corriger les faiblesses et les déficiences qui ont jalonné le processus de négociations et mettre en place des mécanismes inclusifs pour faciliter la mise en œuvre. Toutes les communautés économiques régionales devraient faire face, à des degrés divers, à des défis liés à la conclusion et la mise en œuvre de la ZLECAF. Le premier d’entre eux est l’articulation entre les engagements continentaux et les arrangements régionaux déjà en cours d’application. Le deuxième défi est celui de la mise en cohérence des engagements juridiques pris dans la ZLECAF avec des accords bilatéraux ou multilatéraux déjà conclus.