Emploi, pouvoir d’achat, santé, éducation, armée, police, routes, logement, agriculture… Ce qu’il faut retenir des annonces de Judith Suminwa

Le dynamisme et le souci de l’efficacité qu’elle veut imposer dans la conduite des affaires de l’État s’inspirent du secteur privé. Par ses méthodes de travail – pilotage stratégique et opérationnel couplé à la vision politique du président de la République, suivi et évaluation des actions, revue périodique du programme - et ses convictions, la Première ministre veut rompre avec les pratiques du passé, en se rapprochant des acteurs de terrain.

La Première ministre, cheffe du gouvernement face aux députés pour solliciter leur confiance.

LE 1er avril 2024, Judith Suminwa Tuluka est nommée Première ministre, cheffe du gouvernement par le président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, devenant ainsi la première femme à occuper cette fonction en République démocratique du Congo/RDC. Le 11 juin 2024, elle est face aux députés nationaux pour solliciter leur confiance et obtenir ainsi l’investiture de son gouvernement. C’est désormais chose faite : un discours de politique générale ambitieux, audacieux et volontariste, et maintenant, place à l’action !

Face aux députés nationaux, la Première ministre déroule et dévoile qu’elle est résolument engagée à agir, au risque de faire sourire ceux qui, critiquant un tel volontarisme, manifestent surtout leur renoncement à l’ambition que tous les Congolais doivent avoir pour leur pays et pour l’Afrique. Elle dit, sans vraiment le dire, que pour agir, il faut de l’ambition certes, mais il faut davantage de l’audace. Pour cela, il faut s’organiser.

Dans son discours d’investiture devant l’Assemblée nationale, Judith Suminwa définit un objectif prioritaire. Elle met l’accent sur « l’homme qui doit être considéré à la fois comme la ressource principale, le principal moteur du développement et le destinataire du fruit de ce progrès ».

La nouvelle Première ministre pointe avant tout la nécessité de convergence de la planification stratégique – Vision (de développement) 2050, Plan national stratégique de développement/PNSD 2024-2028, PDL 145 T, etc. – et de la vision politique du président de la République fondée sur six engagements majeurs pour son second mandat. 

Le programme d’actions du gouvernement/PAG 2024-2028 est né donc de cet exercice. En chiffres, il pèse 277,1 mille milliards de nos francs congolais, soit 92,9 milliards de dollars pour les cinq prochaines années. Précision de taille : il doit être totalement financé par des ressources de l’État et des apports hors budget, du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées/ETD. 

Dans le montage financier de ce programme du gouvernement, 30 % du financement sont consacrés à la création d’emplois et à la protection du pouvoir d’achat des ménages, avec un coût total cumulé de 83,1 mille milliards de francs, soit une moyenne de 16,6 mille milliards de francs par an. L’aménagement du territoire national en vue d’une connectivité maximale prend, à lui seul, 25 %, ce qui représente un coût total cumulé de 69,3 mille milliards de francs, soit une moyenne de 13,8 mille milliards de francs par an. 

La part réservée à la protection du territoire national et à la sécurisation de la population et de ses biens représente 20 %, ce qui correspond à 55,4 mille milliards de francs, soit une moyenne de 11 mille milliards de francs par an. Dans le coût global de ce programme, 15 % sont consacrés à l’accès aux services sociaux de base, représentant 41,6 mille milliards de nos francs, soit une moyenne de 8,3 mille milliards de francs par an. 

« La nouvelle Première ministre pointe avant tout la nécessité de convergence de la planification stratégique – Vision (de développement) 2050, Plan national stratégique de développement/PNSD 2024-2028, PDL 145 T, etc. – et de la vision politique du président de la République fondée sur six engagements majeurs pour son second mandat. »

Les actions prévues pour renforcer l’efficacité des services publics représentent 5 % du coût global du programme, soit 13,9 mille milliards de francs sur les 5 ans, et 2,7 mille milliards de francs par an. Pareil pour les actions de gestion durable et responsable de l’écosystème de la RDC face aux changements climatiques. 

La Première ministre souligne que le PAG 2024-2028 est le reflet d’un engagement politique profond en vue d’améliorer les conditions de vie des Congolais et de la transformation structurelle de la RDC. Elle dit qu’en misant sur la création d’emplois, la protection du pouvoir d’achat, l’aménagement du territoire, la sécurité, l’accès aux services sociaux de base, l’efficacité des services publics et la gestion durable de l’environnement, elle s’engage, avec « détermination et responsabilité » à bâtir un avenir meilleur pour la RDC. 

Programme ambitieux, audacieux, détaillé, soutenu par une planification rigoureuse et une gestion transparente, il ne peut en être autrement au regard des défis et contraintes structurelles majeures auxquels la RDC est confrontée malgré ses atouts naturels et humains. Ces défis et contraintes structurelles majeures qui entravent la souveraineté du pays, son économie et son développement, mettent la RDC aujourd’hui face à son destin.

En effet, sur le plan sécuritaire, le pays fait face à une situation précaire qui demande une action urgente : guerre avec le M23 au Nord-Kivu, présence des groupes armés étrangers et locaux en Ituri, au Sud-Kivu, au Maniema et au Tanganyika, conflits intercommunautaires dans le Maï-Ndombe, le Kasaï, la Tshopo, au Maniema et au Katanga.

Sur le plan social, des efforts doivent être faits pour pérenniser la gratuité de l’enseignement de base, en mettant l’accent sur la construction, la réhabilitation, l’équipement des écoles ainsi que la formation des enseignants. Il en va de même pour la couverture santé universelle/CSU, l’une des réformes phares du premier quinquennat qui demande à être poursuivie. Mais aussi sur l’accès à l’eau et à l’électricité d’un plus grand nombre.

Sur le plan économique, malgré les performances satisfaisantes, la croissance économique demeure essentiellement tirée par le secteur extractif, exacerbant la vulnérabilité de l’économie nationale. L’évolution des niveaux des prix de biens reste dominée par la persistance des pressions inflationnistes d’origine externe, impactant le marché de change, déjà étroit et souvent en tension avec des dépréciations monétaires persistantes. La conjoncture mondiale, mise en évidence notamment par la guerre en Ukraine, et les problèmes sécuritaires conduisent à un net ralentissement de la croissance, et surtout à un gâchis social et humain à cause des mauvaises politiques économiques et monétaires, de la non diversification économique, de la corruption, de l’impunité, etc. 

La Première ministre en appelle à la création d’une forte cohésion sociale en agissant contre les inégalités, les exclusions et contre le chômage. Pour elle, il s’agit de laisser de côté les clivages politiciens et les intérêts égoïstes afin de se mettre ensemble pour faire triompher la cause nationale et l’intérêt général. Puisqu’il en va de l’avenir de la nation, « c’est tous ensemble que nous devons préparer les échéances décisives pour le progrès social, c’est tous ensemble que nous devons adapter et renforcer l’économie nationale ».

Cela passe par des politiques solides, la diversification économique, le renforcement des institutions et la lutte sans merci contre la corruption pour assurer une croissance inclusive et durable. La Première ministre indique que le changement nécessite « une approche intégrée impliquant le gouvernement, les partenaires internationaux, le secteur privé et la société civile pour garantir des progrès durables, en vue de l’atteinte des Objectifs de développement durable/ODD ».

Pour Judith Suminwa, l’ampleur de ces contraintes structurelles majeures explique la ferme volonté de son gouvernement d’atteindre un double objectif : consolider les acquis du premier quinquennat pour « parachever l’avènement d’un Congo plus uni, mieux sécurisé, avant-gardiste à la souveraineté affirmée et plus prospère ; et poser définitivement les jalons d’un Congo émergent dans lequel l’autorité de l’État est consolidée, la solidarité renforcée et les villes connectées pour le meilleur ». 

La Première ministre annonce, par conséquent, des réformes pour surmonter les défis. Le PAG 2024-2028 a été donc taillé sur mesure. Dans ce programme du gouvernement, certaines actions constituent des urgences et d’autres relèvent de la nécessité de transformer structurellement la société et l’économie à moyen et long termes.

En vue d’atteindre l’objectif de « bâtir un État plus uni et mieux sécurisé, une économie plus diversifiée et compétitive et une société plus juste pour un développement durable », le gouvernement Suminwa entend donc, pour les cinq prochaines années, stabiliser le cadre macroéconomique, réduire le coût de la vie, et augmenter les revenus des travailleurs ; poursuivre la mise en œuvre des réformes structurelles macroéconomiques pour stimuler l’investissement privé et améliorer le mécanisme de régulation des prix des produits alimentaires de grande consommation et des produits pétroliers. 

La transformation structurelle de l’économie vise sa diversification. En effet, les ressources publiques, qui proviennent essentiellement du secteur minier, doivent être orientées vers les secteurs agricole, industriel et touristique, en tirant parti de la riche biodiversité du pays. Pour Judith Suminwa, « la revanche du sol sur le sous-sol est une nécessité pour permettre à l’économie congolaise de se hisser au rang des nations à revenu intermédiaire et résilientes face aux diverses formes de volatilités ». 

La Première ministre annonce également que son gouvernement va investir dans l’agriculture moderne et durable pour créer des emplois, réduire la pauvreté et stimuler la croissance économique. Elle s’engage à encourager l’industrialisation, la transformation locale et le développement du tourisme pour favoriser « une croissance économique plus équilibrée et résiliente, réduisant ainsi la vulnérabilité aux fluctuations des prix des matières premières ». 

Judith Suminwa fait du développement de l’emploi un combat commun. Plus la RDC est moderne, pacifique, solidaire et forte, plus elle sera au premier rang de la construction panafricaine et participera à l’équilibre du monde. Elle annonce que le gouvernement envisage ainsi de créer 2,6 millions d’emplois, en regroupant les corps de métiers « qui travaillent aujourd’hui en plein air, sans accès au crédit ou à toute autre forme d’appui de la part de l’État, pour leur faire bénéficier des avantages susceptibles d’accélérer leur formalisation ».

Dans le but de bâtir une économie diversifiée et compétitive, le gouvernement va s’appuyer sur le Plan directeur d’industrialisation/PDI, qui est son bras opérationnel, pour lancer des projets censés déclencher le développement industriel dans les zones identifiées. Il s’agit essentiellement des projets d’électrification (grands barrages hydroélectriques dont le Grand Inga, énergie solaire, centrales thermiques), de transport (port de Banana, chemin de fer Banana Kinshasa, principales routes nationales, connexions ferroviaires), et de communication (dorsales à fibre optique). 

Pour la Première ministre, en tant que nation souveraine et solidaire, la RDC se doit de tirer des leçons pour apporter des réponses aux questions liées à la protection du territoire national et de la sécurisation de la population et de ses biens. Elle exprime sa détermination dans les réponses aux différentes préoccupations de la population sur l’armée et sur les services de police dans un certain nombre de domaines : effort de formation, poursuite de la modernisation, clarification des compétences, problèmes de statuts.