Autosuffisance alimentaire : comment y parvenir ?

Le gouvernement a décidé de reprendre sa politique agricole en mode urgence. L’approche consiste à octroyer des crédits aux structures publiques de production agricole (DAIPN et Bukanga-Lonzo) et aux structures agro-pastorales privées développant des projets rentables.

Dans le cadre de l’application des 28 mesures économiques urgentes initiées par le président de la République, il est prévu l’octroi des crédits agricoles et la finalisation du projet de loi portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture.

Ce projet de loi permettra au gouvernement de procéder à la diversification de l’économie, notamment en renforçant le secteur de l’agriculture. Par ailleurs, un audit sérieux du parc agroindustriel de Bukanga-Lonzo et du domaine d’élevage de New DAIPN a été recommandé. Objectif : se rendre compte de la gestion et du fonctionnement de ces deux projets qui ont coûté plusieurs millions de dollars au Trésor public. Il est aussi question de la création d’une société mixte de pêche industrielle.

La politique gouvernementale en matière agricole, telle que définie en 2012, a deux volets principaux : le soutien aux petits exploitants et les partenariats public-privé. Pour atteindre l’objectif de l’autosuffisance alimentaire, le gouvernement s’est doté des stratégies d’intensification de la production vivrière par la mécanisation agricole, l’amélioration des infrastructures (notamment routières), la mise à disposition des intrants agricoles aux agriculteurs…

Bref, il s’agit de redynamiser l’agriculture à la base, par la mobilisation et l’encadrement des paysans (1 ha pour un ménage), de manière à intensifier la production du maïs, du riz, du manioc, des haricots, de la pomme de terre, de la patate douce, de l’arachide, de la banane…

En ce qui concerne la mécanisation agricole, le gouvernement a distribué un millier de tracteurs (ministres et parlementaires), de manière à exploiter 100 ha en moyenne par tracteur/campagne, et de relancer quelque 1 790 exploitations agroindustrielles existantes et/ou abandonnées. Mais ce programme s’est arrêté. Outre l’appui aux petits exploitants, la politique de relance de la production agricole vise, à travers la formule partenariat public-privé, la mécanisation des grands blocs de champs (cultures industrielles : café, huile de palme, hévéa, coton, sucre, thé, cacao…) avec l’implication des privés et l’appui budgétaire gouvernemental.

Bukanga Lonzo, espoirs déçus ?

Le parc agro-industriel de Bukanga Lonzo (75 000 ha dans la province de Kwango) est un exemple parfait de du partenariat public-privé. Financé par l’État, il est géré par une entreprise sud-africaine, Africom Commodities, qui s’est engagée à employer et à transmettre son savoir-faire aux Congolais. Le maïs produit à Bukanga Lonzo a été vendu un peu moins cher que la moyenne, (entre 12 000 et 15 000 francs). Doté de sa propre centrale électrique, le parc doit aussi accueillir des éleveurs (vaches, porcs et poulets), des usines de transformation des produits…

Cette stratégie de partenariat public-privé est en phase avec les recommandations des institutions financières internationales. Selon la Banque africaine de développement (BAD), par exemple, le développement marchand de l’agriculture en Afrique pourrait représenter un investissement très important, pourvu que les agriculteurs africains accèdent à des fonds supplémentaires, à l’électricité, à une meilleure technologie et avec le soutien des gouvernements. En décembre 2016, la Conférence économique africaine s’est tenue à Abuja (Nigeria) sur le thème : « Nourrir l’Afrique : vers une agro-industrialisation pour une croissance inclusive ». On y a parlé de l’élimination de la pauvreté, de la lutte contre la faim et de l’insécurité alimentaire… qui correspondent aux deux premiers Objectifs de développement durable (ODD) que les Nations unies ont adopté en septembre 2015.

La Commission économique pour l’Afrique (CEA) a lancé à cette occasion un appel à une nouvelle politique pour soutenir l’agro-industrialisation de l’Afrique. Les experts de cette institution sont d’avis que l’Afrique peut apporter beaucoup à l’industrialisation des produits de base et à l’agro-alliance avec de nouvelles approches politiques. Ce qui permettra de réduire la facture des importations, surtout de produits alimentaires. La CEA milite pour la planification, en faisant valoir que le rôle essentiel de l’État dans la transformation structurelle de l’Afrique. La CEA parle de la nécessité d’une nouvelle politique des approches pour booster la production agricole.

Conditions de réussite

Elle ne pourra pas être réalisée sans des institutions fortes et inclusives qui soient soutenues par des plans de développement et par des mécanismes de politique industrielle novateurs et souples. Pour cela, il faudrait prendre les mesures appropriées en mettant l’accent sur le développement des compétences, les capacités technologiques et l’accès aux capitaux et aux marchés, ainsi que sur  la coopération entre les acheteurs et les fournisseurs à chaque étape de la chaîne de valeur. Les gouvernements africains sont donc encouragés à soutenir l’agriculture afin de diversifier et transformer l’économie dans un contexte marqué par la crise des cours des matières premières, moteur des économies nationales. La CEA devrait suggérer de bonnes pratiques à même d’aider les pays africains à transformer leur production agricole pour une croissance plus durable.

L’agriculture contribue à plus de 28 % du PIB de l’Afrique et détient la clé pour une croissance accélérée, la diversification et la création d’emplois pour les économies africaines, selon la BAD. Accroître la production agricole par la mécanisation, la transformation, la commercialisation et la réhabilitation des pistes rurales d’intérêt économique. Tel est le défi que la principale institution financière africaine tient à relever. La BAD a fait le pari de sortir l’agriculture du continent des sentiers battus. Celle-ci se caractérise par des petites exploitations familiales, dont l’équipement et, par conséquent, la productivité, sont limités. Dans le secteur laitier, l’Afrique compte un tiers des vaches laitières du monde, mais elle ne contribue qu’à hauteur de moins de 5 % à la production mondiale.

Les investissements dans le secteur agricole s’orientent prioritairement vers les cultures d’exportation et les produits dits non traditionnels, tels que les fleurs, les fruits et les légumes, destinés aux marchés européens. Dans son programme pour la promotion de l’agro-industrie, la BAD met à la disposition des États des moyens suffisants et favorise l’intervention d’autres investisseurs. Elle assure ne vouloir imposer aucun modèle agricole. La modernisation doit venir des projets conçus par chacun des pays au regard des besoins des milieux paysans appelés à se constituer en associations.