Le Projet Pro-Routes redémarre sous un autre format

Plus rien ne sera comme avant ! Huit chantiers sont inscrits au programme et seront exécutés selon les spécificités de chacun, dont la nature du sol. L’État sera très regardant, a fait savoir la coordination de la Cellule infrastructures du ministère des Infrastructures, des Travaux publics et de la Reconstruction.

LES ACTIVITÉS du Projet Pro-Routes ont été suspendues pendant plusieurs mois, après l’échéance du projet le 28 février 2018, soit dix ans après sa mise en œuvre par la Cellule infrastructures du ministère des Infrastructures, des Travaux publics et de la Reconstruction (ITPR). Les travaux réalisés ont été étamés par les pluies faute de financement et d’entretien. 

La suspension étant levée, la Cellule infrastructures entend reprogrammer les activités après l’étude des conditions de faisabilité de chaque chantier. Ces chantiers concernent le nouveau projet qui prend en compte deux volets que sont la réhabilitation et l’entretien de 4 axes routiers (Bunduki-Gemena et Mobanza-Mobayi, Miti-Walikale, MbujiMayi, Bukavu et Niania-Isiro), soit un linéaire de 2 290 km, ainsi que l’entretien des axes précédemment réhabilités, donc 3 345 km au total. 

L’évaluation des coûts du projet se chiffre à 212 299 075,80 dollars pour la réhabilitation et l’entretien de 4 axes routiers ciblés et 151 980 882,26 dollars pour l’entretien, sur financement du Fonds national d’entretien routier (FONER). Le Projet Pro-Routes a été initié en 2008 pour répondre aux impératifs de la connectivité des provinces de la République démocratique du Congo, à travers des routes en terres battues, étant donné que plusieurs localités du pays étaient restées enclavées à cause du délabrement avancé des infrastructures routières. 

Un budget de misère

Dans son rapport sur le budget 2019, les organisations de la société civile encadrées par REGED (Réseau gouvernance économique et démocratie) ont déploré l’absence d’un document de stratégie sectorielle des ITPR en RDC. Par ailleurs, le budget 2019 des ITPR, 317 606 282 188 FC, environ 181717749,27 dollars est en grande partie, soit 52 %, tributaire des ressources extérieures. 

Le fait que le budget 2018 des ITPR soit financé à 52 % par les partenaires techniques et financiers (PTF) constitue, pour la société civile, un risque de non-exécution au cas où les partenaires ne libèrent pas les fonds prévus. Aussi faut-il renseigner que le taux d’exécution de la rubrique « Investissement sur Ressources Extérieures » est resté faible, soit 2,6 % en 2017. Dans la rubrique « Subvention aux Organismes Auxiliaires », force est de constater qu’une très faible allocation, de l’ordre de 1 497 725 889 FC, soit 0,3 % du budget sectoriel, est accordée aux services techniques tels que le Bureau d’études d’aménagement urbain (BEAU), l’Office des Routes (OR), l’Office des Voiries et Drainage (OVD), le Bureau technique de contrôle (BTC), etc. 

Et contrairement au Cadre budgétaire à moyen terme (CBMT 2019-2021) où le gouvernement prévoit la poursuite des constructions des logements sociaux, aucune ligne budgétaire n’est prévue en 2019 pour financer ces différents projets. Le budget accordé aux ITPR, soit 402 045 884 276 FC, ne représente que 42 % des besoins réels sollicités par le ministère qui sont de l’ordre de 951 948 440 499 FC. Les crédits prévus sur la ligne « Construction des routes et pistes, aéroports, ports et rails », 475 000 000FC, soit 245 000 dollars sont nettement insuffisants, selon la lecture de la société civile. 

Qui note qu’aucune province n’est prise en compte dans la rubrique « Investissement sur Transfert aux Provinces et ETD », en dehors de celle du Haut-Katanga. Pourtant, le gouvernement sortant a annoncé la construction sinon la réhabilitation des routes d’intérêt général dans les villes de Matadi, Kindu, Bukavu, Mbandaka, Kikwit et Kalemie. Par ailleurs, l’OVD envisageait réhabiliter 5 km de voirie dans chaque province et 10 km à Kinshasa. 

Toujours à Kinshasa, l’OVD comptait procéder au curage des 18 rivières. Ces travaux tels que planifiés devait coûter 2 millions de dollars par km avec un coût total de 270 000 000 dollars. Or, poursuit le rapport de la société civile, en traduisant les crédits prévus dans la rubrique investissement sur transfert aux provinces (106 554 056 288 FC), il se dégage un coût de 58772231,81 dollars. Ce qui est quatre fois inférieur au coût prévu par l’OVD et ne permettra pas d’améliorer les voiries urbaines, objet de plusieurs inondations et problème de circulation dans le pays. 

Aussi faut-il souligner qu’en 2017 le taux d’exécution du budget des ITPR est resté très faible (5,4 %), soit 79 544 718 057 FC, contre une prévision de 1 480 362 390 125 FC. Alors que le document additif n°6 du Projet de loi de finances 2019 (Développement par titre de crédit de l’exercice 2018) reprend deux ponts à réhabiliter, notamment le pont Mbongo Nzaliboka et Iyanza Basimba au coût respectif 350 000 000 FC chacun, tandis le document n° 5 (Analyse explicative d’analyse des prévisions des dépenses de l’exercice 2018) ne reprend qu’un seul pont, celui d’Iyanza Basimba, au coût de 700 000 000 FC. 

Cependant, pour la société civile, l’aspect construction, réhabilitation et rentabilisation des routes d’intérêt général montre un alignement du budget des ITPR aux Objectifs de développement durable (ODD), précisément l’ODD n°9 au dernier point d’analyse ci-dessus qui vise « la mise en place d’une infrastructure de qualité, fiable, durable et résiliente, y compris une infrastructure régionale et transfrontière, pour favoriser le développement économique et le bien-être de l’être humain, en mettant l’accent sur un accès universel, à un coût abordable et dans des conditions d’équité ». 

Ressources extérieures

Il faut relever également que cette volonté de l’État à faciliter le déplacement des populations de toutes catégories rend le budget des ITPR sensible au genre bien que ces actions ne soient pas financées par le gouvernement lui-même mais plutôt à travers la rubrique investissement sur ressources extérieures. Il sied de rappeler que les ITPR ne disposent que de deux actes générateurs de recettes, à savoir l’agrément des entreprises de construction et le déclassement des véhicules de l’État. 

Mais ces recettes sont suffisamment mobilisées, 191,39 % en 2016, et 88,80 % à fin juin 2018. La moyenne des recettes mobilisées par les ITPR de 2015 à 2017 s’élève à 330 057 964,66 FC, soit 170 660,78 dollars, ce qui au regard du potentiel fiscal congolais s’avère très faible. Et la Direction des bâtiments civils, censée agréer les entreprises de construction et la Direction des Services de transport administratif, censée déclasser les véhicules de l’État ne sont pas implantés dans toute l’étendue du territoire national, ne favorise pas une mobilisation permanente des recettes. 

L’agrément des entreprises de construction, qui concerne les nationaux, n’est pas, non plus, rentable du fait que les marchés publics sont davantage accordés aux entreprises étrangères. La société civile déplore par ailleurs le non-respect des attributions reconnues aux ITPR, notamment la conception, la construction, la modernisation, le développement, l’aménagement et l’entretien des infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, ferroviaires, hydroélectriques non concédées, sanitaires, sociales, scolaires et sportives, des bâtiments et des édifices publiques en collaboration, avec les ministères sectoriels concernés par le projet d’infrastructures. 

Direction des ponts et chaussées

Autres griefs, la non-activation de l’acte générateur relatif aux travaux en régie pour la Direction des Ponts et Chaussées et l’inexistence d’un acte générateur relatif aux travaux en entreprise ne permet pas au ministère des ITPR de maximiser ses recettes. À titre d’exemple, les estimations faites sur des entrées des recettes de 2 %, par projet, sur 44 projets réalisés au premier semestre 2018 et 9 projets en cours de réalisation depuis 2017, dans la ville de Kinshasa, dégagent un manque à gagner avoisinant 1 000 000 de dollars. 

L’absence d’un comptable public au sein du FONER ne favorise pas la traçabilité des fonds perçus dans le péage et dans l’achat de lubrifiant et de carburant. La société civile dénonce, par ailleurs, le fait que le ministère des ITPR et ses services (Direction des Services des transports administratifs, Cellule de Gestion et Passation des Marchés Publics) ne sont pas associés à la réception et à la gestion de nouveaux charrois automobiles des institutions publiques. Cette mise à l’écart ne permet pas de maîtriser les données du charroi automobile de l’État afin de faire de véritable projection sur les recettes des déclassements. 

En comparant la part budgétaire du secteur des infrastructures de la RDC (402 045 884 276 FC, soit 221 757 244,44 dollars) avec d’autres pays africains, la Société civile note ce qui suit : la Côte d’Ivoire alloue sur un budget global de 8 723,5 milliards, un montant de 2 043 milliards de FCFA,  soit 30 % du budget global ; le Cameroun alloue sur un budget global de 4 513 5 milliards, un montant de 325 969 millions de FCFA, soit 7,2 % du budget global ; et le Rwanda alloue sur un budget global de 2,5 milliards de dollars, un montant de 170 millions de dollars, soit 6,8 % du budget global. Ce faisant la Société civile note une faible volonté du gouvernement à booster réellement le secteur des infrastructures.