Huit prétendants pour remplacer Donald Kaberuka

Après dix années passées à la tête de la BAD, le président Donald Kaberuka a reçu un vibrant hommage, jeudi 16 avril à Washington, pour le travail réalisé en faveur de l’élimination de l’extrême pauvreté sur le continent africain. Sa succession est donc ouverte.

Le siège provisoire de la Banque africaine de développement à Tunis
Le siège provisoire de la Banque africaine de développement à Tunis

La succession du président Donald Kaberuka à la tête du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) est ouverte. C’est le 28 mai prochain que sera désigné le successeur à Abidjan, à la faveur de la 50ème  assemblée annuelle de la BAD.

À un mois des élections, huit prétendants se bousculent au portillon. Au total, sept hommes et une femme, tous présentés comme de grosses pointures de la finance africaine. Sur le plan géopolitique, ces postulants représentent respectivement l’Afrique de l’Ouest (quatre candidats), Maghreb (1), Afrique centrale (1), Afrique australe (1) et la Corne de l’Afrique (1). D’emblée, il sied de noter que l’Afrique de l’Ouest a tourné le dos au principe non écrit de la « solidarité » sous-régionale pour aligner autant de challengers. Qui sont-ils, donc, ces candidats ?

Akinwumi Adesina (55 ans), ministre de l’Agriculture et du Développement rural de la République fédérale du Nigeria, a fait preuve d’épouvantail avant les présidentielles de son pays. La chute de son mentor, le président Goodluck Jonathan, lui fait perdre un soutien de poids.

Seule femme en lice, Cristina Duarte (53 ans), ministre des Finances et de la Planification du Cap Vert, est la benjamine des candidats et pourrait profiter de l’embellie économique de son pays, ‘‘un modèle’’ en son genre, pour devenir la première femme à diriger la BAD.

Le Malien Birama Boubacar Sidibé (63 ans), actuel vice-président de la Banque islamique de développement (BID), est en pôle position avec le parrainage de sa candidature par onze États au début du mois d’avril. ‘‘D’autres pays s’ajouteront dans les jours à venir’’, indique-t-on dans son entourage. Il pourrait être le grand bénéficiaire de la pratique courante de l’alternance qui veut qu’un francophone succède à un anglophone à la tête de la banque.

Le Sierra-Léonais Samura Kamara (64 ans), ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de son pays, complète le carré des candidats issus de l’espace de la Communauté économiques des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Un vibrant hommage à Kaberuka

Le cheval du Maghreb est l’ex-ministre tunisien des Finances, Jaloul Ayed (64 ans), qui préside actuellement aux destinées de la MED Confédération, une alliance de 9 institutions financières et groupes de réflexion regroupant les pays suivants : France, Égypte, Maroc, Turquie, Tunisie, Espagne et Belgique. La MED Confédération vise à promouvoir la coopération socio-économique dans la région méditerranéenne. Jaloul Ayed a un atout qui pourrait s’avérer déterminant dans la balance. Son pays a abrité de 2003 à 2013 le siège de la BAD délocalisé à la suite des troubles militaro-politiques en Côte d’Ivoire. La Tunisie est venue, la semaine passée, solliciter le soutien du président ivoirien Alassane Ouattara.

Le ministre éthiopien des Finances et du Développement économique, Ato Sufian Ahmed (57 ans), le Zimbabwéen Zondo Thomas Sakala (60 ans), anglophones bon teint, tous deux, risquent d’être écartés, quoique M. Sakala connaisse bien la maison pour y avoir été vice-président en charge des programmes pays et régionaux (dernier poste) et qu’il ait servi la banque pendant trois décennies avant de faire valoir ses droits à la retraite en octobre 2014.

Le huitième candidat, Kordjé Bedoumra (63 ans), ministre tchadien des Finances et du Budget, ex-secrétaire général puis vice-président chargé des services institutionnels à la BAD, est un ancien de la maison qui rêve d’occuper la présidence.

Créée le 4 août 1963, la BAD compte 53 pays africains membres. Elle est soutenue par 24 pays européens, sud et nord américains et asiatiques. Le Groupe de la Banque africaine de développement comprend, également, le Fonds africain de développement, créé en 1972, et le Fonds spécial du Nigéria (FSN), créé en 1976.

Sur le mandat de Donald Kaberuka, beaucoup de progrès ont été accomplis. Le jeudi 16 avril à Washington, un vibrant hommage lui a été rendu pour le travail réalisé en faveur de l’élimination de l’extrême pauvreté sur le continent africain, au cours de ses dix années passées à la tête de la BAD. Le président du Groupe de la Banque mondiale, Jim Kim, était l’hôte de la cérémonie organisée pour Kaberuka, dans l’atrium du siège de la Banque mondiale à Washington DC.

Devant une foule composée de personnalités clés de la sphère économique et politique mondiale, Kim a déclaré que le dévouement de Kaberuka en faveur du développement des infrastructures en Afrique avait contribué à tracer le chemin de l’avenir pour les 54 pays du continent. Kim a remercié Kaberuka pour les services rendus à la BAD et aux personnes qui en dépendent.

Importance des infrastructures

Cinq présidents se sont joints à Kim pour exprimer leur gratitude, notamment la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf, le Sierra-léonais Ernest Bai Koroma et le Guinéen Alpha Condé. « Kaberuka fait véritablement partie de ces personnes qui placent la barre très haut. Grâce à lui, la BAD occupe désormais une position majeure, et nous espérons que les pays africains arriveront à trouver un successeur capable de la maintenir au même niveau », a déclaré Condé.

Sirleaf a salué le travail acharné accompli par Kaberuka pendant la crise d’Ebola, rappelant qu’il n’avait pas eu peur de se rendre dans les pays touchés pour identifier les mesures d’aide possibles. Koroma a déclaré que le président de la BAD était « un digne fils de l’Afrique », avant d’ajouter que c’est grâce à la vision que celui-ci avait définie pour l’institution que la forte expansion de l’envergure et des activités de la Banque avait pu avoir lieu. « Parmi les nombreux accomplissements qui feront date, nous nous souviendrons particulièrement de l’importance qu’il a accordée aux infrastructures. Nous le remercions vivement pour l’impact de cette politique sur nos économies », a-t-il ajouté.

Les stratégies de lutte contre la pauvreté font partie des domaines de prédilection de Kaberuka. Avant d’intégrer la BAD, il a occupé le poste de ministre des Finances du Rwanda où il a supervisé la reconstruction fructueuse du pays après la terrible guerre civile. Une fois à la tête de la BAD, Kaberuka a fait du développement des infrastructures une priorité absolue, un sujet sur lequel il s’est d’ailleurs exprimé plusieurs fois.

Plus tôt dans la journée du 16 avril 2015, au centre de réflexion Woodrow Wilson à Washington DC, Kaberuka a prononcé un discours d’ouverture sur la possibilité de réduire la pauvreté tout en dynamisant les investissements commerciaux et le développement en Afrique. Au cours de son allocution, il a expliqué avoir axé la majeure partie des activités de la Banque sur trois objectifs cruciaux : soutenir les pays qui souhaitent financer leur développement de l’intérieur ; aider le continent à mobiliser ses propres ressources ; mettre de côté l’héritage colonial du continent et développer un système de marché unique.

En ce qui concerne la réussite de sa mission, Kaberuka a expliqué qu’elle aurait été impossible sans l’aide de tous les hommes et femmes qui ont œuvré sans relâche au sein de la BAD pour faire de sa vision une réalité, leur adressant à tous ses remerciements pour les services rendus.