Le port de Kalemie reloooké remédiera aux blocages logistiques aux postes frontières

La réhabilitation du port de Kalemie sur le lac Tanganyika est retenue dans le Programme d’urgence des 100 premiers jours planifié du chef de l’État. Mais il se trouve que le financement de ce projet a déjà été pris en charge la Banque mondiale.

SELON les projections de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, les travaux de la réhabilitation du port de Kalemie devraient être financés par le Fonds de promotion de l’industrie (FPI), à hauteur de 66 millions de dollars. Ce port, véritable plaque-tournante des activités mercantiles dans les pays bordiers du lac Tanganyika, à savoir la République démocratique du Congo, la Tanzanie, la Zambie, le Burundi et le Rwanda, devrait être modernisé à court terme à travers le Projet de facilitation du commerce dans la région des Grands lacs (PFCGL), grâce à un financement de la Banque mondiale. 

Fin 2018, la firme italienne SIM Pa a été recrutée, sur base de SFQC, c’est-à-dire sélection fondée sur la qualité-coût pour réaliser l’étude de faisabilité de la modernisation des ports de Kalundu et de Kalemie ainsi que celle de l’aéroport de Bukavu. L’étude de SIM devrait même s’étendre à la mise en place d’un guichet unique aux postes frontaliers de Mahagi et de Kamvivira pour quelque 373 050 dollars. Durée de travaux : 165 jours étalés sur six mois. Une période qui ne correspond pas du tout au calendrier du chef de l’État. 

En outre, le financement des travaux de la modernisation du port de Kalemie est estimé à 66 millions de dollars selon le Palais de la nation alors que la Banque mondiale table plutôt sur un coût minimaliste: l’ensemble du Projet de facilitation du commerce dans la région des Grands lacs ne devrait guère dépasser les 80 millions de dollars.

Banque mondiale et Comesa

Et, selon une note de la Banque mondiale datée du 25 septembre 2015, au cœur de l’initiative lancée par la Banque mondiale et les autorités d’Ouganda, de la RDC et du Rwanda, se trouve la volonté de s’atteler aux risques quotidiens et, dans le même temps, de soutenir l’économie de la région, en plein essor. Mis en œuvre en coopération avec le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), le Projet de facilitation des échanges commerciaux dans la région des Grands lacs a pour objectif de remédier aux blocages logistiques et administratifs aux postes frontières surchargés. Il cherche également à réduire la corruption et le harcèlement des commerçants, surtout quand ce sont des femmes, doper les économies locales et régionales et réduire la pauvreté.

Le projet comporte, en effet, deux étapes, avec une première phase de dons et de crédits (pour une enveloppe totale de 79 millions de dollars) en faveur de l’Ouganda, de la RDC et du Rwanda, et une seconde phase (totalisant 61 millions de dollars) du Burundi, de la Tanzanie et de la Zambie. « La région des Grands lacs a cruellement besoin de retombées économiques de ce projet, et en particulier les quelque 20 à 30 000 petits commerçants qui franchissent quotidiennement la frontière entre la RDC et le Rwanda », souligne Paul Brenton, l’un des chefs d’équipe du projet à la Banque mondiale.

Solidarité entre communautés

« Le commerce entretient la solidarité entre les communautés et améliore les moyens de subsistance, ce qui permet de réduire les risques de conflit », ajoute Shiho Nagaki, autre chef d’équipe. Le projet mènera de front des améliorations matérielles et logistiques au niveau des frontières et des installations avec des réformes des politiques et des procédures et des opérations de renforcement des capacités. Il est ainsi prévu de financer la construction d’abris pour les commerçants qui font la queue aux frontières, d’installer des tourniquets automatiques pour accélérer le franchissement de la frontière et réduire les contacts physiques (et partant le harcèlement de la part des officiels), de former les douaniers au respect de l’égalité hommes-femmes et d’imposer les fouilles de femmes par des personnes du même sexe. Tout cela vise à améliorer l’efficience, les capacités et la sécurité des opérations de plusieurs postes frontières qui jouent un rôle essentiel pour connecter les économies de ces pays, améliorant ainsi la santé économique de la région.

Préférence intra-congolaise

Mais dans l’opinion, dans l’Est du pays, il est un certain chauvinisme qui gagne l’opinion. Et la réhabilitation des infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires  devrait contribuer à réduire toute dépendance vis-à-vis du Rwanda et d’autres pays voisins. Le transport lacustre sur les lacs Tanganyika et Kivu enregistre, en effet, d’intenses trafics, et la demande en navires commerçants demeure insatiable, selon la direction des Marines et voies navigables du ministère des Transports et des Voies de communication.

Dans les grandes agglomérations de l’Est, partant de Kalemie à Goma en passant par Uvira et Bukavu, le transport par voie d’eau est de plus en plus préféré à la route de moins en moins sûre du fait de l’activisme des groupes armés et autres coupeurs des routes. Des transporteurs routiers sont contraints de passer par des villes voisines rwandaises pour joindre Goma à Bukavu. Ce qui passe, dans l’opinion comme une servitude inacceptable d’autant plus que la police frontalière et la douane rwandaises opèrent des confiscations de certains biens des voyageurs congolais pourtant en transit. 

Il est des entreprises qui font à la fois la construction et le voyage. Il s’agit notamment de l’établissement Silimu qui compte à son actif sept navires construits dans ses chantiers navals de Bukavu et de Goma avec une main-d’œuvre 100 % congolaise, se vante-on à Silimu, designers, ajusteurs, mécaniciens, électriciens… Il n’y a que les moteurs et autres accessoires de construction qui sont importés. Le dernier navire de la série mesure 58 mètres de longueur et 12 mètres de largeur. Il a nécessité au bas mot 2 millions de dollars.  Ce bateau a, en effet, été débaptisé « Emmanuel IV » en souvenir de Semanyenzi Munyunzangabo Emmanuel qui, en 1979 déjà, s’était lancé, en autodidacte, dans le chantier naval à Bukavu. La société Silimu est, en effet, tenue par ses héritiers. Elle emploie 1 200 personnes au Nord et au Sud-Kivu. 

Et chaque jour, quatre navires font l’aller-retour Goma-Bukavu en raison de deux navires alignés au départ de chaque ville. Quelque 1 500 passagers prennent les navires Silimu au quotidien. Un autre navire, un cargo, assure le trafic entre les villes congolaises riveraines du lac Tanganyika dont Kalemie, Nyunzu, Moba, Manono, Kavumu, Uvira, etc.  Les constructeurs de navires  comptent, à ce jour, parmi les plus gros contribuables des provinces de Nord et Sud-Kivu ainsi que du Tanganyika. 

Par-dessus toutes ces préoccupations et considérations, on ne peut plus subjectives, la Banque mondiale rappelle que, depuis 2015, elle a déjà débloqué plus de 34 millions de dollars en faveur de la RDC dans le cadre du PFCTGL, qui englobe la modernisation du port de Kalemie. Alors que des observateurs se montrent on ne peut plus sceptiques sur la capacité du FPI à mobiliser 66 millions en un temps record. 

Appelée à devenir une banque d’investissements, sur décision du gouvernement (les fameuses 28 mesures urgentes), le FPI, trois ans plus tard, fonctionne toujours dans son format et ses statuts d’antan et éprouve des difficultés à recouvrer ses créances auprès de ses débiteurs dont la plupart sont des acteurs politiques qui ont opéré, au lendemain des élections, des girouettes, des ralliements et reniements… une transhumance politique pour demeurer dans le sphère du pouvoir.