Baisse des prix sans incidence sur le marché kinois

Le coût de ce produit a sensiblement chuté à l’usine. Mais, dans des points de vente à Kinshasa, rien n’a presque changé. Sceptiques, les revendeurs estiment que cette situation reste volatile.

Malgré la baisse, depuis octobre, du prix du sac de ciment gris de 50 kg au niveau de la Cimenterie de Lukala, les revendeurs ont quasiment maintenu les anciens prix. « Le sac de ciment gris se vend aujourd’hui à 10 175 francs et 203 493 francs, la tonne », indique un responsable du service commercial de l’usine à Kinshasa. En janvier, le sac coûtait environ 13 500 francs à l’usine de Lukala, dans la province du Bas-Congo, et les revendeurs avaient fixé les prix à 16 000 ou 17 000 francs, selon leur convenance.

Pour plusieurs revendeurs, cette baisse reste éphémère parce que la quantité de la production locale est toujours faible.

Dans les différents dépôts, certains commerçants n’affichent aucun prix. « Nous avons acheté le stock à un prix élevé. Si l’usine baisse le prix, nous aurons un manque à gagner par rapport à nos dépenses. C’est pourquoi nous maintenons le même prix pour ne pas vendre à perte », déclare un revendeur dans la commune de Bandalungwa. D’autres revendeurs pointent du doigt les distributeurs des stocks. « Lorsqu’ils nous amènent le stock, ils fixent un montant qui inclut toutes les dépenses en carburant ainsi que les différentes taxes qu’ils ont payées pour acheminer la marchandise à Kinshasa », ajoute le responsable d’un dépôt à Barumbu.

La nouvelle tarification du produit local au niveau de l’usine n’a presque pas influencé le prix dans certains milieux à Kinshasa. « C’est depuis la dernière saison sèche que nous achetons du ciment au prix de 13 500 francs. Malgré cette baisse à l’usine, nous nous procurons du ciment au même prix », constate un acheteur.

Une baisse éphémère 

Pour plusieurs revendeurs, cette baisse reste éphémère parce que la quantité de la production locale est toujours faible. « Si vous avez passé une commande et que ceux qui doivent vous livrer la marchandise vous la promettent dans un délai d’un mois et que vous attendez cinq à six mois avant que votre commande soit exécutée, comment faire ? Entre-temps, vous devez faire face à des charges fixes comme le loyer du dépôt, l’électricité et le personnel ainsi que des charges variables telles que notre alimentation, pour ne citer que celles-là.

Après toutes ces dépenses, que gagnons-nous en définitive ? », se plaint une revendeuse. Pour elle, cette baisse ne peut perdurer tant que la production ne sera pas stable. Elle affirme que le ciment peut connaître, au cours de la même année, une instabilité des prix qui crée souvent un manque à gagner chez les revendeurs.

L’importé est bon marché 

La production annuelle congolaise de ciment gris dépasse à peine les 500 000 tonnes, contre une demande estimée à 3,5 millions de tonnes, selon le ministère de l’Économie et du Commerce. L’inadéquation entre l’offre et la demande a toujours rendu difficile la maîtrise du prix du ciment sur le marché. Il y a six ans, la carence de cette matière due, notamment, à la forte demande locale, avait entraîné un affolement des prix.

Un sac se négociait entre 30 et 50 dollars, à Kinshasa. Pour combler le déficit, le gouvernement avait alors décidé d’ouvrir ce marché, longtemps fermé, à l’importation. Ce qui avait ramené le prix unitaire à 12 dollars, pendant quelques années. Mais la demande, de plus en plus croissante, doublée de la multiplicité de taxes à l’importation, avait aussi provoqué la flambée des prix de ce produit.

Depuis l’ouverture du marché à la concurrence extérieure, le ciment qui provient du Japon, de Chine ou de Turquie se comporte mieux sur le marché que celui produit à Lukala, d’après Modeste Ipaka, ingénieur en bâtiment, et se vend à vil prix. Ce mystère est dû, selon lui, à quelques allègements du gouvernement au niveau de la douane. Ce qui permet de fixer un prix beaucoup plus bas par rapport au ciment local.

Mais, depuis quelques jours, il n’y a plus de différence de prix entre le ciment importé et le ciment local. Dans certains dépôts, rapporte Modeste Ipaka, les prix sont presque uniformes aujourd’hui. Le gouvernement a-t-il supprimé les allègements à la douane ? Difficile d’y répondre.

Mais toujours est-il que le gouvernement avait assuré, en 2011, que la défiscalisation des importations du ciment vers la République démocratique du Congo demeurera jusqu’au moment où le pays retrouvera une capacité de production intérieure susceptible de répondre à la demande. « Cette défiscalisation des importations du ciment concerne aussi bien les différents droits d’entrée que les redevances », avait-il été dit.

Trois ans après, la production nationale n’a pas connu d’augmentation. Les projections de la Banque mondiale tablent sur une demande annuelle de 5 millions, à l’horizon 2017, alors que le pays ne produit actuellement que 500 000 tonnes. La RDC comptait cinq cimenteries : la Cimenterie de Lukala (CILU), la Cimenterie nationale de Kimpese (CINAT), la Cimenterie du Katanga (CIMENTKAT) à Lubudi, la Cimenterie de Kalemie et celle de Katana, au Sud-Kivu.

Seules deux continuent de fonctionner : la Cimenterie de Lukala avec une production annuelle d’environ 400 000 tonnes (soit 80 % de la production nationale) et la Cimenterie du Katanga, qui produit 50 000 tonnes. Ce qui crée un déficit d’environ 3 millions de tonnes par rapport aux besoins actuels. Faute d’avoir réalisé une production équivalente à la demande et avec le boom immobilier qui s’observe à travers le pays, le secteur du ciment pourrait encore connaître moult soubresauts.