Malgré l’embellie, l’État s’est mis dans le carcan du régime fiscal

La tendance est haussière sur les marchés mondiaux des métaux, particulièrement pour le cuivre, le cobalt et l’or. Le Trésor public pouvait espérer engranger plus mais il ne devra se contenter que d’un demi-milliard de dollars pour l’exercice 2016.

C’est une somme dérisoire comme recettes mobilisées par les régies financières dans le secteur des mines, expliquent des experts. C’est la conséquence de nombreuses concessions que l’État a accordées aux investisseurs miniers ou aux minings opérant particulièrement dans la région du Katanga. Aussi ces experts sont-ils formels que la faiblesse la plus frappante du modèle économique du gouvernement est sa projection bien trop optimiste des recettes de l’impôt sur les bénéfices et profits (IBP). Selon le gouvernement, l’IBP représente au moins 57 % des recettes des mines grâce au code minier dans sa version actuelle qui remonte à 2002. En réalité, malgré la flambée des cours mondiaux de cuivre, en 2013, par exemple, l’IBP n’a valu que 7 % des recettes des mines contre des prévisions de 57 % ! « La faible perception d’IBP résulte d’une série de techniques comptables qui permettent à un investisseur de déclarer des pertes pour ses filiales congolaises tout en déclarant un profit dans d’autres sociétés enregistrées hors du Congo, soit au Canada, soit au Royaume-Uni ou dans un paradis fiscal comme les Îles Vierges britanniques ». Il est donc crucial que le gouvernement et le Parlement de la RDC approuvent la disposition interdisant le « transfert des prix » contenue dans la mouture finale du code minier révisé.

Redevance minière 

L’autre fait générateur de recettes qui pose problème est la redevance minière. Lors des négociations, en 2013, sur la révision du code, il a été convenu que la redevance passe de 2 à 6 %, mais dans la mouture du code révisé, c’est le taux de 3,5 % qui est repris au motif que le gain de l’État constituerait déjà 50 %, dont la moitié devrait venir de l’IBP. Ce qui ne viendra pourtant pas. Toutefois, en vue de limiter l’évasion fiscale dans les mines, les experts du Centre Carter exhortent les pouvoirs publics congolais d’adapter le futur code minier amendé au code des impôts. Le code actuel permet clairement aux minings de minimiser leurs bénéfices en amortissant 60 % de leur investissement dès la première année.

Or le code des impôts offre un régime d’amortissement dégressif qui varie selon la durée de vie attendue de l’actif. Le Centre Carter propose également à la RDC de limiter le seuil de la capitalisation restreinte des minings et d’ériger des barrières fiscales entre des projets miniers distincts : les grandes unités minières ont en effet tendance à enchevêtrer plusieurs projets dans un même site. Les projets miniers devraient donc être taxés séparément. Hélas, cette proposition n’a pas été prise en compte lors des négociations entre le gouvernement, les opérateurs miniers et la société civile sur la révision du code minier. La révision de la bible du minier piétine trois ans déjà, alors qu’elle totalise 15 ans d’application le 2 juillet prochain.

Régime de droit commun 

Le ministre provincial des Mines, des Hydrocarbures et de l’Environnement de du Sud-Kivu, Apollinaire Bulindi, a souhaité voir la RDC adhérer au régime de droit commun, en lieu et place du régime conventionnel dans la gestion du secteur minier. Pour ce ministre provincial, le régime conventionnel ne facilite pas l’émergence du secteur minier sur le plan économique, du fait qu’il supprime plusieurs taxes dues à l’État, notamment dans les provinces où les industriels exploitent les matières minérales. Le régime de droit commun par contre incite au paiement du fisc contribuant ainsi à la croissance économique nationale, a-t-il affirmé. Il a laissé entendre que le secteur des mines n’est pas bien organisé en RDC, souhaitant à cet effet que certaines dispositions du code minier soient supprimées. Selon lui, tous les services ne sont pas éligibles dans les mines, notamment  la Direction générale de migration (DGM) et les services de sécurité.

Bulundi a préconisé l’évaluation des gisements pour connaître les réserves minières dont dispose le pays en vue de permettre une bonne négociation avec les investisseurs en cas de vente des carrés miniers. L’ignorance des réserves, a-t-il affirmé, conduit souvent au bradage des carrés miniers engendrant un manque à gagner pour le pays. Dans ce cadre, il a jugé indispensable la connaissance du code minier pour avoir les renseignements sur les gisements et leur classification. Le ministre provincial du Sud-Kivu s’est prononcé pour l’attribution des grands gisements aux industriels, les moyens au semi-industriels et les petits gisements aux exploitants artisanaux.