Kinshasa : une gestion encombrante de l’urbanisme et de la démographie

Les milieux d’affaires et de la société civile s’inquiètent. L’aménagement de la capitale, l’habitat en premier, suscite des interrogations, notamment sur les « excès » et le non-respect des normes

LAPROBLÉMATIQUE de l’urbanisation et de la gestion des immondices à Kinshasa est un casse-tête. C’est même le talon d’Achille des autorités de la ville. Soyons francs : Kinshasa ressemble fort à une poubelle. On ne peut pas parler d’urbanisation sans faire référence à la démographie. Celle-ci a dépassé les prévisions idéelles, à telle enseigne que les parcelles sont morcelées, les avenues envahies par les ordures et la gestion des déchets opaque. Une urbanisation anarchique sans réelle perspective prospective sur la démographie galopante contrarie toute gestion saine de l’environnement. 

Joseph Kokoniangi Witanene, le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, a présenté, début octobre, au gouvernement deux projets de décret portant création, organisation et fonctionnement d’un établissement public dénommé « Fonds National de l’Habitat » (FONHAB), ainsi que création, organisation et fonctionnement d’un établissement public dénommé « Agence Congolaise de Promotion Immobilière » (ACOPRIM).

Il a justifié cette initiative notamment par la « croissance démographique élevée en RDC, estimée à 3,3% par an et à 7% dans les grandes villes ». Avec plus de 80 millions d’habitants, la RDC connaît un réel déficit d’unités de logement, particulièrement dans les villes et ce, en dépit la disparition de l’ex-Office National de Logement (ONL).Le constat du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat est que les constructions individuelles et quelques récentes promotions immobilières n’arrivent pas à couvrir les besoins illimités en logements de la population.L’objectif affiché avec le FONHAB et l’ACOPRIM est de réduire ce déficit et permettre aux populations vulnérables d’accéder à un habitat décent.

La gestion des déchets 

L’insalubrité est l’un des cinq problèmes avérés de la ville de Kinshasa. La gestion de ces problèmes laisse à désirer. Gouvernants et gouvernés se complaisent dans la saleté qui constitue un vrai danger permanent pour l’environnement et ses différents composants, à savoir les arbres, les êtres, etc. 

Si dans l’histoire il s’est posé des problèmes de pauvreté, de chômage, de logement et d’infrastructure dans les villes, l’ampleur et l’intensité des problèmes urbains dont souffrent actuellement les pays en voie de développement sont des phénomènes tout à fait nouveaux. L’acuité de ces problèmes est due essentiellement à la rapidité de la croissance démographique et à la grave pénurie des ressources susceptibles d’être consacrées aux aménagements que nécessite l’accroissement de la population urbaine.

Devant la prolifération des bidonvilles et des taudis qui va de pair avec l’insuffisance croissante des services urbains, le monde se rend de plus en plus compte que le développement sous-entend bien d’autres ingrédients que la simple expansion de la production. Or, à quelques exceptions près, ces mesures n’ont pas réussi à inverser ces tendances ni à ordonner la croissance urbaine, selon des schémas plus rationnels.

Les institutions étrangères et locales, conscientes de l’importance de ces questions, décident de s’attaquer petit à petit aux problèmes liés directement à l’urbanisation. Ainsi, la culture sur des sols contaminés, l’irrigation au moyen des eaux usées non épurées et l’utilisation des produits chimiques ne sont que quelques-unes des pratiques dangereuses qu’il importe de prendre au sérieux, dans le cadre de tout programme de promotion de la production alimentaire urbaine. 

« Une ville est un immense puits de nutriments, qui ne cesse d’engloutir les denrées alimentaires afin de pouvoir nourrir une population en croissance constante », souligne Alfred Ntumba, expert environnementaliste. Et de poursuivre : « La majorité de ces denrées viennent de loin, et une partie se gaspille ou se détériore en transit ou pendant l’entreposage. Ce puits de nutriments pourrait être plus efficace si une plus grande partie des déchets étaient recyclés ». 

D’après cet expert environnementaliste, cela pourrait même permettre de réduire certaines importations. La ville deviendrait un meilleur milieu de vie si une partie de ses déchets y étaient réutilisés, car l’air, l’eau et le sol y seraient moins pollués. Partant de ce principe, l’insuffisance des mécanismes efficaces d’élimination des déchets dans la majorité des villes des pays en développement se traduit par d’énormes accumulations de déchets riches en nutriments, qui jusqu’à ce jour constituent une menace pour l’environnement et pour la santé humaine. 

La découverte d’un moyen sûr et économique de recycler une partie ou la totalité des déchets urbains et agro-industriels aurait un triple avantage : l’assainissement de l’environnement urbain, la réduction des risques pour la santé et l’accroissement de la production agricole grâce au renouvellement des éléments nutritifs du sol.

Une solution et non une panacée 

La gestion et la gouvernance des déchets mettent en lumière de nouvelles orientations en matière de politiques et de technologie qui s’insèrent parfaitement dans les activités de recherche sur le développement urbain dans les pays en voie de développement, particulièrement pour la RDC. « Dans un certain nombre de secteurs urbains (eau, logement, services publics, gestion des espaces libres, etc.), il est vital d’améliorer la gouvernance pour assurer une prestation plus efficace des services. Nous pouvons parvenir à une meilleure gouvernance en assurant l’accès équitable aux ressources et aux services, en éliminant la confusion et les différends relatifs au partage des responsabilités de même que les structures décisionnelles descendantes, et en améliorant l’obligation de rendre compte et la transparence », poursuit Alfred Ntumba.  Pour certains environnementalistes, l’utilisation des ressources en milieu urbain doit s’accompagner d’une récupération accrue des déchets et sous-produits pour être durable. Ce faisant, les villes seront moins tributaires des régions rurales, et la vie urbaine sera plus tolérable. L’utilisation plus équitable, viable et durable des ressources urbaines passe nécessairement par une meilleure gouvernance.

Toutes les sociétés cherchent à accroître leur savoir, leur population et leur richesse. Cependant, la croissance finit toujours par atteindre un plafond où elle devient impossible à gérer, voire improductive. Il arrive que la richesse et la production diminuent avant même d’atteindre ce plafond. Ce phénomène peut découler d’une mauvaise gestion, des programmes mal conçus, d’installation inadéquate, etc. Les effets positifs et négatifs du processus d’urbanisation en Afrique en témoignent de façon éloquente.

Un nouveau mode de vie

Selon des experts de la ville, l’urbanisation apporte à la société un nouveau mode de vie moderne, lui ouvre de nouveaux horizons, lui procure de nouvelles compétences et l’engage dans un processus d’apprentissage. Cependant, une urbanisation galopante pose de graves problèmes de gouvernance : les facteurs d’optimisation s’affaiblissent et les capacités institutionnelles deviennent insuffisantes, ce qui ne fait qu’exacerber les problèmes de l’urbanisation.

En RDC, l’urbanisation n’est pas un phénomène entièrement nouveau, comme dans les autres villes : Addis-Abeba, Le Caire, Kano, Tombouctou, Brazzaville, Pretoria… Elle s’y déroule toutefois à un rythme accéléré. Selon une étude menée par Reuters, l’Afrique est l’une des régions les moins urbanisées du monde et enregistre pourtant les taux d’urbanisation les plus élevés. Entre 1990 et 1992, l’Afrique et l’Asie ont affiché un taux de 4,9 % et de 4,2 % respectivement, alors que l’Europe et l’Amérique du Nord ne se sont urbanisées qu’à un taux de 0,7 % et 1 % respectivement.

En outre, alors que seules deux villes d’Afrique, Le Caire et Lagos avaient franchi le cap d’un million d’habitants en 1950, ce nombre était passé à huit en 1970, puis à 24 en 1990. L’observation de certaines villes africaines révèle un taux de croissance de 33 % au Swaziland, dont la population urbaine n’était que de 1 % en 1950.  Ce taux devrait passer à 63 % d’ici 2025. De même, le taux de croissance de la population urbaine de Mauritanie, qui s’élevait à 3 % en 1950, pourrait passer à 70 % en 2025, et la population de la plupart des grandes villes a quadruplé entre 1950 et le milieu des années 1980. Dans certaines villes, notamment Abidjan, Dar es-Salaam, Khartoum, Lagos et Nairobi, la population a plus que sextuplé en 40 ans.