Confrontée à la compétitivité, la SNEL cherche désespérément partenaires

Opération de charme à la 88è édition de Rencontres Top Management, fin octobre, à Istanbul. Le président du conseil d’administration y a lancé un appel d’offre de partenariat. Difficile de dire si le message a été reçu 5 sur 5.

André Alain Atundu avait une seule préoccupation : vendre l’image de la Société nationale d’électricité (SNEL) pour attirer des investisseurs. En République démocratique du Congo, confiait-il, aux participants à la 88è édition de rencontres Top Management dont les assises ont été organisées, du 2& au 29 octobre, à Istambul en Turquie, cette entreprise publique a l’avantage d’une parfaite connaissance du terrain et des contraintes d’exploitation, et dispose de toutes les infrastructures en état de fonctionnement. C’est par cet argumentaire qu’il a, au cours de ce forum, convié les investisseurs potentiels, intéressés par les perspectives d’affaires dans le secteur de l’électricité en RDC à conclure un partenariat avec la SNEL SA.

Avec la promulgation de la loi n°14/011 du 17 juin 2014, le marché de l’électricité est ouvert à tout opérateur intéressé en vue de faire de la RDC une puissance énergétique. Il reste à mettre sur pied l’Autorité de régulation pour garantir le respect des règles de la concurrence loyale. Selon le président du conseil d’administration de la SNEL, avec le monopole, les consommateurs en position de faiblesse étaient donc à la merci de la SNEL. Avec la transformation de l’entreprise publique en société commerciale et la libéralisation du secteur de l’électricité, la SNEL SA est désormais face à de nouveaux défis. Notamment les exigences de la compétitivité si elle ne veut pas céder la place aux nouveaux exploitants et/ou disparaître.

D’aucuns pensent que la SNEL, tout comme d’ailleurs la REGIDESO, devrait déjà disparaître pour laisser la place à un nouveau opérateur public. En effet, malgré la transformation en société commerciale depuis 2009, les méthodes de gestion et de travail n’ont pas changé à la SNEL. Dans ces conditions, aucun investisseur sérieux ne voudra conclure un partenariat avec la SNEL. Tant bien que mal, les nouveaux dirigeants de la société tentent de renforcer et de mettre à jour les capacités humaines et techniques pour être présents au rendez-vous de la compétitivité. Dans les années 1970, le gouvernement a décidé de regrouper toutes les sociétés de production, transport, distribution et commercialisation de l’électricité en une entreprise publique avec une seule direction de gestion.

Le projet Grand Inga

André Alain Atundu a expliqué que « cette décision était fondamentalement motivée par le souci des autorités nationales d’avoir la mainmise sur un secteur à la fois sensible et vital de la vie nationale pour assurer adéquatement, avec efficacité, le rôle de l’État, puissance publique ». La SNEL a connu une grande expansion notamment par et grâce à la réalisation du barrage lnga qui a eu un effet bénéfique d’entraînement sur l’économie nationale dans les années 1970-1980.

Le gouvernement multiplie les appels du pied aux grands groupes internationaux pour investir dans le projet Inga III. Le Grand Inga fait partie d’une vision globale de la communauté économique internationale pour développer un réseau électrique à travers l’Afrique pour stimuler le développement économique industriel du continent. Coût : 80 milliards de dollars. Il pourrait produire jusqu’à 40 000 MW d’électricité, plus de deux fois la production d’énergie du barrage des Trois Gorges en Chine, et plus d’un tiers de l’électricité totale actuellement produite en Afrique.

Le Grand Inga sera construit en sept phases, dont le barrage Inga 3 BC est la première phase. Le projet est déjà présenté comme un moyen « d’éclairer l’Afrique » par les entreprises qui prévoient d’en bénéficier et les gouvernements qui espèrent en recevoir l’électricité. Grand Inga est répertorié comme un projet prioritaire de la Communauté de développement de l’Afrique australe (CDAA), le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), le Southern African Power Pool (SAPP) et le Conseil mondial de l’énergie.

Il existe des plans avancés pour construire Inga III BC (4 800 MW) afin d’exporter le courant vers l’Afrique du Sud et approvisionner des sociétés minières dans le sud-est de la RDC. Un traité a été signé en mai 2013 par les gouvernements sud-africain et congolais pour la coopération dans le développement d’Inga III ainsi que pour faire de l’Afrique du Sud le principal acheteur de l’électricité qui sera générée. Le traité a été ratifié en 2014 par la RDC.

Mauvaise presse

Le déficit d’électricité produite par la SNEL est une réalité d’évidence depuis plusieurs décennies. Le délestage persistant est devenu la norme et les factures sont jugées « fantaisistes ». Bref, la SNEL est souvent accusée de mégestion. Selon les dirigeants de la société, le problème de la SNEL est lié au manque de financement pour la réalisation des grands travaux de réhabilitation de ses infrastructures. La SNEL a du mal à recouvrer ses créances estimées à plusieurs millions de dollars. Par ailleurs, des efforts sont entrepris pour que la situation redevienne normale et que le pays devienne une puissance hydroélectrique en Afrique.

Pour cela, la SNEL avait exprimé l’intention de partenariat avec la firme chinoise Trois Gorges pour mettre en œuvre d’autres infrastructures d’électricité en RDC. La production installée dans notre pays a un niveau limité pendant que la demande est très élevée. Inga ne représente que 44 % du potentiel hydroélectrique du pays et il y a encore 56 % éparpillés à travers le pays. La persistance du délestage et des coupures intempestives d’électricité est due à la surcharge des cabines électriques, au délabrement du réseau de distribution et à l’augmentation sensible de la demande.

Dans l’Est du pays, des villes et des territoires sont même alimentés par des pays voisins, comme l’Ouganda. Au Katanga, les miniers recourent à l’électricité provenant de la Zambie et bientôt de l’Afrique du Sud ; à l’Ouest, la RDC recourt désormais à la République du Congo à des prix  très élevés. Depuis quelques années, les panneaux solaires envahissent les toits des maisons et des immeubles, notamment dans l’arrière-pays. Pendant que les générateurs ou groupes électrogènes tournent en plein régime dans les grandes villes. C’est la réaction populaire comme une réponse pratique à la pénurie d’électricité.

L’accès à l’électricité est un problème de fond en RDC, seulement 9 % de la population sont raccordés au réseau de la SNEL.

D’après plusieurs sondages, la plupart des personnes interrogées ont une mauvaise opinion sur la SNEL. Elles souhaitent vivement que la libéralisation du marché de l’électricité soit rapidement effective pour qu’elles s’abonnent auprès des autres opérateurs. D’autres préfèrent expérimenter les énergies renouvelables, notamment l’énergie photovoltaïque. Installer un panneau solaire chez soi permet de s’assurer un minimum d’électricité.