Ces artisans du renouveau de la ville ravagée par le volcan en 2002

Si pour beaucoup le développement durable n’est encore qu’un concept, dans la ville de Goma, il prend corps. Sous le soleil de plomb et malgré la rareté de l’eau et de l’électricité, on ne baisse pas les bras. Des hommes travaillent, jour et nuit, pour faire de « leur » ville « la Suisse » de la RDC.

Goma est une ville à l’Est de la République démocratique du Congo. Située à environ 1 500 m d’altitude dans la vallée du Rift, elle est le chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Elle est bâtie en bordure et au Nord du lac Kivu sur les anciennes coulées de lave issues de la chaîne volcanique de Virunga, et principalement sur celles du volcan Nyiragongo qui la domine de près de 2 000 m à 20 km plus au Nord. En janvier 2002, lors de la dernière éruption du volcan Nyiragongo, la lave a dévalé sur une grande partie de la ville et ravagé tout le quartier commerçant de la ville. La lave a reculé le lac Kivu de quelques mètres. C’est donc sur le roc de la lave que Goma se reconstruit depuis une quinzaine d’années.

Aujourd’hui, la ville compte autour de 500 000 habitants. Frontalière à la ville rwandaise de Rubavu (anciennement Gisenyi), le chef-lieu de la province du Nord-Kivu, à l’instar de l’autre ville, Beni, est un carrefour important pour commercer avec la partie est-africaine. Avec son aéroport international, estampillé code IATA (GOM) et code OACI (FZNA) et son port lacustre, Goma a la vocation d’un hub de développement. L’aéroport a été fortement endommagé par l’éruption volcanique de janvier 2002. Le tiers de la piste au pied du volcan Nyiragongo a été recouvert de lave, la raccourcissant ainsi de 3 000 à 2 000 m. À l’époque, le coût de la réhabilitation était estimé à quelque 30 millions de dollars. Actuellement en réhabilitation, grâce à un financement de la Banque mondiale dans le cadre du Programme de transport multimodal (PTM), il est appelé à devenir une plaque tournante pour l’économie dans cette partie du pays.

À quelque chose, parfois malheur est bon

Jour après jour, les enseignes commerciales éclosent. Les hubs sont à pied d’œuvre. Pétroliers, promoteurs immobiliers, hôteliers, industriels, commerçants, fermiers, agro-industriels… Bref, tous dans la ville sont en train de travailler, mieux en train de transformer « ce bout de terre » en un « petit paradis ». C’est un bond de plusieurs siècles en une quinzaine d’années, selon ce professeur visiteur à Goma. 

L’un des hommes qui ont pris le leadership de porter vers le haut la ville de Goma, c’est Vanny Bishweka. Parti de rien, il est devenu l’un des hommes d’affaires ayant pignon sur rue à Goma. Il explique à Business et Finances que tout a commencé comme une « blague ». Et sans le « soutien inconditionnel » et les encouragements du gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku, dit-il, toutes les réalisations qui font la fierté de la ville ne seraient pas rendues possibles. Aujourd’hui, les Gomatraciens parlent avec fierté de la Société congolaise de distribution d’eau et d’électricité (SOCODE) ainsi que de l’Association des pétroliers du Nord-Kivu (APENOKI). 

Les patrons réunis au sein de ces deux hubs sont déterminés à accompagner l’exécutif provincial dans ses efforts de développement durable de la province. Ils ont en tête des grands progrès sociaux dans les secteurs des infrastructures, de l’électricité et de l’eau… Le développement durable étant un vaste chantier, il a fallu commencer quelque part. 

D’un projet à l’autre

Les routes à Goma étaient un vrai casse-tête. Il a fallu donc faire quelque chose pour leur réhabilitation. C’est ainsi que les pétroliers réunis au sein de leur association, APENOKI (Association des pétroliers du Nord-Kivu), ont alors pris le leadership de l’initiative. « Ensemble, nous avons réfléchi pour définir une stratégie. Nous avons alors décidé de cotiser 20 FC par litre de carburant vendu dans la ville de Goma. La proposition a été soumise au gouverneur qui a tout de suite marqué son accord, confie Vanny Bishweka. C’est ici l’occasion de saluer ses efforts car il nous a beaucoup aidés dans la réalisation des travaux mais aussi ceux de la population qui a compris le bien-fondé de notre démarche et qui s’est approprié l’initiative. » 

Même l’épouse du président de la République, Marie Olive Lembe, a été marquée par cette initiative de développement endogène, et, « en tant qu’enfant de la province du Nord-Kivu », elle a apporté sa pierre à l’édifice à travers un don de 535 000 dollars, pour la réhabilitation de la route qui va du rond-point Signers à Majengo. Il n’y a pas que cette artère qui a été réhabilitée. D’autres le sont aussi. C’est le cas des tronçons qui vont de la Place Tshukudu au Cercle sportif, du terminus de la route Goma-Sake vers l’ULPGL, de la Commune de Goma vers la Maison Blanche. Mais aussi des avenues Bukavu dans le quartier Mapendo, Vanny Bishweka à Birere, Vanny Bishekwa dans le quartier Les Volcans… Toutes ces artères ont été « retapées de fond en comble ». Les routes et les avenues redeviennent propres et bien arrosées.

L’engouement et l’enthousiasme de la population pour cette initiative ont donné des ailes aux hommes d’affaires de Goma. Une ville particulièrement mal lotie en matière d’électricité, notamment dans ses quartiers les plus défavorisés. C’est le cas quartier populaire et chaud de Birere, méprisé et considéré comme le bastion des bandits, des fumeurs de chanvre… « Voilà pourquoi nous avons retenu Birere dans notre stratégie », fait remarquer Vanny Bishweka.

La mise en service de la mini-centrale hydroélectrique de la bourgade historique de Matebe (13,2 MW) a donné des idées aux hommes d’affaires de Goma pour résoudre, tant soit peu, le problème d’électricité dans la ville. Érigé dans le territoire de Rutshuru, à la lisière du  parc national des Virunga, dans le cadre de la conciliation de la conservation de la nature avec le développement durable, cet ouvrage est l’œuvre de la Fondation Howard Buffet dont le coût de réalisation est évalué à 22 millions de dollars. Elle compte également financer la construction d’une autre centrale des 450 KW à Mutwanga, au pied du Mont Ruwenzori à Beni. 

Le courant de Matebe est permanant et stable. Ce n’est pas comme celui que fournit la Société nationale d’électricité (SNEL). Les habitants en sont heureux. « Avec des collègues hommes d’affaires, nous avons mené la réflexion et avons décidé de créer une société, la SOCODE, pour distribuer le courant du barrage de Matebe à la population de Goma », déclare Vanny Bishweka. Qui souligne que le gouvernement leur a accordé toutes les facilités pour la création de cette société sans tracasseries ni entraves administratives. Les actionnaires de la SOCODE sont Mwanza Singoma, le président de la FEC/Nord-Kivu ; Berky Chirimwami, le vice-président de la FEC/Nord-Kivu ; Modeste (Modé) Makabuza ; Vanny Bishweka et Robert Levy, tous membres de la FEC/Nord-Kivu.

Le courant est déjà disponible dans ville de Goma, notamment dans le quartier Birere. La cimenterie Nyiragongo Cement en est le premier bénéficiaire. « Nous sommes en train d’amener la ligne vers la Grande Barrière. Ce courant est vraiment permanent, 24/24 heures. Cependant, avec 5 à 8 MW, nous ne pouvons pas satisfaire toute la ville. Nous avons néanmoins un plan de distribution, en commençant notamment par le quartier les Volcans », indique Bishweka. Pas d’électricité sans l’eau. 

Ces hommes d’affaires, unis pour la cause du développement de leur ville d’attache, pensent déjà à approvisionner la population en eau potable. Toujours dans le cadre de la libéralisation des secteurs de l’électricité et de l’eau. « Nos initiatives sont remarquables. Par exemple, l’ancien gouverneur du Sud-Kivu, Marcellin Chisambo, à la tête d’une délégation, sont venus à Goma pour s’imprégner de notre expérience et nous nous sommes rendus à Bukavu pour la partager avec eux. Il avait commencé le projet des routes, sans doute par manque de suivi, il s’est arrêté. Mais son successeur, Claude Nyamugabo, a entrepris de le poursuivre », fait remarquer Vanny Bishweka. 

Qui témoigne s’être lancé dans les affaires à cause de « la souffrance » dans son enfance. « J’ai peiné pour réaliser ce que les gens voient aujourd’hui. Comme le montre bien le Tshukudu, cette personne qui transporte le globe, donc le monde, l’homme doit toujours travailler et réfléchir…

Paru dans l’édition BEF n°158