Entente cordiale entre le gouvernement et l’Hôtel de ville de Kinshasa

L’insalubrité est un problème avéré dans la capitale. Avec le retour des pluies, le pire est à craindre. Pour anticiper, il est créé le FONAK. Fini ainsi la guerre des immondices que se livraient Matata et Kimbuta.  

 

Le ministre d’État en charge de l’Économie, Joseph Kapika Dikanku, a indiqué que le Fonds d’assainissement de Kinshasa (FONAK) sera alimenté par l’Office congolais de contrôle (OCC), l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM), la Direction générale des douanes et accises (DGDA) ainsi que par le Fonds de promotion de l’industrie (FPI). C’est à l’issue de la réunion entre des membres du gouvernement central et du gouvernement provincial de Kinshasa sur la taxe d’assainissement de la capitale que l’idée de mettre en place le FONAK a pris corps. Une commission mixte a été mise en place afin de déterminer le pourcentage à verser, les modalités et la périodicité.

Il est curieux tout de même de constater que les quatre établissements publics désignés comme pourvoyeurs du FONAK ont de sérieux soucis de trésorerie. Hormis la DGDA (service de douane), leur participation au budget de l’État, ces trois dernières années, en terme de recettes de participations, est nulle. Et pourtant, le nouveau ministère de l’Aménagement du territoire et de la Rénovation de la ville, confié à un proche du chef de l’État, l’ECT-MP Félix Kabange Numbi, dispose d’un budget de 500 millions de francs (selon le budget 2017) pour lancer la campagne de sensibilisation sur l’assainissement du milieu et l’amorce des actions de la rénovation de la ville.

Par ailleurs, le gouvernement donne l’impression de s’emmêler les initiatives. Dans le budget 2017, la taxe rémunératoire annuelle sur les établissements dangereux, insalubres et incommodes a été considérablement réduite à 17,4 milliards de francs contre  28,1 milliards en 2015. Cependant, la rubrique Protection de l’environnement a été créditée d’une enveloppe de plus de 128 milliards de francs. Combien le gouvernement a-t-il déboursé à ce jour pour ce faire ? Rien n’a été dit à ce sujet. Toutefois, la loi de finances publiques 2017 enjoint la DGRAD d’intensifier le recouvrement de la taxe rémunératoire annuelle, d’implantation et de pollution auprès des pétroliers, des miniers (entités de traitement et de transformation ainsi que les activités connexes des détenteurs des titres miniers), et des transporteurs (aériens, fluviaux, maritimes, lacustres et terrestres).

Hélas, c’est une girouette à 180° que vient d’opérer le gouvernement dans sa politique de protection de l’environnement. L’assainissement en RDC est un droit constitutionnel, selon la loi fondamentale, dans son article 53 : « Toute personne a droit à un environnement sain et propice à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre. L’État veille à la protection de l’environnement et à la santé des populations ».  Voilà deux ans, jour pour jour, que le gouvernement et l’exécutif urbain se renvoient la responsabilité de la salubrité, sinon de l’insalubrité dans la capitale.

80 % pour les Finances, 20 % pour la Ville  

Dans une correspondance datée du 12 août 2015, le 1ER Ministre de l’époque, Augustin Matata Ponyo, avait désapprouvé les termes de l’entente issue de réunions d’experts convoquées par le  ministre des Finances, Henri Yav Mulang. « Au regard de l’état actuel de la trésorerie et des perspectives électorales, le gouvernement de la République n’est pas en mesure de prendre en charge la quotité mensuelle lui proposée, dans le cadre de cofinancement de la première phase de mise en œuvre de la pérennisation du PARAU. Aussi, afin de permettre à l’exécutif de la ville de se préparer en conséquence, j’autorise la prise en charge d’un mois, par le Trésor public, à dater de ce 21 août 2015 », avait écrit le 1ER Ministre.

Pourtant, au terme de réunions marathon entre experts du ministère des Finances (gouvernement) et de l’Hôtel de ville, fin juillet-début août 2015, il s’est dégagé la nécessité d’accorder une période transitoire d’un an à l’exécutif urbain avant de permettre à la Régie d’assainissement et des travaux publics de Kinshasa (RATPK) de se charger des immondices de la capitale. Durant cette année transitoire (du 21 août 2015 au 21 août 2016), les deux parties ont convenu de décaisser 800 000 dollars/mois, à raison de 80 % par le ministère des Finances et 20 % par l’Hôtel de ville de Kinshasa, pour la poursuite de l’assainissement des 9 communes : Gombe, Barumbu, Kinshasa, Lingwala, Bandalungwa, Ngiri-Ngiri, Bumbu, Kasa-Vubu et Kalamu) dont les immondices étaient évacués dans le cadre du projet PARAU-PAUK.

Rien n’est venu, dans l’entre-temps, toutes les décharges publiques ont débordé d’immondices. Et la puanteur s’exhalait d’une commune à une autre. La primature (Matata) a, en effet, estimé que la part du gouvernement – 640 000 dollars – a déjà été versée une et une seule fois, fin août 2015. Et, dans un communiqué, sous seing du dircab du 1ER Ministre, Sele Yaghuli – actuellement directeur général de la Direction générale des impôts – rendu public, le 19 novembre 2015, il est rappelé que l’assainissement, la collecte et l’évacuation des immondices dans toutes les provinces reviennent aux gouvernements provinciaux.

Mais aussi que Kinshasa bénéficie déjà d’un traitement de faveur parce que 1,4 million de dollars/mois sont mobilisés par l’assainissement de 5 communes et du boulevard Lumumba. Réponse du berger à la bergère, le gouverneur André Kimbuta, de retour d’une mission à l’étranger, a soutenu sur une télévision de la place que l’argent des immondices était disponible au Bureau central de coordination des projets (BCECO). Et le Gouv’ est allé plus loin en faisant savoir que l’accord de cofinancement intervenu entre le gouvernement à travers le ministère des Finances et l’Hôtel de ville a, en effet, pris compte des contraintes financières respectives du gouvernement et de la Ville de Kinshasa et proposait, pour ce faire, le financement du projet par un prélèvement sur ses crédits d’investissement inscrits dans le budget de l’État.

150 m3 de gasoil au SEP 

Quant à la somme de 1,4 million de dollars/mois évoqué dans le communiqué de la primature, André Kimbuta déclara, urbi et orbi, qu’il s’est agi plutôt des fonds non gérés par l’Hôtel de Ville mais par le BCECO. En clair, la primature, devant des « Kilimandjaro » d’immondices qui s’élevaient ça et là, avait, en fait, repris la gestion des décharges publiques, mais uniquement dans son volet financier. Et le BCECO entra en action. D’après le bureau central de coordination des projets, le gouvernement provincial de Kinshasa, avec l’appui du gouvernement, a mis en place le Programme de gestion des déchets solides (PGDS). Qui est placé sous la gestion technique de la RATPK. Mais c’est le BCECO qui en assure la mise en œuvre. Une procédure bien trouble.

Le BCECO dit mettre à la disposition du PGDS quelque 150 m3 de gasoil dans les installations de SEP Congo par le biais d’un tiers. Depuis, rien n’est venu. Et le dossier a été clos. Pas de poursuite. Ni ni. À Kinshasa, on a coutume de dire, « Moto abangisa moninga te ! » (traduisez : que personne ne t’intimide personne). Et quid de 15 autres communes? Les pluies quasi-quotidiennes qui s’annoncent vont en rajouter davantage à l’insalubrité.

Il y a peu, l’Hôtel de ville de Kinshasa a envisagé de recruter en masse des jeunes éboueurs pour aseptiser la ville avec une prime de 3 000 francs. Rien n’est venu. Même la raison d’être de sa RATPK est remise en cause. La ville de Kinshasa, pour mémoire, dispose de 264 droits et taxes.