Les mauvais résultats assombrissent le ciel des constructeurs

Les constructeurs automobiles ont-ils mangé leur pain blanc ? Il est difficile de ne pas se poser la question, alors que les avertissements se succèdent dans le secteur. 

Guerre commerciale, taux de change, prix de l’acier, nouvelles normes, ralentissement de la croissance, investissements à venir : autant de facteurs qui risquent de peser sur leurs comptes. General Motors, Ford, Daimler, Nissan, Fiat Chrysler, Hyundai, tous ont annoncé de mauvaises nouvelles à l’occasion de leurs résultats semestriels : baisse des objectifs pour 2018 chez GM, chute des profits chez Daimler, Fiat Chrysler et Nissan, et même lourde restructuration annoncée chez Ford. 

Dans ce contexte, les Français font figure d’exception : Renault et PSA ont non seulement réalisé un excellent semestre, mais ils ont confirmé leurs objectifs sur l’année. C’est que le ciel se couvre pour la plupart des constructeurs. Après un redressement spectaculaire depuis la lourde crise de 2009-2012, les nuages s’accumulent à l’horizon, susceptibles de plomber leur rentabilité. « Les éléments ne manquent pas pour se faire peur sur le secteur : le Brexit, Trump, les nouvelles normes d’homologation, les objectifs CO2, les conséquences du dieselgate… », énumère Gaëtan Toulemonde, analyste chez Deutsche Bank, expliquant la forte décote du secteur en Bourse.

Certes, l’un de ces nuages pourrait s’éloigner si le président américain et celui de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui viennent de conclure une trêve, signaient un accord commercial. L’instauration des droits de douane entre les deux zones s’annonçait dévastatrice pour l’industrie automobile. Mais pour éviter l’orage, il faudra aussi que les États-Unis s’accordent avec la Chine : Daimler a clairement mis en cause les taxes chinoises, susceptibles d’affecter les ventes de ses SUV fabriqués en Alabama et exportés dans l’empire du Milieu. Un risque qui pourrait aussi toucher BMW et ses SUV fabriqués en Caroline du Sud.

Nouvelles normes

Les groupes présents aux États-Unis ont d’ores et déjà subi les foudres protectionnistes de Donald Trump, qui a taxé les importations d’acier et d’aluminium : Ford a chiffré l’addition à 1,6 milliard de dollars sur l’année et GM à 1 milliard. Enfin, d’autres éléments exogènes pèsent sur les comptes de résultat : les effets de change (-368 millions sur le bénéfice semestriel de Renault, par exemple), ou encore la hausse des prix de l’acier – même sans droits de douane.

En Europe, les nouvelles normes d’homologation des véhicules neufs (WLTP), qui entreront en vigueur le 1er septembre, causent aussi quelques soucis aux constructeurs. En raison des embouteillages chez les homologateurs, certains véhicules manqueront au catalogue en septembre, ce qui pèsera sur les ventes. Si PSA et Renault affirment qu’ils ne seront pas touchés, Daimler ou Volkswagen ont déjà évoqué fermetures d’usines et retards. Et les équipementiers comme Valeo en subissent les conséquences. « Nous avons dû revoir nos objectifs sur l’année, mais il s’agit d’un phénomène provisoire », a souligné Jacques Aschenbroich, PDG du groupe. 

Une industrie cyclique

La croissance des grands marchés automobiles mondiaux menace aussi de marquer le pas. « On est clairement en haut de cycle, et c’est une industrie cyclique », estime Laurent Petizon, chez AlixPartners. Le marché américain a déjà reculé de 1,8 % en 2017, et pourrait encore baisser jusqu’en 2020, selon les prévisions du cabinet, qui voit aussi la croissance ralentir en Chine et en Europe. Et ce, au moment même où les constructeurs doivent redoubler d’efforts en R & D face aux contraintes sur les émissions polluantes. « Le coût est d’autant plus élevé qu’il y a une grosse incertitude sur les motorisations qui vont émerger, entre l’électrique, l’hybride, l’hybride rechargeable… », poursuit l’expert. 

Dans sa dernière étude sur le secteur, AlixPartners a calculé que la marge d’exploitation moyenne des 25 premiers constructeurs, qui avait rebondi de 4,3 % en 2012 à 6,3 % en 2016, était légèrement retombée à 6 % en 2017.