Controverse sur le financement du système de gestion des données

La CENI chercherait encore un fournisseur pour la mise en place d’un mécanisme de transmission rapide et sécurisée des résultats des scrutins. Ce n’est pas le retard pris dans l’attribution du marché qui fait polémique, mais l’exclusion de certains soumissionnaires du processus. 

Une équipe d’agents de la CENI dans un bureau de vote.
Une équipe d’agents de la CENI dans un bureau de vote.

La Commission électorale nationale indépendante (CENI) devrait faire des arbitrages sur les 538 millions de dollars que le gouvernement lui a alloués pour organiser les élections en 2016. Parmi les urgences ou les priorités, la mise en place d’un système de transmission rapide et sécurisée des données électorales. Coût du montage financier : quelque 98 milliards de francs, soit près de 100 millions de dollars.

Dérogation

Des sources proches du dossier rappellent que l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) a dérogé à la procédure en faisant carrément une faveur à la CENI. Celle-ci sollicitait de la Direction générale des marchés publics l’autorisation de recruter par un appel d’offres limité à quelques entreprises. Ce qui fut fait le 10 octobre 2014, et seules les entreprises suivantes étaient concernées : Logitec, IT Consult, Huawei Technologies Sprl, Sinfic Quantenus Congo (entreprises de droit congolais), Entrelect, Immarsat, Waymark Infotech, SES Broadband Services (Luxembourg), Smartmatic (Pays-Bas), Scytl et Cie (groupement espagnol).

La CENI rejeta, le 16 juillet, la candidature du groupement espagnol au motif que ses états financiers ne rassuraient guère pour gagner un marché de 100 millions de dollars. En réaction, le groupement espagnol, constitué d’entreprises SITELE, Trans Century, Gilat Satcom Ltd et Sctyl, saisit la CENI en recours gracieux, en date du 22 juillet. La correspondance étant restée sans suite, le groupement espagnol se résolut à saisir en appel, le 30 juillet, l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), conformément à l’article 73 de la loi du 27 avril 2010 relative aux marchés publics. Elle stipule : « Tout candidat ou soumissionnaire qui s’estime illégalement évincé de procédures de passation des marchés publics ou de délégations de service public, peut introduire une réclamation auprès de l’autorité contractante… La décision de cette dernière peut être contestée devant l’institution chargée de la régulation des marchés publics ».

Chiffre d’affaires

C’est ainsi que l’ARMP a enjoint, le 5 août, la CENI de lui transmettre sans délai toute la documentation en rapport avec ledit marché. Le bureau de la CENI répondit, le 12 août, à l’ARMP. Entretemps, la procédure d’attribution du marché devait être suspendue du fait de l’appel introduit par le groupement espagnol (article 74 de la loi du 27 avril 2010 relative aux marchés publics). Selon la lettre de la CENI adressée à l’ARMP, le chiffre d’affaires moyen de Scytl et Cie pour les trois dernières années était inférieur au seuil requis. Celui-ci doit être équivalent ou supérieur au double de l’offre. En réalité, le chiffre d’affaires du groupement espagnol s’élevait à quelque 73 milliards de francs alors que le seuil requis est d’environ 195 milliards, soit près de 200 millions de dollars. En outre, Scytl et Cie ne donnaient aucune précision quant au déploiement du matériel sur les sites de destination finale.

La défense de la Commission électorale nationale indépendante était imparable, mais peu convaincante aux yeux de la Commission de règlement des différends de l’ARMP. D’après les experts de la commission, la CENI a eu tort de se référer au taux de change des Banques centrales du Congo et du Kenya, à la date du 30 avril, pour  convertir l’euro, le shilling kenyan et le dollar pris comme monnaies de référence dans les états financiers de 2011 à 2013 de Scytl et Cie en francs. Selon ces experts, la conversion devait s’appliquer au taux du 30 décembre 2011, 2012 et 2013, date de clôture de ces états financiers en utilisant le cours moyen de la Banque centrale du Congo. Sur la base de cette analyse, le groupement espagnol avait, en réalité, un chiffre d’affaires global cumulé de 612 milliards de francs. De l’avis de la commission de règlement des différends de l’ARMP, Scytl et Cie sont donc éligible au marché de la mise en place du système de transmission rapide et sécurisée des données électorales.  Les mêmes experts soulignent dans leurs observations que la CENI s’est aussi contredite en reprochant au groupement espagnol de n’avoir pas indiqué dans son dossier le lieu de déploiement du matériel. Pour l’Autorité de régulation des marchés publics, il s’agit bien de Kinshasa.

Dans le cadre de la numérisation des documents et des suffrages exprimés et répartis entre postulants, la CENI a prévu d’implanter 15 000 sites. Quelque 77 000 bureaux de vote seront établis dans les 7 200 groupements à travers le pays pour la transmission  rapide et sécurisée des documents électoraux et des suffrages exprimés.