La FEC dans tous ses états

Depuis quelques années, la Fédération des entreprises du Congo lutte pour faire entendre sa voix face à un gouvernement, apparemment, pas assez réceptif aux revendications patronales. Tient-elle bien encore, malgré tout, son rang, sa dignité ? A-t-elle encore le poids de remporter son combat ? 

En République démocratique du Congo, la Fédération des entreprises du Congo (FEC) est considérée comme « la locomotive du secteur privé », c’est-à-dire le domaine des entreprises qui ne dépendent pas directement de l’État, par opposition au secteur public. Ailleurs, dans les États qui se respectent (démocratiques), quand le secteur privé tousse, c’est le gouvernement qui tremble. C’est pourquoi, d’ailleurs, tout ce que dit et fait le secteur privé compte car il est créateur d’emplois et donc de richesses.  Chez nous, depuis un certain temps, les observateurs notent que la FEC est dans le rôle de « plaignant ». Or, soutiennent-ils, un décideur ne se plaint pas, il agit. Questions : la voix de la FEC, malgré tout, est-elle encore entendue ? Est-ce qu’elle a encore aujourd’hui le pouvoir de mobiliser ses membres ? Est-ce qu’elle est aujourd’hui le seul syndicat patronal qui compte ou faudra-t-il compter dans l’avenir avec les autres ? Qu’en est-il des autres composantes du patronat ? Comment peuvent-elles désormais remporter leur combat, chacune dans son coin ou en association ? Autant de questions et bien d’autres qui renvoient à une même réalité : quel est l’état actuel de la FEC dans le pays ? C’est notre décryptage.

Se donner une nouvelle stratégie, absolument

Jeudi 25 janvier, le président de la FEC, Albert Yuma Mulimbi, s’est adressé à sa communauté patronale à l’occasion de la traditionnelle cérémonie d’échange des vœux de Nouvel An. Les membres de la FEC étaient réunis au chapiteau Fête parfaite, en présence de quelques invités de marque, notamment le 1ER Ministre, Bruno Tshibala Nzenzhe ; le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), Deogratias Mutombo Mwana Nyembo… Comme à l’accoutumée, le rituel a été strict : le président de la FEC a fait le bilan des activités au cours de l’année 2017, avant de projeter les attentes de sa communauté pour l’année 2018. Égal à lui-même et dans un style qui lui est désormais propre, Albert Yuma a encore haussé le ton et distribué des bons comme des mauvais points pour se faire bien entendre. Surtout que le chef du gouvernement a été de la partie.

Pour les observateurs, c’est l’illustration parfaite de la complexité de la situation. Ils s’interrogent si la FEC a encore le pouvoir de mobiliser dans le pays face à un pouvoir qui n’a pas apparemment la volonté politique de doter le pays d’un véritable projet économique commun. En janvier 2017, devant le 1ER Ministre, Samy Badibanga Ntita, le prédécesseur de Bruno Tshibala, le président de la FEC a fait fort dans la critique du gouvernement, en parlant de « quatre vérités ». À cette occasion, il a vertement fustigé les « cinq années de faux discours, de faux bilans macroéconomiques, de politiques fiscales aventureuses et de projets budgétivores, sans impact social », avant d’inviter le gouvernement à « un véritable sursaut afin de saisir l’opportunité de ce moment d’unité politique nationale pour s’unir autour d’un projet économique commun et de tracer les perspectives de son développement ».

Force est de constater que tout est comme avant. Aujourd’hui, pensent les mêmes observateurs, la FEC mobilise nettement moins. Même en son sein. D’après eux, elle a désormais à mobiliser au-delà de son noyau. « La FEC doit renouer avec ce qui avait fait sa force dans le passé. ça ne veut pas dire que notre corporation est en perte de vitesse, mais elle va devoir chercher la manière de mobiliser davantage d’autant plus que le pays va entrer dans une nouvelle ère politique avec l’alternance démocratique », confie un chef d’entreprise, membre de la FEC, qui a requis l’anonymat.

Selon cet opérateur économique, la FEC se doit de se donner une nouvelle stratégie. Et il explique : « La FEC n’est plus aujourd’hui la seule association patronale qui compte dans le pays. Il faudra compter dans l’avenir avec les autres associations pour faire le contrepoids du gouvernement pour la croissance de l’économie nationale. Cependant, il faut d’abord parler de la stratégie de la FEC… » Il note que cela est très important parce qu’« il y a désormais une ligne de fracture perceptible entre ceux qui appellent à une nouvelle dynamique et ceux qui pensent que la FEC doit porter bien, seule, sa voix. »

La ligne du renouveau à la FEC est incarnée par ceux qui pensent qu’il faut sortir la fédération du carcan de la bureaucratie, genre mandarinat, pour entrer dans un véritable mouvement de pensée et d’action en fonction de l’évolution politique et sociale dans le pays. Mais seulement voilà, personne ne semble vouloir en public prendre la tête de ce mouvement. Quel va être alors le véritable enjeu pour la FEC ? « Pour l’instant, il est trop tôt de dire laquelle de stratégie convient à la FEC », souligne cet opérateur économique. Entretemps, beaucoup de critiques et d’interrogations des observateurs surgissent à propos du fonctionnement et surtout du poids politique de la « toute-puissante » FEC.