Kalemie privée de trafic après 18 heures

Le chef-lieu de la province du Tanganyika est coupé du monde à la tombée de la nuit sur ukase des Forces armées de la République démocratique du Congo. La pêche est le secteur qui est le plus touché par cette mesure quu s’apparente à un couvre-feu.

 

Le commandement de la garnison des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) dans la ville de Kalemie, le général James Kasereka, a interdit aux motos et véhicules d’entrer ou de sortir du chef-lieu de la province du Tanganyika après 18 heures.

La mesure s’étend également aux bateaux et autres pirogues marchandes qui depuis le 7 février, rapportent des armateurs cités par des radios locales, ne sont plus autorisés d’accoster au port de Kalemie après 18 heures.

Dédé Mulamba dit John Tshibangu.   

Par ailleurs, tous les bagages transportés par moto, véhicule et bateau sont systématiquement fouillés aux barrières dressées par les éléments des FARDC. Dans un communiqué, apprend-on, le commandement de la garnison de Kalemie avertit que le contrôle des bagages ne doit faire l’objet d’aucune tracasserie et de monnayage de la part des agents de sécurité commis aux différentes barrières notamment à l’aéroport, au port ainsi qu’aux différentes plages du lac Tanganyika. Selon nos sources, les activités de pêche qui se déroulent essentiellement aux heures vespérales subissent de plein fout les effets de la mesure des FARDC. Selon des sources qui n’apportent pas cependant des preuves irréfragables, la ville aurait été visée par une attaque des guérilleros qui répondraient aux ordres d’un officier général des FARDC déserteur. S’agit-il du colonel John Tshibangu (de son vrai nom Dédé Mulamba) ? Répondre par l’affirmative ne serait pas faire erreur.

Pour rappel, John Tshibangu a été interpellé dans la nuit du 28 au 29 janvier à sa descente d’avion à l’aéroport de Dar-es-Salaam par les services tanzaniens. L’homme était en possession de deux passeports, l’un centrafricain et l’autre zambien. Mais quelques jours après, le 5 février, les autorités tanzaniennes l’extradent  plutôt vers Kinshasa, sur base, a-t-on appris de la presse tanzanienne, d’un mandat d’arrêt international lancé par les autorités de la RDC contre le colonel déserteur depuis 2014.

Leader du mouvement politico-militaire dénommé « Front du peuple pour le changement et la démocratie » (FPCD), Tshibangu, ancien n° 2 de la 4è Région militaire (Kananga) en 2012, aurait confié aux autorités tanzaniennes qu’il n’était qu’en transit à Dar-es-Salaam pour … Nul ne le sait. Seule certitude est que la ville de Kalemie a replongé dans ses angoisses comme du temps du conflit ethnique entre pygmées et luba.

Secours de la FAO

Par ailleurs, des observateurs redoutent que les travaux de réhabilitation de la centrale de Bendera ne soient retardés pour des raisons sécuritaires. Ville frontalière, Kalemie a pourtant vite pansé les stigmates des conflagrations interethniques à travers le commerce et autres activités mercantiles boostés par les institutions de micro-finance. Il y a peu, le Fonds national de micro-finance (FNM) avait octroyé une somme de 30 millions de FC de microcrédit aux 365 femmes regroupées en 15 associations rurales à Kalemie, avec l’appui de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Le gouverneur du Tanganyika, Richard Ngoy Kitangal, avait, à juste titre,  loué l’initiative de la FAO à travers le FNM qui a encouragé ces femmes à lutter contre la pauvreté. Laquelle a été accentuée par les vagues de déplacés internes fuyant les ratonnades punitives des pygmées.  L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture finance également dans la région le projet Assistance humanitaire d’urgence aux populations affectées par les conflits des milices armées intercommunautaires dans les provinces des Kasaï, Kasaï-Central, Kasaï-Oriental et Tanganyika, alors que l’assistance du gouvernement en dépit des assurances du vice-1ER Ministre et ministre de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadary, tarde à venir. En 2017, le gouvernement n’a réservé que 0.7 % du budget d’investissement sur transferts aux provinces et entités territoriales décentralisées (ETD) à la province du Tanganyika, contre 3.3 % à la petite province de l’Ituri ou encore 9 % à Kinshasa.  Il va sans dire que les populations du Tanganyika qui se concentrent essentiellement autour de la ville de Kalemie, vivent de la débrouille, du taxi-moto et de la pêche. Le couvre-feu qui ne dit pas encore son nom imposé à la ville a effet de suffocation.